Chapitre 31 : Olympe [corrigé]

21 3 0
                                    


À ces mots, un silence pesant s'abat dans la pièce. Les craquements du bois assailli par les flammes retentissent dans le salon. Je me rallonge et tourne le dos aux deux hommes. J'ai envie de me reposer, et d'être seule par la même occasion. Ma tête est sur le point d'exploser à cause de toutes les révélations qui me tombent dessus depuis quelque temps. Il faut que je prenne du recul – encore une fois – pour assimiler les nouvelles informations. Pour les digérer.

Vladimir et Thomas soupirent face à ma réaction. Oui, je sais que je suis lâche, que je m'enfuis dès que la situation me dépasse et que je clos la discussion quand le sujet me déplait. Mais ce n'est que provisoire... Eux, ils sont habitués à ce monde. Ils le connaissent depuis belle lurette. Moi, non. Je viens tout juste d'y plonger dedans et je me retrouve déjà liée à un être millénaire et immortel pour lui servir de garde-manger. Sérieusement, quel individu sain d'esprit accepterait cela comme si on lui disait « OK, demain il va faire un grand soleil ! ». Aucun. Alors qu'ils ne me demandent pas de ne pas vouloir réfléchir posément à tout ce qui m'arrive, pour une fois que j'en ai l'occasion !

Des bruits de tissus froissés me parviennent et les pas de Vladimir, légers comme une plume, s'éloignent avant de disparaître. Ceux de Thomas, plus lourds, s'arrêtent au niveau de l'ouverture et sa voix retentit :

— Plus tu te voileras la face en t'isolant, plus il te sera difficile d'accepter ta condition de calice.

Est-ce que je lui ai demandé son avis à cet assassin ? Je ne crois pas non.

— Je ne prétends pas savoir ce que tu ressens, ajoute-t-il tandis que je me redresse pour le fusiller du regard et l'envoyer paître, mais mets-toi à sa place. Tu es désormais son unique source de nourriture, et donc sa seule chance de survie. Il a sacrifié sa vie pour sauver la tienne. Ça serait ingrat de ta part de renier ça. On dit que la nuit porte conseil. Alors, profite du fait que la lune commence à peine sa course dans le ciel pour méditer sur l'attitude à avoir par rapport à Vladimir.

Puis, sans me laisser le temps d'en placer une, il tourne les talons et entre dans la cuisine. Ses pas résonnent pendant quelques instants dans le hall avant que la porte du manoir ne grince sur ses gonds et claque dans son encadrement. Le bruit fait bourdonner mes oreilles alors que l'écho rebondit à n'en plus finir contre les murs. Puis, après de longues minutes qui me paraissent être des heures, le son finit par s'atténuer pour finalement disparaître.

Je me détends un peu et pousse un soupir à fendre l'âme. Je sais bien que mon comportement n'est pas digne du sacrifice qu'a fait Vladimir – mon vampire – pour me sauver des griffes de la Mort... Mais j'ignore quelle autre attitude avoir face à la responsabilité qu'il m'a imposée ! Je viens à peine de découvrir que les créatures surnaturelles existent pour de vrai, que l'Histoire de ce pays a été falsifiée dans sa totalité par les ancêtres de l'actuelle famille impériale et voilà que, moi aussi, je fais partie de ces êtres de la nuit !

Je ne suis plus une humaine.

Je ne suis pas une créature surnaturelle.

Je suis un être se positionnant entre les deux : née humaine, ma vie se trouve désormais liée à celle d'un vampire pour lui servir de buffet à volonté.

Je ne suis plus comme avant. Je le sais, car mes pouvoirs de guérisseuse, autrefois limités à des connaissances innées dans le domaine botanique, prennent de plus en plus de place dans mon cœur... et dans mes pensées.

Je ne suis pas une créature surnaturelle pour la simple et bonne raison que le temps a encore une certaine emprise sur moi. Je n'ai pas ressenti de gros changements comme a décrit Vladimir lorsqu'il lui m'a expliqué et montré la manière dont il a été conçu.

Je suis un organisme qui oscille entre ces deux univers. Celui du jour et celui de la nuit. Celui de la mortalité et celui de l'éternité. Une simple brise et voilà que l'équilibriste que je suis chutera jusqu'à disparaître dans les profondeurs des ténèbres. Car le monde de la lumière ne m'est désormais plus accessible. Jamais ma stabilité ne sera rompue en faveur du jour. Ma transformation en calice m'a privée de ce privilège et je ne peux à présent qu'observer à travers un miroir le reflet de cet univers auquel j'ai jadis appartenu.

Ni humaine. Ni surnaturelle.

Je suis coincée entre deux mondes.

Fatiguée par ce constat qui s'impose à moi, je clos les paupières pour trouver le sommeil et oublier, le temps de quelques heures, les événements qui s'enchaînent à une vitesse folle. Je me mets alors à rêver de chevauchées rapides et interminables où je profite de ma liberté en compagnie de ma vieille jument. Une larme perle aux coins de mes yeux et coule doucement le long de ma joue creusée par l'inquiétude et les problèmes qui m'assaillent depuis que j'ai quinze printemps.


Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum