Chapitre 17

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Loukas

    Je l'ai entendu m'appeler dans les bois, c'est à ce moment-là que j'ai su que j'avais gagné. Elle réclamait ma présence sans même le savoir, vexée que je mette fin à notre entrevue de manière prématurée. J'ai pris la décision. Elle l'a subie. La chasse vient tout juste de débuter.

    Je n'avais pas envie de partir. Je l'ai fait parce que je devais le faire, créer en elle le besoin de ma présence en ne lui offrant que mon absence. Je n'ai pas répondu à ses questions ou seulement de manière évasive, laissant son cerveau en créer de nouvelles auxquelles je ne répondrai pas davantage. Je n'ai pas joué la carte de la séduction, je ne sais pas le faire – du moins pas volontairement. Pour autant, j'ai toujours su chasser. C'est un jeu que j'aime, seulement je n'ai jamais pris autant de plaisir à reluquer ma proie.

    La princesse est une belle femme, de celle dont on s'éprend en se demandant bien pourquoi. Loin de ses jupons, elle rayonne. Les expressions de son visage sont diverses et variées, permettant ainsi d'entrevoir en elle chacune de ses émotions sans la moindre difficulté. Il est adorable de se perdre dans les plis de son front, la moue de sa bouche, la tension de ses zygomatiques. Un sourire en vaut dix, aucun n'étant similaire au précédent.

    En y réfléchissant bien, la séduire n'est pas une si grande malédiction. La chasser est un défi où le chasseur pourrait se faire prendre à son propre piège.

    Afélis aurait très bien pu lui donner la même mission qui m'a été confiée. Pourquoi ne l'aurait-il pas fait ? Il serait facile pour elle d'utiliser ses charmes pour arriver à ses fins. Les hommes sont faibles face au charme féminin, ils n'attendent pas pour dire oui. Ils le font avec les yeux, les mains, puis le corps tout entier. Ils finissent mariés, enchainés, puis pendus. Elles ont cet avantage, celui-là même qui les révulse et qu'elles considèrent comme un frein à leur émancipation. Elles ne savent pas. Elles ne savent qu'elles pourraient obtenir tout ce qu'elles désirent, peut-être le font -elles inconsciemment. Une femme peut rendre fou un homme. Afélis en a fait les frais avec l'enchanteresse. Père sombre chaque jour un peu plus depuis la mort de maman.

    La princesse ne semble pas avoir conscience du pouvoir de son rang lié à son sexe. Peut-être a-t-elle été éduquée ainsi, encore chaste et mal informée sur le rôle qu'ont les femmes dans nos institutions.

— Alors ?

    A l'orée du bois, éclairé par les foyers de la zone de combat qui brûlent en continue, Ryen m'attend sagement, son cheval humant la terre maudite dans l'espoir d'y trouver un brin d'herbe au milieu des os.

— Elle est venue, je réponds d'un ton sérieux en le rejoignant.

    Son cheval souffle quand Ryen lui donne l'ordre d'avancer alors que nous prenons la direction d'Afthonia. Mon ami ne porte pas de masque, ni le mien ni celui du loup.

    Je lui avais dit que je pouvais me débrouiller seul, mais l'entêté ne pouvait supporter que je me retrouve pris dans une embuscade. Ryen a l'esprit d'un loup, faisant passer la meute avant toute chose. Il serait capable de me tenir la porte pour que j'aille pisser.

— Seule ? insiste Ryen, cherchant dans mon regard la réponse à ses questions. Il ne trouve que l'imperméabilité de mon cuir.

— Elle était effectivement seule. Si elle ne l'était pas, personne n'est venue se faire connaître.

— Comment a-t-elle pu prendre un tel risque ? s'étonne le loup.

— Tout porte à croire que le roi n'était pas au courant de sa petite escapade, j'explique en prenant le trot. Il ne sait pas qu'elle chasse près de la zone de combat et si tu veux mon avis, elle lui cache bon nombre de petits secrets, en plus de mentir autant qu'elle respire.

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