08. Cœur rouge

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Les minutes perdurent alors qu'ils se regardent dans le blanc d'yeux. Cet homme robuste aux larges épaules nous a rejoints après avoir réduit les plusieurs mètres qui nous séparent à l'aide de sa moto.

Et au vue des expressions qu'ils ont arborées lorsque ce dernier a retiré son casque, j'en déduis qu'il doit être ce fameux Carl, dont le simple nom les fait frissonner jusqu'aux os.

- Alors comme ça, vous avez décidé de jouer au baby-sitter, lance-t-il, brisant ce silence morbide.

Il ponctue sa remarque d'un hochement de tête.

- Intéressant.

Un faux sourire déforme la courbure de ses lèvres quelques secondes, puis son regard s'ancre dans le mien. Ses cheveux noirs, ébouriffés, dont quelques mèches retombent sur son front, s'assombrissent sous les faisceaux de la lune. Alors qu'il dégage une énergie sauvage, presque brûlante.

Emplie d'un sentiment d'effroi indicible. J'ai l'impression d'étouffer, à force qu'il me dévisage avec cette expression intense et peu contrôler.

Sa réaction a été des plus surprenantes, lorsque sur un moment d'inattention, il a montré de manière apparente, ses sentiments qu'il porte à mon égard. Il s'est figé sur place, dès qu'il m'a aperçu, arquant un sourcil, pour preuve de son étonnement.

J'imagine que mon apparence fait peur à voir.

Je ne compte plus le nombre de fois où ses mâchoires se sont serrées, au point de faire grincer ses dents.

Les poings fermés et la respiration forte. J'ai le pressentiment qu'il se retient de faire quelque chose. Ses traits sont aussi sombres qu'une nuit d'hiver et sont imprégnés d'une colère contenue et mal maîtrisée.

- Et bien, comme je vous l'ai expliqué au téléphone, on n'allait quand même pas la laisser mourir de froid...et de faim.

Son chuchotement résonne comme un cri. Le vent léger et naturel qui s'élève autour de nous, et ce, depuis plusieurs minutes, se fond parfaitement dans les bruissements ambiants.

- Je vois. C'est ce qui explique donc votre retard, d'exactement 32 minutes, renchérit Carl en inspirant l'intérieur de sa bouche, tout en leur lançant ce même regard blasé dans l'attente d'une explication plus convaincante.

C'est tête de citrouille qui rompt le silence, après plusieurs secondes à fixer un point imaginaire sur ce sol goudronné.

- C'est que...on a dû faire tout un détour, parce que la route du nord était en travaux. Alors...

Il lui décoche un rire nerveux, surpris de constater qu'il n'a aucune excuse sur laquelle se raccrocher. Il tourne la tête vers son amie. Celle-ci le regarde en retour. Aucun d'eux ne semble avoir de quoi justifier ma présence ici.

Et puis vint le moment tant redouté. Sa voix éclate sur plusieurs kilomètres, et d'un mouvement presque synchro, nos corps sursautent de plus belle.

- C'EST TOUT CE QUE VOUS AVEZ ? HEIN ?

- Patron, la livraison a pris plus de temps que prévu et-

- J'EN AI RIEN A FOUTRE !

Il rabat la tête en arrière et ferme les yeux d'exaspération. Sa main tatouée vient effacer toute trace de sérieux qu'il affichait sur son visage, pour se transformer en une colère profonde. Tandis que j'ai les membres qui vibrent au même rythme que ses cordes vocales.

Son torse se soulève violemment sous son t-shirt noir, marquer de reliefs. Il s'approche tout d'un coup, et en une fraction de seconde son poings atterrit sur la joue gauche de tête de citrouille qui tombe aussitôt sur le sol, gémissant de douleur.

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