Chapitre 15

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                    Princesse d'Ilios, fille d'Afélis et d'Ilios, gardienne de la nuit, maîtresse des dragons.

    Princesse, là où le vent a porté nos voix se sont ouverts des négociations et la possibilité d'un accord qui mènera, je l'espère, aux prémices d'un commerce équitable.

    Rencontrez mon respect honnête et tous mes vœux d'une paix durable ce septième jour, à l'orée des bois de Nychta.

    Moi, Loukas Stratos, prince d'Afthonia, vous fais cette requête.

    Cette Nuit, la trêve se prolongera, nos hommes se reposeront.

    Là où nos armes se croisent, les cris feront place au silence.

    Où que nous mèneront nos échanges, je prie que les os de nos braves ne soient plus les pavés qui jonchent nos chemins.

    La Biche dormira, tranquille sur son lit de feuilles, l'œil clos, seule garante de notre volonté de se défaire du malin qui nourrit notre haine.

    S'est Éteinte la barbarie, puisse-t-elle ne jamais venir à nouveau troubler notre nuit.

Votre dévoué, Loukas Stratos, Prince d'Afthonia.



Mirabilis


— Tu as reçu une lettre, a dit Afélis d'une voix monotone.

    Sans attendre ma réaction, père m'a tendu ladite lettre à la hâte. Ses sourcils froncés et son air dubitatif en disait long sur sa volonté d'assister à ma lecture.

    Je l'ai lu.

    Je n'ai pas saisi le sens de ce charabia pompeux.

    Assise sur le fauteuil en velours brun dans le bureau du roi, je me perds dans la prose mesurée du prince d'Afthonia, cherchant la signification à tant de mots, phrases et fioritures inutiles. Le prince a usé de patience pour faire tenir au sein d'une feuille entière ce qui aurait pu être écrit en une seule phrase. Ce n'est qu'un jeu de politique, mais le comprendre aurait été pratique. Le tout ressemble à un appel à la paix, un rassemblement d'idées confuses sur l'avenir de nos royaumes qui m'a tout l'air utopiste. Le prince ne peut tout de même pas croire que cet accord mènera à la paix ? A moins qu'il soit aussi stupide qu'il en a l'air.

    Cette écriture ronde, les propos inscrits et la tournure des phrases ne vont pas avec son personnage. Il m'est autant dévoué que je suis stupide pour croire qu'il l'est. Sa formule de politesse pompeuse ne me trompe pas, ni tous les titres qu'il m'accorde.

    Il faut lui reconnaître une certaine maîtrise des mots. Là où la lettre pourrait n'être que douceur, le prince a réussi à prôner la paix tout en nous accusant par des caresses de sa plume d'avoir provoqué la guerre. Je suis presque vexé que ce soit si joliment dit.

— Nous nous rencontrerons donc le septième jour, c'est bien de cela qu'il s'agit ? je m'enquis auprès de père, posant la lettre sur mes genoux.

— Jamais Yvris n'a souhaité la paix. Je doute que son fils ait une politique différente.

— Crois-tu qu'il ait écrit cette lettre dans le dos de son père ?

    Il secoue la tête à la négative. Bien sûr que père ne peut imaginer une telle chose. De toutes les trahisons possibles, celle du sang n'en fait pas partie. C'est du moins ce qu'il croit. Personnellement, je ne pense pas que les ancêtres jouent un rôle déterminant sur notre futur. Il n'y aucune limite à la trahison, et si celle du sang est la pire, c'est bien parce que personne ne veut jamais y croire.

MIRABILISWhere stories live. Discover now