Chapitre 51 : Vladimir [corrigé]

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Je secoue la tête, un sourcil haussé par la curiosité. Le sourire d'Olympe s'élargit d'autant plus. Elle ouvre les bras et m'invite à la rejoindre. Je me fige un instant, décontenancé par son attitude, avant de m'approcher d'elle et de répondre à son étreinte. J'inspire son odeur à fond et me régale du doux arôme. L'une de ses fines mains se dépose sur le sommet de mon crâne et amène ma tête dans son cou.

— Bois, je te montre mon souvenir, me dit-elle en sentant que je résiste.

— Pas ici, Olympe. C'est malpoli de boire dans un endroit commun.

— Le hall l'est aussi et pourtant tu m'y as mordue.

— Ce n'est pas pareil, soufflé-je, agacé par l'insistance dont elle fait preuve. Je ne me maîtrisais plus.

Je tente de m'éloigner, mais Olympe me retient de toutes ses forces contre elle. Je couine, déchiré entre ma bonne éducation et la soif de sang qui s'empare petit à petit de moi. Un léger bruit m'interpelle alors que je parviens à me défaire de l'étreinte d'Olympe. Je salive dès que le fumet de la boisson bordeaux qui coule dans ses veines me titille les narines. Ma gorge, déjà si sèche, est à présent semblable à un désert. Celui de Gaisgeach, plus précisément... Celui-là même d'où est originaire ma protégée. Je serre les dents et foudroie Olympe du regard. Et je le regrette aussitôt.

La rivière de sang qui dégouline sur sa peau marron attise ma soif et je perds toute contenance. En moins de temps qu'il en faut pour le dire, je suis sur elle. Ma langue lèche le liquide qui s'écoule de sa plaie. Cette blessure qu'elle s'est elle-même infligée pour m'attirer dans ses filets...

Chose réussie à deux cent pour cent !

La colère prend le dessus sur ma raison et, sans préliminaire, je plante profondément mes crocs dans sa chair tendre. Elle geint et contracte ses doigts au point que ses ongles s'enfoncent presque dans ma peau. Mais je m'en moque, car je ne fais que répondre à sa provocation. Qui sème le vent récolte la tempête comme certains disent.

Son sang, à la fois doux et parfumé, inonde ma bouche et je gémis alors que la délivrance arrive enfin. J'aspire, encore et encore, jusqu'à ce que ce liquide essentiel à la vie vienne de lui-même sur mes papilles si sensibles. Un brouhaha s'élève dans mes pensées et je ferme les yeux pour tenter d'en faire abstraction.

*

*

*

Lorsque je rouvre les paupières, je me trouve dans un champ de cannes à sucre. Il fait extrêmement chaud et de nombreux esclaves se tuent à la tâche. Je déglutis, pas vraiment à l'aise, mais me rassérène quand l'un d'eux passe à côté de moi sans me voir. C'est vrai qu'Olympe voulait me montrer un souvenir par le biais de la morsure...

Des éclats de voix attirent mon attention. Je me dirige vers l'endroit où se déroule une discussion à sens unique. Une fille, encadrée par deux autres, crache des insultes dont le racisme qu'elles contiennent va crescendo à une Olympe adolescente.

— Le meilleur arrive, murmure la Olympe que je connais. Admire le travail.

Sur ces mots, elle pouffe et je lui obéis. Son « elle » plus jeune, en ayant sans doute assez de se faire rabaisser et traîner dans la boue, lance sa serpe à quelques millimètres du visage de sa harceleuse. Assez proche pour lui couper une touffe de cheveux, mais pas assez pour la blesser.

— Elle m'a échappé des mains, dit-elle en balayant les alentours d'un air faussement perdu. Mais où peut-elle donc être ? Ce que je peux être maladroite parfois !

Elle se relève, feint de chercher sa faucille des yeux et sourit en la voyant. Olympe accourt pour la récupérer et en profite pour se saisir de la mèche de son adversaire.

— Je pense que c'est à toi, s'exclame-t-elle en lui tendant sa trouvaille.

Puis elle se penche vers l'autre esclave et lui souffle des paroles à l'oreille qui la font blêmir.

— A... Allons-nous-en !

Elle n'attend pas l'assentiment de ses acolytes et détale la queue entre les jambes. Ne comprenant pas grand-chose à la situation, ces dernières lancent un regard mauvais à Olympe. Elle lève son outil et fait un petit mouvement dans le vide, comme si elle coupait quelque chose qu'elle seule est en mesure de voir. Elles déguerpissent à leur tour après avoir claqué la langue contre leur palais. Olympe esquisse un rictus, l'air satisfait, et reprend sa tâche comme si de rien n'était.

Un colosse à la peau d'ébène, que je devine être Phényo, s'approche d'elle. Ils échangent quelques paroles, puis leurs rires retentirent dans les champs de cannes à sucre.

Je fronce les sourcils et tente de les rejoindre pour entendre ce qu'ils se disent, mais je suis comme paralysé. Je cherche la Olympe du présent du regard, mais le jour décline et ma vision nocturne ne parvient pas à percer les ténèbres.

*

*

*

Je sursaute en revenant à moi et tente de croiser le regard d'Olympe. Chose vaine au vu de notre position. J'enlève mes crocs de sa chair et la dévisage.

— Que lui as-tu dit ?

À elle, mais aussi à lui. Pourquoi me le cacher alors que c'est le passage le plus important de ce souvenir ? Je pince mes lèvres maculées de sang en me rendant compte de mes pensées. J'espère que mes barrières mentales sont bien en place. J'aurais trop honte qu'Olympe les perçoive...

— Que la prochaine fois ce ne serait pas une mèche de cheveux qui se retrouverait au sol.

Mes inquiétudes fondent comme neige au soleil et mon rire envahit la pièce à l'image de ceux qui me sont parvenus dans ce voyage dans sa mémoire.

— Comment ça se fait que je n'aie pas entendu directement ce que tu lui as dit ? Pareil pour la discussion que tu as eu avec ton ami ?

Olympe esquisse un sourire fier et m'essuie la bouche à l'aide de sa manche. Je reste bouche bée et sens l'arrondi de mes oreilles me brûler.

— Parce que je voulais que tu me poses la question. Donc j'ai imaginé que tu voyais la scène de l'extérieur, en tant que spectateur et pas à travers mes yeux.

— Comme je l'ai fait lors de la séance d'hypnose ?

— Sans doute. C'est un peu le fruit du hasard si ça a fonctionné.

J'acquiesce et retourne dans son cou pour fermer sa plaie.

— Continuons notre entraînement, dis-je une fois chose faite. Ta technique est presque parfaite et je pense qu'il ne te manque plus que la force. Tu verras avec Thomas pour développer tes muscles.



Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirWo Geschichten leben. Entdecke jetzt