Chapitre 6

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Mirabilis

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Mirabilis





Au fond de la salle, l'orchestre s'en donne à cœur joie. La violoncelliste sourit à s'en décrocher la mâchoire, enchaînant les mélodies comme s'il s'agissait d'une addiction particulièrement agréable qui ne prendrait fin qu'à la dernière danse des convives. Ceux-ci semblent tout autant s'amuser, prêts à tournoyer jusqu'à ce que l'orchestre s'arrête. Et si l'un attend de l'autre un point final, je crains que la nuit soit d'une éternité bien plus douloureuse qu'elle ne l'est déjà.

Quelques heures de plus dans ces chaussures inconfortables et je m'offre nue aux coyotes affamés. Quelle différence cela ferait-il ? Les hommes qui m'entourent ne sont guère plus civilisés que ces prédateurs. Ils attendent chacun leur tour, plus ou moins sagement, les yeux rivés sur ma personne en espérant que je vois en eux un potentiel futur. Père est le pire d'entre eux. Il m'épie et me balade, une main assurée dans mon dos, me poussant vers de parfaits inconnus au pedigree acceptable.

Les présentations se suivent et se ressemblent. L'homme m'offre une révérence, puis sa main. Nous dansons. Il fait semblant d'être intimidé par mon regard, me lance des œillades de haut, fier de sa stature imposante et de son adresse sur la piste – comme si je ne savais pas que père a offert à tous les volontaires des cours de danse pas plus tard qu'hier.

Quand le morceau se termine enfin, l'Homme fait sa main plus présente sur ma taille afin de m'attirer à lui. Je le repousse systématiquement, souris comme je le peux et bredouille des mots que je n'ai moi-même pas compris.

Je les vois un par un rejoindre leurs amis qui se moquent de leur échec avant de s'élancer vers moi dans l'espoir d'être le suivant. Bien que ne connaissant pas la sensation d'un amour sincère, je reste persuadée qu'il s'agit de tout sauf de cela. Et j'ai beau répéter à père que je ne suis pas une biche, la quasi-totalité de ces grands gaillards souhaite m'ajouter à leur tableau de chasse en me pointant du doigt comme si j'étais la biche sacrée de ce satané royaume.

Le nouveau prétendant s'approche de moi en me tendant la main que je m'offre le luxe de refuser en prétextant que mes pieds me font souffrir. Je soupire et m'échappe avant qu'il ne me propose de me porter – en posant ses mains partout là où il n'est pas nécessaire de le faire –, préférant le vent glacial de l'extérieur aux étreintes chaleureuses des mâles en rut.

Arrivée dans le hall tant bien que mal, je suis apostrophée par une jeune femme à l'allure mutine qui me fixe avec des sourcils froncés :

— Où vas-tu ?

Sofia est aux abois, inquiète que je lui glisse entre les doigts alors que le roi l'a déjà sermonnée à plusieurs reprises. Impossible de lui avouer que je fuie le brame du cerf sans être obligée de retourner danser au milieu des bestioles.

MIRABILISWhere stories live. Discover now