Chapitre 18

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Loukas


    C'est quand j'allume la dernière bougie que j'entends toquer à la porte. Trois coups timides, ceux d'une femme, hésitante et impatiente. Je l'invite à entrer et range les allumettes dans le tiroir du buffet, presque nerveux de la soirée qui m'attend. Ce n'est pas un rendez-vous romantique, pourtant, quand je vois Sèvre dans l'entrebâillure de la porte, je me demande bien ce qui diffère.

    Elle les cheveux attachés en un chignon élégant, ses joues sont poudrées, lui donnant un teint frais égal à la rosée des matins qui ne sont plus. Sèvre a pris son temps pour me rejoindre, préférant être en retard que naturelle. Parce qu'elle espère que cela est un rendez-vous romantique ou quelque chose du genre. Un homme et une femme qui se retrouvent à des heures indécentes pour parler de tout et de rien à la lueur des dernières bougies qui se consument.

— Tu as mis du temps.

    La politesse n'a jamais été une de mes qualités. J'aurais pu la saluer, lui dire qu'elle est belle avec ses cheveux coiffés ainsi, mais lui mentir est au-dessus de mes forces. J'aime quand elle a les cheveux lâchés, que ses mèches se glissent sur mon visage quand elle soupire d'aise.

— Je rangeais les dernières bouillottes. Il est rare que tu rentres aussi tôt.

    Sèvre ment. Jamais une femme n'avouera avoir pris son temps pour s'apprêter, comme si elles pensaient toutes que nous sommes assez bêtes pour croire que leurs fards prennent place tout seul sur leurs joues.

— Il y a une trêve, j'élude. Je rentrerai tôt ces prochains jours.

— Alors tu as souhaité ma présence ?

    Je hoche la tête, la privant ainsi d'une confirmation verbale. Elle s'avance, ferme la porte et replace une mèche de cheveux derrière ses oreilles. L'intimité qu'elle imagine n'est pas celle que je souhaite lui offrir, mais je laisse le rêve danser dans son esprit pour avoir le loisir de la voir sourire.

— J'ai des questions qu'il est nécessaire que je pose à une femme, j'ajoute d'un ton solennel qui la surprend. As-tu un peu de temps devant toi, ou bien les bouillottes requièrent ta présence ?

    Piquée par ma réflexion désagréable, Sèvre pince les lèvres. Elle aurait pu partir, me traiter de goujat et claquer la porte derrière elle, pourtant elle choisit de rester. C'est justement cela que j'aimerai comprendre, savoir à quel moment j'ai réussi à la séduire et comment. Qu'est-ce qui la rend si dépendante de moi, au point d'écraser son égo dans un coin de la pièce, jugeant mon approbation plus importante encore que l'estime qu'elle a pour elle-même ?

— Une femme ? N'importe laquelle ? riposte-t-elle, ne prenant pas la peine de cacher sa jalousie.

    J'hésite quelques secondes, puis finis par décider qu'il ne s'agit pas vraiment d'un mensonge :

— Toi en particulier.

    Rassurée, Sèvre se dirige vers une chaise où elle pose ses fesses, cambre son dos et m'offre la vue de son corset en prenant appui sur la paume de ses mains sur l'arrière de l'assise. Personne ne s'asseoit comme cela, c'en est presque ridicule. Son sourire est sans doute aguicheur, mais je ne saurais le dire – mes yeux ne se sont pas posés sur son visage. Je me ressaisis juste à temps, quand mon cœur pulsant trop vite m'invite à m'approcher.

— Comment j'ai réussi à te séduire ? je lâche le plus naturellement du monde, à la fois gêné de lui poser la question tout comme je me sens un imposteur.

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⏰ Dernière mise à jour : May 11 ⏰

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