MIRABILIS

Chapitre 8

Loukas

Le septième jour est exempt de combat aux seins des royaumes. C'est une habitude qui nous vient de nos ancêtres et qui est devenue sacrée, au nord comme au sud. Les femmes d'Efforos retrouvent leurs maris et leurs fils. Ils dansent, dorment, prient et baisent comme un jour saint le permet. N'ayant ni femme, fils ou encore famille avec qui fêté ce jour de repos, je passe la plupart du temps à m'ennuyer et m'entraîner. Ce septième jour n'est pourtant pas comme les autres et mon ennui s'est transformé en une sorte de transe extatique quand j'ai appris la merveilleuse nouvelle.

Nous avons reçu une missive du roi d'Ilios ce matin même.

Il dit accepter la rencontre proposée par père et invite à ce qu'elle ait lieu ce soir même, avant l'éblouissement, afin de différencier cet échange des combats habituels. Pourtant pas particulièrement pieu, je m'agenouillerai devant l'autel de la déesse pour la remercier. Je ne le ferai pas. Je ne m'agenouille devant personne – que les coyotes me plantent leurs dents dans le ventre que je ne le ferai toujours pas.

J'ai été le premier informé de la décision d'Afélis et ne serai pas le dernier à m'en réjouir. Tous les soldats dans la cour du château sont en effervescence. Pourvus de leur plus bel habit de guerre, ils sont prêts à participer à un bal quelque peu particulier. Et même s'il n'y aura pas de morts ce soir, nous savons que l'image que nous allons renvoyer sera ce qui fera de nous des gagnants ou des perdants. La seconde option étant inenvisageable, chaque masque a été lustré, tout comme les selles, les bottes et les fers. Les chevaux n'ont jamais été aussi soignés, leur crinière tressée et ramenée en pion sur leur encolure – sans parler de leur queue parfaitement brossée qui ondule comme la tignasse d'une fille de bonne famille.

— T'es-tu offert le luxe de prendre un bain ? s'amuse Nero tout en se frottant le torse. Tu ne sens pas la même odeur que d'habitude.

Je me garde bien de lui dire que les servantes m'ont fait couler un bain à la rose, voulant garder un tant soit peu de crédibilité. L'odeur est agréable, il est bien dommage que les roses ne puissent plus pousser depuis que le soleil s'est éteint – voilà donc toute l'utilité de mon petit spectacle à venir. Ce dernier bain fantastique est celui qui marquera la fin de la privation pour un royaume qui n'a rien demandé et qui n'est coupable d'aucune sombre magie. Les roses reviendront, je laisserai le soin aux soldats d'Ilios de goûter à leurs épines tandis que je me baignerai nu au milieu des pétales.

— Je me suis lavé de nos échecs, je réplique fièrement. Apprécies-tu l'odeur de la victoire ?

— Ta queue est-elle aussi propre que ton langage de bourgeois ? Qu'avez-vous fait de Loukas ?

— Veux-tu goûter ma queue, Nero ?

— Ne me faites pas vomir, nous taquine Ryen qui nous a discrètement rejoint. Je m'en voudrai de souiller mes habits d'apparat.

L'ironie dans sa voix s'explique par son allure qui dénote avec son style habituel. Vêtu d'une chemise pourpre relativement large et d'un pantalon en lin noir, Ryen ne semble nullement partir au combat. Seul le plastron qu'il tient dans sa main valide prouve qu'il est un chevalier, en plus de ses bottes trop cirées pour avoir déjà été utilisées. L'élément clef de sa tenue réside pourtant dans l'objet qu'il porte sur le haut de son crâne comme s'il était réticent à l'exhiber.

Ce masque qui est le sien n'est pas celui des simples combats. Ajoutées au cuir commun, des oreilles pointues dépassent du loup – faisant de ce loup un loup des plus réaliste.

Ryen ne râle pas ni ne refuse ce nouvel accoutrement. Bien conscient que l'importance de l'apparence le dépasse, il accepte les caprices des couturières et les manigances du roi – tant qu'elles servent la victoire. Ainsi, la légende du loup se doit d'être vraie et, par-dessous-tout, visible. Devant moi se tient l'alpha. L'homme qui est venu à bout du grand loup, portant sur sa chemise le sang de l'alpha et sur sa tête son appartenance à la meute.