Chapitre 34 : Vladimir [corrigé]

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Alors que je m'apprête à plonger dans les profondeurs d'un sommeil réparateur, un sourire apaisé aux lèvres, un tsunami d'émotions me submerge. J'ouvre les yeux en grand avec l'impression de me noyer et me redresse sur mon matelas.

À l'aide, Vladimir !

La déferlante de sentiments qui m'envahit est si puissante que je peine à reprendre ma respiration. L'urgence de la voix d'Olympe affole mon cœur et je saute au bas de mon lit à baldaquin. J'attrape les premiers vêtements qui me tombent sous la main et râle en m'imaginant sortir dans une tenue aux couleurs dépareillées.

— Peu importe, me morigéné-je en franchissant la porte. Il faut que je rejoigne Olympe au plus vite !

Je ressens au plus profond de mon être que son souci est majeur. Elle ne m'aurait pas appelé dans le cas contraire puisqu'elle trouve une solution à chacun de ses problèmes. J'aurais bien voulu qu'elle compte un peu plus sur moi, mais comme au vu de son passé elle a appris à se débrouiller seule.

C'est la première fois.

Et cela m'inquiète d'autant plus.

C'est la boule au ventre que je sors en trombe de ma chambre. Alors que je m'apprête à aller chercher mes amis, je me souviens qu'ils ne sont pas au manoir. Je rugis de rage et m'élance dans le long couloir qui me sépare encore du palier donnant sur le hall. Je survole les marches du grand escalier, termine ma course en sautant sur le carrelage en damier et galope aussi vite que je le peux vers l'ancienne serre de Thomas.

Un drame va advenir. Je le sens au plus profond de moi. Toutes mes cellules me le hurlent et je regrette d'être seul au manoir... En cas d'attaque, je ne pourrais pas me donner à fond, car il me faudra veiller sur Olympe pour que rien ne lui arrive.

Les sentiments d'Olympe vont crescendo au fur et à mesure que je me rapproche. À un tel point que j'en ai le souffle coupé quand je parviens devant les portes de la serre. Je dois me tenir au chambranle pour ne pas tomber à la renverse sous le coup des émotions que je me reçois en pleine figure. Avec la plus grande difficulté au monde, je réussis à tout faire passer au second plan.

L'angoisse. La peur. La terreur.

J'entends le cœur d'Olympe battre la chamade à un rythme affolant. La symphonie que fait son corps est à la fois agréable et dérangeante.

Elle est bel et bien vivante. Son sang tambourine à ses tempes et sa respiration est haletante, comme la mienne. Mais la Mort n'est pas loin de l'emmener vers d'autres horizons.

Encore une fois.

Je me fige quand les insultes que Marius profère à l'encontre d'Olympe titillent mon ouïe surdéveloppée. Je lâche un grognement rauque alors que je le vois se rapprocher de mon amie grâce au lien que nous partageons. La faim se lit dans ses yeux, sur sa bouche étirée en un rictus fou et dans sa démarche. Il s'apprête à bafouer l'une des règles fondamentales du monde vampirique : on ne touche pas au calice d'un congénère.

Mais Marius adore depuis toujours passer outre les interdictions qui lui sont imposées... surtout si c'est pour me faire du tort. Et cela, peu importent les conséquences. Tant qu'il me brise, moi qu'il hait du plus profond de son être. Tant qu'il me tue, au sens propre comme au figuré, dans une terrible agonie. Il ne se préoccupe pas de ce qu'il risque de perdre par la suite, car le plaisir qu'il ressentira en vaudra, selon lui, la chandelle.

Au fait, Marius est-il au courant qu'Olympe est mon calice ? Parce que je saute aux conclusions en imaginant tout un scénario qui lui permet de me faire souffrir... mais comment aurait-il pu l'apprendre ? Thomas l'a pourchassé et il n'a pas pu le suivre sans être remarqué...

Alors que mes questions valsent toujours plus vite dans mon esprit, le silence qui règne à présent dans la serre me glace le sang. Comment ai-je pu être négligent au point de m'être déconcentré et d'avoir laissé Olympe à la merci de mon frère ! Je me jette contre les vantaux, furieux contre moi-même, et les ouvre en grand. Ils s'écrasent contre les murs du manoir dans un vacarme assourdissant et soulèvent un nuage de poussière grisâtre.

Un ricanement retentit dans la pièce tandis que je traverse cet opaque velours poudreux. Ce n'est pas un rire de joie, mais plutôt agacé, voire irrité.

— Vladimir, marmonne-t-il entre ses crocs serrés, la voix pleine de colère, que me vaut l'honneur de ta visite ?

Un soupir las s'échappe de ma gorge. Le bruit de mes pas résonne sur les tommettes. Je m'approche doucement, mais sûrement. Je n'ai qu'une peur : faire un geste brusque qui provoquerait la rage de Marius et signerait l'arrêt de mort d'Olympe. Il est hors de question qu'elle soit blessée, surtout à cause du complexe d'infériorité que ressent mon frère.

— Marius, réponds-je sur un ton similaire. Je pourrais te demander la même chose, vu que tu te trouves sur mon territoire, dans mon manoir et que tu as fracassé, pour la seconde fois, l'une des fenêtres de ma demeure. Alors, que fais-tu encore dans le coin ?

Un rire rauque s'élève du fond des entrailles de Marius. Dans ses yeux gris passe une vive lueur d'amusement et je comprends que ma petite démonstration de possessivité dans ma réponse n'était peut-être pas une si bonne idée que ça... Son regard se déporte un peu sur ma droite et s'arrête quelques secondes sur l'objet de sa convoitise.

— Tu savais que le dieu Tharros en personne était sorti de sa retraite pour rendre une visite de courtoisie à ta protégée ?

Malgré la surprise de cette nouvelle, je fais en sorte de ne rien laisser paraître. Un masque d'indifférence se place de suite sur mon visage et je me retiens d'esquisser un rictus quand je vois mon frère se décomposer.

— Allons bon, Vladimir ! Réagis un peu, au lieu de te comporter comme une grotesque limace ! J'ai l'impression d'avoir face à moi le pantin que Père et Mère ont confectionné pour répondre à leurs attentes !

— Dans ce cas-là, murmuré-je en serrant les dents, blessé par cette remarque dont lui seul a le secret, pourquoi t'acharnes-tu à t'incruster dans ma vie ? Ça ne serait pas plus simple, tant pour toi que pour moi, si nos chemins ne se recroisaient pas ?

Un sourire condescendant se dessine sur les lèvres fines de Marius. Je me fustige intérieurement de tomber dans le piège qu'il me tend à chaque provocation. Je n'ai pas le temps de plus m'appesantir sur la question, car sa dextre se lève et son index pointe un endroit derrière moi.

— Je ne disparaîtrai pas avant d'avoir asséché ses veines.

Une déglutition retentit dans mon dos et je n'ai même pas besoin de jeter un œil par-dessus mon épaule pour en connaître l'origine. Il parle bien évidemment d'Olympe, mon calice, ma protégée. Celle qui détient mon existence entre ses mains. Celle pour qui je me battrai bec et ongles pour qu'elle vive le plus longtemps possible.

— Pourquoi tu t'acharnes sur elle ? demandé-je, cette fois vraiment intrigué par la réponse qu'il pourrait m'apporter.

— Pour plusieurs raisons. La première : son sang a une odeur et une saveur divine. Mais cela, rajoute-t-il d'un mouvement de la main dédaigneux, tu ne pourras jamais le vérifier, car ta répulsion pour la morsure t'empêchera d'y goûter.

Si tu savais, Marius...

— La deuxième : les sentiments que tu sembles nourrir pour elle... Comme si tu avais peur qu'elle se casse à la moindre brise et que tu utiliserais ton propre corps comme un rempart contre vents et marées pour la protéger.


Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirWhere stories live. Discover now