Chapitre 16

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Mirabilis



    Arrivée à l'orée des bois de Nychta, le remord m'assaille. Ai-je bien compris de quoi il retournait ? Le prince est-il vraiment ce même homme, celui qui m'a laissé la vie sauve cette nuit-là ?

    Quand bien même il s'agit d'une seule et unique personne, cela n'aurait pas dû suffire à me convaincre. Il pourrait tout à fait me tendre une embuscade, profiter de l'absence d'escorte et faire de moi sa prisonnière et monnaie d'échange afin d'obtenir la capitulation d'Ilios. Il ne l'obtiendra pas, mais il ignore cela. J'ai agi comme une enfant trop gâtée, curieuse de l'autre malgré les risques évidents et les conséquences qui en découlent. Agacée par le comportement de père, je suis allée à l'encontre de ses mises en garde et, pire encore, lui aie menti.

    A cette heure-ci, quelques minutes avant l'éblouissement de minuit, le conseil bat son plein. Les hommes discutent, haussent la voix et entrent en désaccord, tous plus orgueilleux les uns que les autres. Je n'étais pas conviée – mon sexe d'homme n'a jamais poussé entre mes jambes. Cette injustice ajoutée à toutes les autres m'a poussée à commettre l'irréparable, à savoir me rendre seule à la rencontre de la bête d'Afthonia sans mettre quiconque dans la confidence. Sofia dira que je suis allée rendre visite à Freud tandis que père ne s'inquiètera pas davantage de mon absence, gardant l'espoir secret que j'entretiens une liaison discrète avec un homme de bonne famille. S'il savait quel homme m'attend dans les bois, il ne s'en remettrait certainement jamais.

    Je coince la torche entre le pommeau et le garrot de Knight, attrape mon arc et prépare une flèche suffisamment aiguisée pour traverser autant que possible une armure de qualité moyenne. Je garde mon arme dans ma main gauche et récupère la torche et les rênes, guidant Knight vers l'antre lugubre de tous les possibles où seuls les coyotes savent quelles bêtes monstrueuses s'y cachent. Parmi elles, la pire de toutes – la bête d'Afthonia.

    Ni le froid ni les branches qui me chatouillent le visage ne sont coupables de mes frissons. Plus les troncs se font denses, plus mes mains deviennent moites et mes doutes présents. Je ne me souviens plus avec exactitude de l'endroit de notre rencontre non-officielle dans ces bois, mais quand j'entends des bruissements et le son régulier des sabots d'un cheval sur le feuillage sec, mon cœur s'arrête de battre.

    Je prends soin d'éteindre la torche avant de la glisser entre deux branches et me saisis correctement de mon arc que j'arme en direction du nouveau venu. L'empennage caresse ma joue, prêt à suivre la flèche et se planter dans le corps de la bête en cas de besoin.

    Soudain, une tête allongée fait son apparition. Un chanfrein coiffé d'une fine liste blanche qui courre de ses oreilles à ses naseaux. Son cavalier sort de l'ombre la seconde d'après, sa torche toujours allumée, l'épée sagement rangée dans son fourreau. Il tire sur les rênes, s'arrête à quelques mètres, et me dévisage sans vergogne, analysant la situation avec prudence. D'abord mon arc, puis les alentours.

— Je suis venue seule, je confirme.

    Cette information n'était pas la plus intelligente à donner en premier lieu, mais imaginer qu'il mette en doute ma bonne foi avant toute chose me rend irresponsable.

— Alors vous êtes stupide.

    Je ravale ma fierté. Il a raison.

— Ne l'êtes-vous pas ? je m'enquis, curieuse.

MIRABILISWhere stories live. Discover now