Chapitre 29 : Olympe [corrigé]

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Déjà plusieurs jours se sont écoulés depuis que j'ai frôlé la mort et je n'ai toujours recroisé Vladimir. Un soupir las m'échappe alors que je déambule comme une âme en peine dans les profondeurs du manoir. C'est sombre et sale. Des moutons de poussière et des araignées tisseuses de toiles ont élu domicile dans cette aile délaissée. Quelles sont les raisons de la désertion de cet endroit tout aussi grandiose que le reste de la demeure malgré les minuscules intrus et la crasse des lieux ?

J'observe avec attention chaque recoin du couloir dans lequel je m'enfonce toujours plus loin. Des portes en bois blanc se font face à intervalles réguliers de chaque côté du corridor. Les murs sont lie-de-vin et de nombreux tableaux les habillent. Malgré la poussière qui s'est accumulée au fil des ans, j'arrive encore à discerner les séquences peintes sur les toiles. L'une représente un grand trois-mâts voguant sur la mer au sud de Shuarachas. Une autre montre une scène idyllique entre deux amants. Ils déjeunent sur l'herbe verte d'une des prairies de Neart. Une atmosphère paisible se dégage de cette peinture et je me surprends à envier ces personnes imaginaires.

Alors que je m'approche de la fin du couloir, une porte différente m'interpelle. Sa couleur, gris clair au lieu de blanc, et sa taille, que j'estime deux fois plus grande que la normale, jurent au milieu de toutes les autres. Elle possède deux battants d'un mètre de large par quatre de haut chacun. Je reste un instant à contempler les volutes qui s'entremêlent avec élégance sur cet ouvrage gigantesque. L'encadrement, anthracite, permet aux panneaux de bois travaillés de ressortir encore plus parmi la multitude d'ouvertures dans ce long couloir aux murs cachés derrière de nombreux tableaux.

Guidée par une curiosité grandissante, je m'en approche à pas de loup et, après un moment d'hésitation, tourne doucement la poignée pour voir si elle est verrouillée. Le battant s'entrebâille et je passe la tête dans l'espace. Je pousse délicatement le panneau de bois pour qu'il ne grince pas dans ses gonds. Je ne souhaite en aucun cas avertir Thomas de mes agissements. Il a tendance à être beaucoup trop sur mon dos depuis que j'ai pris mes distances avec Vladimir. Je suis sûre que le vampire – mon vampire, d'après les dires du concerné – a demandé au loup de me surveiller et de m'aider à accepter ma condition de calice. J'en mettrais même ma main à couper !

Pénétrant dans la pièce, je referme la porte tout aussi doucement que je l'ai ouverte. Quand je me retourne pour continuer ma découverte, mon souffle se bloque dans ma poitrine et je porte une main sur mon cœur pour vérifier qu'il bat toujours correctement. L'endroit où je me trouve est entouré de grandes baies vitrées. Partout ! Même sur le toit ! Elles sont fragmentées de manière à former une géode. Et chaque partie est composée de nombreux panneaux de verre rectangulaires assemblés en arêtes de poisson. Les montures des fenêtres sont si fines qu'elles paraissent inexistantes. Cela donne l'impression que la salle était sans fin et que je suis à l'extérieur.

Je suis subjuguée par cette architecture. C'est la première fois que je me retrouve dans une pièce d'une telle ampleur. Je balaie alors la serre aux mille vitres du regard pour en découvrir l'utilité. Je faillis pousser un petit cri de joie quand j'aperçois de nombreux bacs à terre. Des plantes, aussi desséchées que les alentours de ma ville natale, en débordent et d'autres, plus vivaces, les envahissent pour en faire leur empire. En m'en approchant, je constate que si je nettoie et trie ce qu'il y a ici, je peux facilement faire revenir la vie dans cette serre.

Je m'attelle donc à la tâche et commence à explorer la pièce de fond en comble. Je déniche une paire de gants en cuir, deux arrosoirs, un lavabo, ainsi que de nombreux outils d'agriculture. Je jubile ! Je vais enfin pouvoir me remettre à ce j'ai toujours fait. Ce que j'ai toujours aimé. Ce qui m'a aidée à ne pas m'éteindre jusqu'à présent !

Le travail de la terre dans un premier temps.

Et la botanique lorsque la vie reviendrait dans cette salle vitrée.

Malgré mes interrogations sur l'appartenance de ce lieu et les conséquences que mon geste aura plus tard, je ne résiste pas à la tentation. J'arrache toutes les plantes mortes et récupère les graines qui peuvent encore être utilisées. Je retourne la terre et y mets la moitié des tiges sèches pour que cela serve comme engrais naturel. Le reste, je le place dans une cuve vide pour faire du compost. J'examine chaque semence et les trie par espèce, puis par couleur. Je les plonge ensuite dans l'eau et les laisse tremper pendant quelque temps pour savoir lesquelles pousseront. Lesquelles portent encore la vie en leur sein.

Une fois cela fait, je creuse de profondes tranchées dans les bacs de terre et y dépose les graines par petits paquets. Je les recouvre et les arrose abondamment. Je répète ce procédé avec toutes celles qui sont viables, puis je m'assieds au centre de la salle et observe le chantier. Je souffle et me relève en constatant que c'est le crépuscule. Mes yeux fouillent la pièce à la recherche de quoi nettoyer le sol et je me précipite lorsque j'aperçois une balayette en poils de porc et une pelle en bois.

Après vingt bonnes minutes, il ne reste plus aucune trace par terre. Un lourd soupir m'échappe à cause de la fatigue qui me tombe sur les épaules. Je couve du regard cette serre que je chéris déjà. Je me vois passer tout mon temps libre dans cet endroit. Il va devenir mon jardin secret, mon repaire.

Un violent pincement dans ma poitrine me fait redresser la tête. Quelque chose dans le manoir ne va pas.

Je me lève et me précipite hors de la pièce pour retourner au plus vite dans le salon où je suis censée rester. Lorsque je sors en courant de l'aile où se trouve mon refuge, une masse me percute de plein fouet et je m'effondre. Je me débats autant que je peux pour m'échapper. En vain. Mon adversaire est bien plus fort que moi.

C'est alors que je le vois. Mes yeux s'écarquillent et je suis paralysée en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Deux billes rouges comme le sang me fixent, brillant d'une lueur affamée. De longs cheveux platine me séparent du monde extérieur tandis que le vampire – mon vampire – me cloue au sol comme si je n'étais qu'un petit papillon qui gesticule dans une toile d'araignée.


Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirWhere stories live. Discover now