Chapitre 19

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                    Princesse d'Ilios, fille d'Afélis et d'Ilios, gardienne de la nuit, maîtresse des dragons.

    Princesse, nos opinions divergent, mais nos besoins réciproques trouvent réconfort dans notre accord.

    Cette Nuit encore, les coyotes dormiront tranquilles loin des fers de nos hommes. Les bois seront paisibles.

    Devant votre requête, le Roi s'est retrouvé surpris. Nous doutons que la viande crue puisse repaître vos hommes.

    Les Bois sont garants de nos échanges et cette promesse d'un commerce balbutiant est gardée par la nuit.

    Acceptez nos doutes et la prolongation de notre réflexion quant aux quantités de viande disponibles tant nos animaux nous sont précieux.

    Ma Présence sera de mise tant que vous en ferez la demande, dans une paix fragile mais ô combien sincère.

    Agréables furent nos brèves rencontres, tout autant que le seront, j'en suis certain, celles à venir.

Votre dévoué, Loukas Stratos, Prince d'Afthonia.



Mirabilis 


    J'ai récupéré la lettre des mains de père, fuyant son regard suspicieux et ne l'ai pas lu en sa présence. N'en connaissant pas le contenu, je ne voulais pas qu'il puisse comprendre qu'elle comportait un message caché.

    Assise seule sur mon lit trop grand, je n'ose tenir le papier tant mes mains sont moites. Je l'ai lu. Trois fois. J'ai cherché à en comprendre le sens. Je l'ai imaginé l'écrire seul, quelque part dans son château à l'abri des regards. Il ne portait pas son masque, dévoilant au papier et à l'encre l'entièreté de son visage et les rictus détestables qu'il arbore en tout circonstance. L'imaginer ne m'a pas aidé à en décrypter le sens. Cette lettre n'a aucun sens. Elle ressemble à celle qu'un amant écrirait à celle qu'il courtise et ce n'est en aucun cas possible même si ça reste flatteur.

    Je froisse la lettre nerveusement et jette un œil par la fenêtre – il fait nuit. Je pourrais chasser ce soir, ou encore trouver Freud et discuter de tout et de rien en craignant qu'un gaz quelconque m'explose au visage. Je pourrais aussi rester au château, convaincre père de retirer Thibault de sa garde rapprochée tant son comportement est insupportable ou boire un thé avec Sofia en l'encourageant de vaincre sa timidité. Je pourrais tout faire, à commencer par ignorer cette fichue lettre, mais je ne ferai rien. Je relis les premiers mots, pince les lèvres et réalise que mon impatience dessert le royaume plus encore que père le croit :

Princesse, Cette nuit, devant les bois, acceptez ma présence agréable.

    Sa présence n'est définitivement pas agréable, mais elle fait naître une curiosité quant à l'avenir de nos royaumes respectifs. Le Prince a su attirer mon attention en m'invitant à prendre la place qui me revient, les responsabilités en prime.

    Père me refuse tous les secrets du royaume, les conseils et les jeux de politique. Il ne pense qu'à me marier.

    Au fond de moi, j'ai toujours su que je prétendais à d'autres desseins. Le fait que ce soit un Stratos qui ne le comprenne me met dans l'embarras plus que je le pensais. A moins qu'il ne s'agisse seulement d'un jeu de dupe ? 

MIRABILISWhere stories live. Discover now