Chapitre 11

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Loukas

— J'ai pas tout compris, avoue finalement Ryen, les sourcils froncés. Il faut capturer... la princesse d'Ilios ?

Comment lui en vouloir, je n'ai moi-même pas su comprendre les propos de père. Peut-être ai-je refusé de les comprendre. Certainement. C'est d'ailleurs pour cela que je n'expose pas à mon ami en toute transparence la teneur de la tâche qui m'attend.

Dans le secret de mes appartements, Ryen me tient compagnie. Il n'est pas rare que nous passions des moments comme celui-ci, à l'abri des murs aveugles de ce château. Je n'ai pourtant jamais commis l'erreur de croire qu'être aveugles faisaient d'eux des sourds. Les servantes peuvent se montrer bien curieuses, bavardant entre elles de choses qu'il n'est pas bon de faire sortir de l'enceinte qui abrite les Stratos. Les cuisines du château sont un endroit particulièrement dédié aux commérages, de la grossesse non désirée d'une bourgeoise aux desseins quelque peu douteux du roi. Si un espion d'Ilios venait à s'infiltrer sur nos terres, nul doute qu'il choisirait les cuisines pour glaner toutes les informations dont il a besoin.

C'est entre les casseroles et le tintement des couverts en argent que l'alcoolisme de père est devenu une rumeur avant d'être avérée. C'est aussi de cette manière que Ryen a construit la légende qui a fait de lui l'alpha. Pour ce qui est de mon cas... j'ai déclenché plus de crêpages de chignon que je l'aurais voulu.

Soldat émérite et invincible envié par mes pairs, je ne suis pour ces dames que le roi en devenir, et la promesse d'un mariage à l'abri du besoin. Les hommes qui ont des harems me répugnent. Que ferai-je d'une dizaine d'épouses ? Je suis incapable d'en satisfaire pleinement ne serait-ce qu'une. Absent la plupart du temps, je voue ma vie à la vengeance à travers la guerre. Je me lève et m'entraîne avant de déjeuner et de m'entretenir avec les chefs de guerre des différents bataillons, puis je motive mes hommes et vérifie personnellement le matériel vétuste en espérant trouver quelques plastrons encore intacts. Une fois toutes mes tâches effectuées, je passe du temps avec Ryen et Néro. Nous parlons bien souvent de tout et de rien en fantasmant sur un avenir radieux, rêvant d'entendre les pleurs d'un nouveau-né à la place de celui de sa mère qui n'aura jamais le loisir de l'être. Alors seulement, je pars à la guerre.

Mes journées sans soleil ne sont qu'un éternel recommencement, comme une malédiction à laquelle je me suis habitué, ne la trouvant plus si désagréable.

Le véritable repos intervient quand j'entends le chant des cors et que le matin sonne six heures. Je salue les veuves, rejoins mes appartements, lave le sang sur mon corps et quelquefois, une servante s'occupe d'appeler mon sommeil. Elle entre dans mes appartements et souffle sur la dernière bougie avant de faire de même sur ma queue. Elle me rappelle sans cesse son prénom, donnant une importance à une futilité sans nom. Eloana. Charline. Sèvre. Talia. Elles s'appellent toutes différemment, mais baisent toutes de la même manière.

Une cambrure exagérée, des lèvres retroussées comme si le malin les possédait et des essoufflements mesurés, juste calculés pour ne paraître ni trop ni pas assez. Je jouis et m'endort, les laissant systématiquement pour compte. S'en sont-elles plaintes ? Pas le moins du monde. Talia avait trouvé cette nuit d'amour merveilleuse, la contant dans les moindres détails à Eloana. Ou peut-être était-ce Charline ? Quelle importance ? Elles s'endorment toutes dans mes bras en vantant mes mérites, caressant mon torse imberbe avec la bouche en cœur. La vérité c'est qu'elles ne prennent aucun plaisir à m'ouvrir leurs jambes et que je n'accepte qu'elles le fassent que pour guérir ce sommeil qui ne vient jamais. Il n'y a pas d'amour, de mots doux ou de murmures au creux de l'oreille.

Les rois comme les héritiers ont la particularité d'avoir dans leurs appartements, une chambre dédiée aux amantes. Ce n'est qu'une chambre tout ce qu'il y a de plus banale mais certaines seraient prêtes à payer un loyer pour y séjourner. Pour ma part, la porte est restée fermée. Et si d'aventure l'affection me poussait à courtiser une femme, ce serait dans mon lit qu'elle dormirait et non dans une pièce à part, en attendant que je quémande sa présence comme un mort-la-faim. Que les femmes puissent accepter cette situation me révulse. Alors la chambre des amantes a pris la poussière et j'ignore cette porte close à chaque fois que je passe devant, laissant mourir les draps, toilettes splendides et toutes autres fioritures qui dorment dans cette prison vendue comme dorée.

MIRABILISOù les histoires vivent. Découvrez maintenant