Chapitre 63 : Vladimir [corrigé]

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Marius empoigne la garde de Steer de sa main valide. Je fronce les sourcils et, sans plus réfléchir, fonce sur lui. Il faut à tout prix que je mette un terme à ce combat avant que mes amis arrivent. Après la discussion houleuse que nous avons eue il y a quelques nuits, je veux leur prouver que je suis capable de battre mon frère sans leur aide. Malgré leur désaccord, leurs cris de protestation, ils ont finalement cédé à ma demande égoïste. À une seule condition : s'ils jugent que je suis en position délicate, ils interviendront. Peu importe le code d'honneur des duels.

Je n'ai pas eu d'autre choix que d'accepter. Après tout, si je meurs, Olympe me suivra dans la tombe. Et c'est très clairement la dernière chose que je veux !

Alors que je suis à quelques pauvres centimètres de mon frère, un mouvement à la périphérie de mon champ de vision m'alerte. Je bondis en arrière et quatre mercenaires fracassent de leurs armes le carreau sur lequel je me trouvais quelques instants auparavant.

Ça se complique...

En un contre un, je suis presque sûr de battre Marius. Il n'a jamais été très fort dans le domaine. Mais si on rajoute à l'équation quatre créatures surnaturelles aux muscles surdéveloppés, l'issue du combat penche en ma défaveur. Je serre les dents, sur mes gardes. Je dois gagner du temps en attendant que mes amis arrivent : je ne peux décemment pas foncer dans le tas tête baissée.

— Je me rappelle que tu n'as jamais été très bon au maniement des armes, dis-je d'un air que j'espère détendu sans perdre un seul de mes adversaires de vue. Mère voulait absolument que je t'enseigne comment te servir d'une épée pour que tu entres dans la garde de nuit. Mais tu as toujours refusé de suivre mes cours... Et tu venais me défier dès que tu avais appris une nouvelle technique avec le professeur que tu rencontrais en secret.

— D'ailleurs, pourquoi tu ne m'as jamais balancé ? Tu aurais pu te venger de toutes les moqueries et les brimades que je t'ai fait subir par le passé.

— En effet, acquiescé-je. Mais si j'avais fait cela, la famille aurait été déshonorée à cause du nom de ton maître d'armes. N'était-ce pas un violeur doublé d'un assassin vivement recherché ?

— Tu es bien informé, mon frère. Moi qui pensais que tu n'étais qu'un gosse aveugle et pourri gâté par ses parents, je tombe des nues !

Je grince des dents face à l'injure. Mes mains se crispent sur les poignées de mes épées jumelles, mais je n'attaque pas. Marius ne cherche qu'une chose : me faire baisser ma garde pour que ses sbires m'affaiblissent et qu'il puisse m'achever.

Entre son enseignant et ses compagnons, il a toujours su s'entourer...

Quand j'ai vu Marius prendre son arme dans sa dextre, j'ai tout de suite compris que ce n'est pas son coup d'essai et qu'il est, comme moi, ambidextre dans ce domaine. Ma curiosité me pousse à découvrir jusqu'à quel point il a exploité cette compétence, et cela malgré la situation et les enjeux de ce duel... Est-ce qu'à mon instar, il s'est entraîné au maximum ? Ou a-t-il seulement exploré le combat avec sa main non dominante en surface pour se concentrer uniquement sur celle qu'il utilise à chaque joute ?

Mon raisonnement de maître d'armes réapparaît plus vite que ce que j'aurais pensé... Chassez le naturel, il revient au galop !

— Je tombe aussi des nues en te voyant brandir ton épée de la main droite alors que tu es gaucher, lui fais-je remarquer en désignant Steer du menton. C'est ce malfrat qui t'a enseigné ça ?

Marius bondit sur moi sans même me répondre, ses sbires sur les talons. J'écarquille les yeux. C'est précisément la situation que je redoutais : qu'ils me foncent dessus tous ensemble. Je peux gérer cinq apprentis en même temps, voire plus, selon leurs niveaux, mais cinq bretteurs accomplis, dont quatre mercenaires... Quatre créatures surnaturelles qui ne vivent et ne respirent que pour combattre, vaincre... Je ne suis pas du tout sûr d'être assez fort pour ce combat. Pourtant, je me dois de résister, au moins jusqu'à l'arrivée de mes amis.

Les épées s'entrechoquent dans un bruit mat. Je grogne sous la puissance de la collision. Des étincelles volent dans tous les sens alors que les lames frottent les unes contre les autres. J'ai croisé mes armes jumelles pour réceptionner Steer correctement. Je chasse Marius d'un coup de pied habile. Je ne dois pas me laisser immobiliser ou je ne donne pas cher de ma peau ! Les quatre colosses me tombent dessus et je les repousse comme je peux. Mon front est trempé de sueur et les petits cheveux que je n'ai pas réussi à attacher collent à mes tempes. Je halète, déjà épuisé. Un bruit discret attire mon attention sur ma droite. Malgré moi, je détourne quelques secondes mon regard des mercenaires.

La lame de l'un d'eux m'érafle la joue. Celle du second me rate de peu au niveau de l'épaule et m'arrache un sifflement de douleur. Dans un élan de lucidité, je saute en arrière pour m'éloigner des deux autres brutes qui s'apprêtent à me tomber dessus et contre mon frère en croisant à nouveau Maan et Fengaïry. Marius serre les dents pour concentrer toute sa force dans son bras. Il souhaite passer outre ma défense qui, grâce à l'expérience, est devenue quasi infranchissable. Il finit par déposer le gauche, au poignet meurtri, sur le valide et augmente la pression. Puis, dans un ultime effort, Marius me décoche un coup de pied dans le genou droit.

Crac !

La douleur se répand dans mon système nerveux à la vitesse d'un raz-de-marée. Jamais une telle douleur ne m'a été infligée ! Jamais mon corps n'a souffert de la sorte ! Les cartilages de mon articulation viennent de s'émietter. Je les ai entendus craquer et se briser... Désormais en mille morceaux, mon genou droit flanche et je m'effondre. Je halète à cause des décharges électriques qui me rappellent à l'ordre à chaque fois que j'essaie de me relever. À présent à terre, je suis hors d'état de nuire, à la merci de mon frère et de ses mercenaires.

Après un rapide examen mental de mes blessures, je déduis que la guérison de ma rotule sera achevée dans une trentaine de minutes... Mais d'ici là, Marius a le temps de me cracher d'horribles choses à l'oreille, de me passer à tabac, de me tuer... Parce que je sais parfaitement que ses sbires ne sont là que pour empêcher mes amis de me secourir. Pas pour l'aider à gagner notre duel. Après tout, c'est un règlement de comptes. Le point final à nos différends, à nos combats, à notre fratrie.

Je relève mes yeux vers ceux de mon frère et y déchiffre une terrible lueur. Peut-être qu'en fin de compte la lune n'a plus sa place dans le ciel nocturne. Peut-être que l'heure du règne de l'étoile a sonné.

Les coups commencent à pleuvoir et j'ai le plus basique des réflexes : protéger ma tête grâce à mes mains. Si Marius me cogne à cet endroit, le combat sera terminé pour de bon.

Pour le moment, je dois patienter en attendant l'arrivée des renforts.



Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ