Chapitre 1 : April, la princesse

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Les bonnes histoires commencent par il était une fois dans un royaume fort lointain, une jeune princesse nommée...
Je ne commencerai pas mon histoire comme ça, désolé pour ceux que ça pourrait décevoir mais cette histoire n'est pas bonne et ne fait pas rêver.
Je n'ai jamais connu autre chose que les dix kilomètres de périmètre autour du château, les sorties hors du royaume sont rares et la plupart du temps, je n'y suis pas conviée. Personne ne veut d'une princesse qui s'est fait déflorer par un des gardiens de son château, les princes veulent de jeunes vierges pour oublier la grisette qui les a éduqués. Je veux m'amuser et l'interdît a quelque chose de grisant. Le garde qui m'a touché en premier en a perdu la tête, littéralement. Les autres sont assez intelligents pour ne pas crier sur les toits.
Je presse ma main sur la bouche du chanceux sous moi quand il s'apprête à jouir. Hors de question qu'il fasse plus de bruit que moi alors que mes parents rentrent aujourd'hui de leur voyage en Norvège. Il est clair qu'il prend bien plus son pied que moi, je le ferai décapiter plus tard. Je sens son gland palpiter en moi alors que ses yeux roulent.
Déçue et insatisfaite, je le libère et enfile un peignoir en velours. Je tire la sonnette pour appeler le personnel, ma femme de chambre joue l'aveugle en zieutant le corps svelte de l'homme dans mon lit puis me tend une cigarette. Je la remercie, lui demande mon jean troué, mon débardeur rouge ainsi que mon serre tête jaune. Elle me ramène tout cela à la seconde, je la congédie d'un geste de la main puis m'habille.
— Sa majesté le roi vous demande, princesse April.
Mes parents n'ont rien choisi de mieux comme prénom pour moi que le mois où je suis née. On retravaillera sur l'originalité plus tard.
J'écrase ma cigarette contre le mur, secoue mes cheveux pour les dénouer et trottine dans les escaliers jusqu'au hall d'entrée. Les majordomes s'attellent à vider la limousine des valises de la reine et du roi. Je fais un clin d'œil au nouvel employé du palais, j'attends la réprimande de monsieur Ryder pour disparaître.
Mon père tape du pied dans la salle à manger, j'ai hérité de son impatience donc je ne peux faire aucune remarque. Il se tient à une chaise alors que ma mère tourne en rond autour de lui, c'est un véritable aimant, elle ne lâche jamais mon père, à croire qu'elle aime se faire marcher dessus.
Je m'affale contre le buffet sous le portrait de Blanche Neige et du prince Floriant. Je baille, ils m'ennuient déjà alors qu'ils n'ont pas encore ouvert la bouche. Mes parents et moi ne sommes pas proches, loin de là. Ils ne me parlent que pour me reprocher des choses que j'ai faites mais qu'une princesse ne devrait pas faire.
— Princesse, nous souhaiterions bavarder avec vous à propos de votre anniversaire aujourd'hui.
J'ai vingt-et-un ans, si j'avais été fiancée cette discussion n'aurait jamais eu lieu. Je suis une honte pour la famille royale, la salope du palais. Si ça ne tenait qu'à eux, mes parents offriraient ma couronne à ma cousine pour s'assurer de l'ordre.
Je croise les bras sur ma poitrine et attrape le verre de rhum sûrement commandé par le roi. Le liquide brûlant coule dans ma gorge sous le regard désespéré de mon père.
— Tu dois te marier, le trône a besoin d'un homme pour le contrôler et j'ai peur d'avoir un héritier illégitime d'ici peu étant donné ton comportement.
Sa confiance en moi me troue le coeur, je fronce les sourcils et termine le verre que je claque sur le meuble. La température de la pièce augmente, mes nerfs se tendent.
— Dès demain, nous ferons venir les princes des différentes terres pour te trouver un époux fort capable de calmer tes actions.
Un mariage pour me calmer ? Je ne suis pas certaine que restreindre les libertés que je possède me donnera envie d'obéir aux règles. Au contraire, les enfreindre sera encore plus fun. La vision étriquée de mon père ne me choque pas, il essaie toujours d'avoir un fils avec ma mère malgré leurs âges avancés. J'imagine que je n'ai pas mon mot à dire donc je demande un verre de whisky à la bonne pour le lever et retourner dans ma chambre. Ma place n'est pas dans un château, je suis la princesse la moins désirée des Sept Royaumes.
Je claque la porte au nez de ma gouvernante et m'effondre sur mon lit. En glissant mes bras sous mon oreiller, j'ai la grande surprise de découvrir un petit morceau de papier avec un message marqué au crayon de bois.
« Retrouvez-moi ici au coucher du soleil, le bal sera bien plus intéressant dans votre chambre, j'en suis sûr. B »
Cet homme fait preuve de courage, la plupart attendent que je vienne les chercher. Venir à moi est un grand pas qui attire mon intérêt immédiatement. Je m'échapperai du bal juste pour découvrir de qu'il s'agit puis je retournerai à la sauterie organisée par les soins de ma mère. Ce qui signifie qu'il n'y a aucune chance que la sauterie se termine en orgie géante, à mon grand regret. Les orgies royales sont le remède à l'ennui et à la déprime.
Je me tourne dans mon lit pour fixer le plafond peint de ma chambre, je rêve parfois de n'être qu'une fille comme les autres qui s'occupent des animaux, qui vont à l'université et qui conduisent. Mon permis de conduire m'a été délivré il y a cinq ans et je ne l'ai jamais utilisé, consigne du roi. Mon permis de chasse, lui, m'a été délivré quand j'avais cinq ans et je l'utilise sans problème depuis mes dix ans.
Peu importe, je suis une princesse donc ça n'arrivera pas. Les obligations diffèrent, il faut que je me trouve une robe pour ce soir et trouver le décolleté le plus provoquant de ma garde de robe. Si je dois épouser un inconnu, autant montrer mes seuls atouts. Tic et Tac, mes seins, vont être de sortie ce soir.
J'ouvre en grand les portes de mon dressing, je passe en revue toutes mes robes et trouve la tenue parfaite, mes parents vont la détester, j'ai besoin de cache-tétons et d'un string noir pour que la tenue soit la plus inappropriée possible. La robe est dans un tissus noir transparents, décolleté jusqu'au dessus du nombril et dos nu. Quelques boucles et du rouge à lèvres pivoine devraient suffire pour parfaire mon look.
Je plonge sous la douche, seule et en sors avec un de mes gardiens. Les vêtements épousent parfaitement mes formes. À en croire le sourire niais de mon employé, j'en déduis que ma tenue aura l'effet escompté ce soir. Je retourne dans ma chambre pour remarquer un nouveau bout de papier avec la même écriture que tout à l'heure.
« Si tu portes cette tenue ce soir, ai-je le droit de te l'arracher ? Le tissu n'a pas l'air très solide, je ne ferai qu'une bouchée de toi. B »
Il peut toujours espérer, je suis d'accord pour leur laisser de l'espoir mais je ne baise pas le premier soir, au maximum il aura le droit à un baiser sur le cou pour le rendre dingue. Le baiser dans le cou les font envier, ça engendre une décharge dans leur échine.
Je claironne ma gouvernante pour lui demander son aide pour boucler mes cheveux, elle accepte avec un sourire aux lèvres. Rosie a toujours été une mère pour moi. Elle adore mes cheveux alors quand je lui demande de les coiffer, elle saute de joie.
Je l'adore, elle dit que je lui ressemble au même âge, ce que je prends comme un compliment. Je la considère comme un modèle, elle travaille mais elle décide de quoi faire dans sa vie. Je l'envie et elle le sait.
— Je ne pense pas que vos parents aient accepté que vous portiez cette tenue, princesse.
— Sexy rouge ou  pêche vulgaire? Pour les rouges à lèvres. Je demande, ignorant sa remarque.
— Sexy rouge, la couleur vous va mieux. Voulez-vous réellement que vos parents vous déshéritent? Vous êtes l'héritière au trône et vous êtes en âge de gouverner à sa place.
— Je ne dirigerai jamais ce royaume, Rosie. Mon père dit me chercher un mari mais il cherche en réalité un roi prêt à se battre. Il n'a aucune confiance en moi donc autant le décevoir et être traité comme une misérable catin tout de suite.
— Vous n'êtes pas une catin, vous êtes trop moderne pour les conservateurs de ce royaume. Ici, le patriarcat règne sur la société dans les autres royaumes, les hommes et les femmes naissent et demeurent égaux en droit, y compris sexuels.
Elle doit être triste d'avoir quitté son royaume pour venir travailler ici, elle doit se soumettre aux hommes pour avoir la chance de vivre. Elle n'a pas d'enfant et ne porte pas d'alliance donc j'ai toujours imaginé qu'elle n'avait que son travail dans la vie mais la larme sur son œil m'annonce que je me fourvoie.
— Y a-t-il un homme dans ta vie, Rosie?
— Je ne suis pas comme toi, les penis me dégoûtent. Ma femme vit en Norvège.
Le coin de ma lèvre se soulève, je me doutais qu'elle aimait les femmes, je ne l'intéresse pas mais lors de soirées spéciales elle restait avec les belles rousses dans la cuisine. La distance complique les choses dans ce genre de relation et elle me le confirme.
— Elle va avoir un bébé avec sa copine. Officiellement, on est toujours marié. Officieusement, on couche avec qui on veut, quand on veut sans gêne ni honte. La vie mérite d'être vécue à cent pourcent. On n'a qu'une vie, faut agir en fonction de nos envies car on le peut.
J'apprécie particulièrement sa philosophie, j'étale mon rouge à lèvres sur ma bouche et les écrase sur sa joue avant de mettre mes escarpins noir. La dernière fois que j'ai porté des tennis à un bal ma mère m'a privé de Rosie pendant un mois. Un dernier coup d'œil dans le miroir et me voilà prête pour le bal de l'enfer.
Contre la balustrade, je détaille chaque invité habillé de façon très formelle. Je vais faire tache dans le décor et c'est le but de la manœuvre. Ils ont ramené des gardes en plus, B doit être l'un de ceux qui surveillent les escaliers. Il y a un accès plus direct aux chambres et à la sortie en cas d'urgence.
Mon prénom est crié du rez-de-chaussée, il est temps pour moi de torturer mes parents. Je descends lentement les marchés en écoutant les chuchotements des hommes devant qui je passe. À peine ai-je franchi la porte de la salle de bal que les jérémiades de mon père atteignent mes oreilles. Je suis une honte qui je ne devrais jamais monter sur le trône, ce sont ses mots.
Je serre plusieurs mains et danse avec un prince qui pose sa main au niveau de mes épaules. Son innocence transparaît malgré la tonne de parfum odeur cuir dont il s'est aspergé. Je déteste valser mais c'est une danse respectable que n'importe qui devrait connaître d'après la reine mère. Dieu ait son âme de vieille morue.
Nombreux sont les regards sur mes tétons dissimulés, peut-être auraient-ils préféré que je les laisse à l'air libre. Ils peuvent toujours rêver, il faut le mériter pour voir ma poitrine complète.
Je bavarde avec une future duchesse quand le soleil se couche, un rendez-vous important me force à arrêter d'écouter les inquiétudes de la jeune fiancée au sujet de sa nuit de noce. Je m'éloigne des invités, un verre de martini en main quand ma mère vient me freiner dans mon élan.
— À cause de toi, ton père me supplie de tomber enceinte. Tu lui fais tellement de mal qu'il veut te remplacer par un nouveau-né, légitime ou non. C'est la première fois en vingt-deux ans de mariage qu'il me trompe pour avoir un bébé.
— Peut-être qu'il devrait se taper plus de monde, ça le détendrait. Tu l'as entraîné dans un mariage sans amour qui a engendré une pute pire que toi. Il t'a épousé uniquement parce que tu étais enceinte et il me reniera uniquement parce que je fais ce que je veux de mon corps.
Sa main percute ma joue, je bouge ma mâchoire engourdie avant de reprendre mon chemin sans me retourner. Je me sens si bien, délesté d'un poids. Dire ses quatre vérités à quelqu'un est si agréable.
La porte de ma chambre est entrouverte, je pénètre dans la pièce pour trouver un homme aux cheveux bruns bouclés attachés en un chignon serré, à la mâchoire sculptée et aux muscles gonflés. Sa tenue classique lui donne un air riche mais il n'a pas le regard des jeunes aristocrates. Qui est-il?
— Princesse April, j'ai cru que vous n'alliez pas venir. Voilà vingt minutes que le soleil a laissé place à la lune, vous êtes ravissante. Cette tenue vous met en valeur.
Il garde ses yeux dans les miens, il ne dévie pas vers mes seins ou mes fesses. Il semblerait qu'il ait un objectif à atteindre mais quoi ? Je ferme la porte d'un coup de pied et m'adosse contre celle-ci. Ce type tombe parfaitement bien, je suis d'humeur joyeuse et il a un jouet intéressant entre les jambes.
— Que voulez-vous?
— Vous, princesse. C'est vous que je veux.
— Á quel point?
— Je tuerai pour ne goûter qu'à vos lèvres, vous êtes la créature la plus sublime des sept royaumes.
Il me flatte, je penche ma tête sur le côté et je fais bien. Le miroir sur ma table de chevet me révèle un objet brillant d'au moins dix centimètres dans ses mains, une lame. Ma poitrine grossit alors que ma respiration accélère. Il a mentionné le meurtre il y a moins d'une minute, je ne me tenterai pas à l'affronter.
— Votre cœur accélère, que se passe-t-il ?
Une lame de cette taille peut trancher une gorge en une seconde si elle est aiguisée. Je cligne plusieurs fois des yeux et essaie de me concentrer sur lui lorsqu'il plaque son avant-bras sur ma poitrine et son genou entre mes jambes. Incapable de bouger, je vide mon esprit pour chercher un plan.
— C'est ça qui te fait peur ? Questionne-t-il me présentant son couteau déjà plein de sang. Ne t'en fais pas, c'était pour le garde que j'ai remplacé et au cas où on serait dérangé.
Il le jette même sur le lit pour me prouver qu'il ne ment pas, mon cœur ne ralentit, un corbeau vient percuter la vitre et me fait bondir. L'homme devant moi remonte mon menton pour approcher ses lèvres des miennes. Son souffle me glace le sang, la peur paraît-il à plusieurs façons d'agir sur les gens. Je fais partie des gens qui sont tétanisés par la peur quand elle est trop puissante.
— Je ne te ferai aucun mal sauf si tu ne te laisses pas faire. Tu es mienne, il suffit que tu ouvres les yeux, tu seras toujours à moi et tu l'es depuis ta naissance.
Mon cerveau n'enregistre plus ce qu'il dit, un bourdonnement remplace sa voix grave. Le mouvement de ses yeux et la proximité entre nous se transforment en lanceurs d'alerte. Ses pupilles mesurent la bonne taille, il est pleinement conscient de ses actions.
Je ne bouge pas, je ne crie pas, c'est nouveau la menace, ça ne m'excite pas mais ça change du quotidien. Il extirpe une boîte de sa poche, une boîte à lunettes, je me mords les joues quand il décide de poser sa main sur ma hanche. Mon ventre se contracte, je ne veux plus de ses mains sur moi, elles sont calleuses, des mains de travailleurs.
— Tu pâlis, princesse. Je ne veux pas te blesser mais j'ai besoin que tu restes calme. Tu me promets de rester calme ?
Je lui crache au visage en guise de réponse, il envoie son poing sur ma joue et claque sa main sur mon menton qu'il maintient avec force. 
— April, princesse, tu n'aurais jamais dû faire ça. Ça m'excite mais je n'ai pas prévu de te défoncer ce soir. Je suis un homme correct, tu me supplieras de te lécher un jour.
Jamais !
Il ouvre la boîte et prend en main une seringue assez épaisse. Je me racle la gorge, ma respiration se coupe alors que des larmes traversent mon visage. Fait-il exprès d'utiliser ma phobie contre moi ?
Mon cœur tambourine dans ma poitrine, je serre les dents alors qu'il la remplit avec un liquide blanc. Il change l'aiguille avant de diriger sa main vers la lanière de mon string. Je me prépare mentalement à un contact non consenti mais il remonte sa main sur mon dos.
— Tu vas mettre un gilet pour couvrir ta peau et tu vas être gentille.
Depuis quand me considère-t-on comme gentille ? Je déambule jusqu'au dressing où je trouve Rosie recroquevillée sur elle-même couverte de sang. Mes jambes me conduisent vers elle or on me retient.
— Un gilet, pas plus.
Je détache un gilet d'un cintre et le pose sur mon dos. La fenêtre est ouverte, si j'y cours, je pourrais peut-être partir d'ici.
— N'essaie même pas, si tu fuis et que je t'attrape, je te tue.
Je reviens dans ma chambre et me remet exactement où j'étais précédemment. Il sourit satisfait et chatouille ma cuisse du bout de ses doigts. J'ai la chair de poule, il me répugne, j'ai la nausée quand il relève ma jambe au niveau de sa hanche.
— Je te fais peur ? Tant mieux, ce sera plus amusant de te garder si tu es effrayée par moi.
Je dégage ma jambe et lui donne un violent coup dans ses bijoux de famille. Il ne mérite rien de plus qu'un crachat et qu'un coup dans les couilles. Je traverse ma chambre, tire mon tiroir et empoigne mon arme quand je ressens un pincement désagréable dans mon cou.
— Pose ce flingue avant de te blesser, princesse.
Un liquide froid se déverse dans mon sang, il enlève la seringue, ma vision se trouble, des taches noires réduisent ma vue. Morphée m'accueille dans ses bras pour un sommeil profond et sans rêve.

Ni cœur, Ni âme (1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant