19. Bouquet final

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Un millimètre, c'est tout ce qui me sépare de l'abîme. Dans cette immobilité forcée, le poids de son silence devient une torture insupportable.

Je dois me faire violence pour dissimuler ma surprise.

C'est très mauvais signe.

Mon manque de tact, me fait défaut puisqu'il poursuit d'un timbre caverneux, un murmure qui fait écho dans les alcôves de mon esprit agité.

- Ça faisait longtemps que je n'avais pas entendu ce prénom, crache-t-il avec aisance, transformant l'atmosphère en un champ de bataille psychologique. Anna Miller.

Mes pensées s'embrouillent, cherchant frénétiquement à comprendre comment il a pu obtenir cette information.

Les questions s'entremêlent dans ma tête, mais je garde un masque d'indifférence, dissimulant mes émotions derrière un mur invisible.

Une onde de méfiance traverse l'air, et presque naturellement, mon instinct se met en éveil.

J'essaie de lire dans son regard, mais ses yeux demeurent impénétrables, cachant des intentions que je ne parviens pas à déchiffrer.

- Comment va ton père ? J'ai cru comprendre qu'il était souffrant.

Ou peut-être pas.

- Mon père ? Ma voix, bien que contrôlée, trahit une pointe d'anxiété.

Il esquisse un sourire énigmatique, comme s'il savourait ma confusion.

- Les rumeurs ont tendance à vite circuler, alors...

Son regard pénètre le mien, scrutant les replis de mon âme avec une acuité déconcertante.

- Je doute que personne ici, ne sois au courant de son état de santé.

Je peux entendre ma voix intérieure hurler à plein poumon, vibrant dans tout mon être. Et je prie en croisant les doigts, que la surprise ne se lit pas sur mes traits.

J'ai les mains qui tremblent, mon cœur bat si fort que j'ai peur de faire une crise cardiaque.

- Mais j'en conclus que si tu fais honneur de ta présence, c'est qu'il se porte mieux que les rumeurs le disent.

Mes pensées se dirigent vers la source de tous mes problèmes...Derek.

Je serre les dents, avec une folle envie de prendre mes jambes à mon cou, et de le rejoindre pour lui cracher toute ma haine à la figure.

Cet imbécile. Pourquoi il ne m'a pas précisé que j'avais un père ? Et pourquoi il n'a pas mentionné que je portais l'identité d'une vraie personne ?

- Oui. Il. Va bien. Il...euh, se remet doucement, inventé-je, rapidement, quand son expression commence à prendre une autre forme douteuse.

La gorge tout d'un coup beaucoup trop sèche, je porte le verre à mes lèvres, prise d'un léger tournis. Une détente éphémère m'envahit, dissipée rapidement par l'amertume persistante qui s'accroche à mes papilles, me forçant à réprimer une grimace de dégoût.

Je jure de te le faire payer.

- Ravie de l'entendre.

Je me retrouve plongée dans le doute, oscillant entre la satisfaction d'avoir exprimé ma détermination et l'angoisse d'avoir dit une chose qu'il ne fallait pas dire.

Il doit sûrement connaître mon soi-disant « père », personnellement, s'il est au courant de sa soi-disant « maladie ». Mais l'incertitude disparaît dans un coin de ma tête, lorsqu'il ne semble pas contredire mes propos.

DARKSIDEWhere stories live. Discover now