Chapitre 1 : Olympe [corrigé]

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Je l'ai fait...

C'est la première pensée qui me traverse l'esprit alors que mon ami et frère de cœur essuie mon entrejambe ensanglanté.

Je l'ai fait...

Je halète, épuisée par l'opération taboue que je viens de pratiquer, et observe Phényo éponger le sol quand il en a fini avec moi. Il rassemble toutes les preuves de notre crime et les dissimule avec ma trousse à pharmacie dans la cachette que j'ai creusée dans le mur de notre baraque.

— On n'a pas le temps, lui soufflé-je en suivant chacun de ses faits et gestes. Il faut que nous allions à la villa de Zacharo...

— Je me dépêche, contre-t-il sans m'adresser le moindre regard. On ne sait jamais...

Je proteste, angoissée à l'idée que quelqu'un remarque notre retard, mais il m'ignore royalement. Je soupire et tente de me relever. Mes jambes tremblent sous l'effort que cela me demande et je prie Tharros de me donner le courage nécessaire pour affronter les autres esclaves, les hauts gradés et, le pire, mon maître. S'il découvre ce que j'ai fait... C'en est fini de moi. De nous en fait.

J'ai tenté de convaincre Phényo de me laisser seule, mais il n'a rien voulu savoir. Il a tenu à être à mes côtés pour m'assister. Et, même si cela me fait mal de l'admettre, je ne regrette pas du tout sa présence. Grâce à lui, j'ai pu aller au bout des choses. La douleur était telle que j'ai failli m'évanouir et abandonner à plusieurs reprises. Il a été là pour m'encourager et retenir ma main quand je m'apprêtais à faire machine arrière.

Il a été, comme depuis que je le connais, mon roc.

— Olympe, souffle-t-il quand il parvient à ma hauteur. J'ai tout caché. On peut y aller.

Je cligne des yeux en guise d'assentiment et il passe un bras autour de mes épaules. Mon cœur se gonfle de reconnaissance quand sa chaleur corporelle m'envahit.

— Merci, Phényo.

C'est tout ce que j'arrive à lui dire. Pourtant, je voudrais lui partager tellement plus quant à ce que je ressens en ce moment même. Mais impossible de mettre des mots sur mes sentiments tant ils sont grands. Et indescriptibles.

À l'instant où nous franchissons la porte, je jette un coup d'œil en arrière et je ne peux empêcher un sourire de fleurir sur mes lèvres. La baraque est comme d'habitude : nos deux couches de paille, nos haillons propres pliés et les sales roulés en boule en attendant que nous puissions faire notre lessive. Sauf que ce dernier tas se trouve à un endroit différent de tous les autres jours. Devant la trappe qui cache ma trousse à pharmacie et les preuves ensanglantées de mon crime.

— Il faut vraiment que nous y allions, Olympe...

La voix vibrante d'urgence de Phényo me ramène à la réalité et je le suis tant bien que mal à travers les champs de cannes à sucre. Ce soir, ils me semblent étrangement inconnus alors que je les ai tant de fois parcourus... Je déglutis, car je sais bien que ma vie va changer du tout au tout. Quelques minutes de marche nous suffisent pour rejoindre le reste des esclaves. Mes compagnons de mésaventures se précipitent vers la maison de notre maître. Comme nous, le hurlement les a tous réveillés et, forcés par une curiosité mal placée, ils envahissent les chemins que nous pratiquons seulement de jour en temps normal.

Une fois rassemblés devant le parvis de la villa, les rumeurs vont bon train et ma gorge se serre quand l'une d'elles parvient à mes oreilles.

— À tous les coups, le harem compte à nouveau une morte !

— Ouais, surenchérit un esclave à côté de moi. Elle devait pas être assez résistante pour satisfaire les désirs du maître.

Leurs rires gras me dégoûtent et je grince des dents. Beaucoup de femmes rêvent de cette promotion empoisonnée. Pourtant, une fois qu'on y met les pieds, nous ne sommes vues que comme des prostituées. J'en ai fait les frais lorsque j'y suis entrée. C'est uniquement grâce à Phényo et aux règles strictes de l'empire sucrier Zacharo que personne n'a abusé de moi parmi les esclaves. J'entame des exercices de respirations tandis que la nausée enserre ma gorge à cause des remarques graveleuses qui fusent.

Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirWhere stories live. Discover now