Chapitre 19 : Kane, le prof

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Sur le balcon, après l'explosion, je discute avec Nate, une clope entre les lèvres. L'avantage des bombes magiques est que je l'ai créé donc je n'en subis pas complètement les effets. Je suis à moitié sourd mais je peux tenir une conversation.
— Tu n'as pas tué April.
— Ça te surprend tant que ça que je n'ai pas étripé la femme dont tu es amoureux. Tu l'as baisé, détruis ma salle de bain et ça n'a fait que conforter les sentiments que tu as pour elle.
Combien de verre a-t-il bu ? Il sait pour la salle de bain et il croit pouvoir lire dans mon esprit. Les sentiments sont surfait et April veut du sexe. Je n'aurais pas dû coucher avec elle, je l'aime beaucoup.
— Tu vas te détruire, réduit les dégâts tout de suite. Si tu ne lui brises pas le cœur, elle brisera le tien.
Il a raison mais je ne peux pas, j'en suis purement incapable. Je lance ma cigarette dans le jardin et me terre dans ma chambre. Oliver dort sur mon lit, je gratte sa tête puis attrape mon ordinateur.
J'ai appris à taper cent mots par minute sur un clavier AZERTY, rédiger un mail à mon contact ne me prend que quelques minutes, je place en pièce jointe une photographie du moment où j'ai arraché la tête de Freddie. J'appréciais énormément cette femme, elle savait montrer aux hommes qu'elle les chérissait. Elle m'a demandé de prendre soin de son frère et cette tâche qui m'incombe est l'histoire de ma vie. Ma famille est une chose importante.
Je m'enfonce dans mon lit pour compléter le dossier d'April lorsque l'on réclame mon aide pour recoudre une jambe. Je panse sa jambe, enlève ma chemise et me prépare un steak. J'ignore l'adolescente et April puis retourne dans mon lit avec mon assiette. J'ai bien plus intéressant à faire, étudier le dossier de la femme que l'on accueille depuis des semaines.
En fouillant, je trouve quelque chose de très palpitant, elle a publié son livre sous un pseudonyme quand elle avait quinze ans mais avant ça, elle avait un blog sur internet, c'était comme son journal intime avec toutes les dates. On est en 2021 et sa première publication remonte à 2011, elle avait dix ans et elle a disparu de la vie royale pile à cette époque.

04.21.2011
Fêter son anniversaire dans une prison blanche n'est pas ce que je préfère. Il paraît que je suis ici parce que mon imagination est débordante alors que mes liens affectifs sont à zéro. Je n'aime pas mes parents, je ne leur ai jamais dit que je les aimais car ce n'est pas le cas.
Je n'ai pas ma place dans cette prison, je n'ai pas ma place dans ma tour d'ivoire. Pourquoi tout est si clair à l'extérieur ? Pourquoi est-ce que je possède les souvenirs des autres ? Je vois un garçon, je ne connais pas son nom, je l'appelle Rain. Qui est-il ? Il n'y a que des images qui volent partout autour de moi.
Rain, dis-moi pourquoi je pense que je suis aussi orpheline que toi ?

06.15.2012
Rain disparaît, il a réussi à s'enfuir. Les gardiens de la prison ont planté des souvenirs qui ne sont pas les miens, je vois une éducation royale, des parties de golf avec mon père et de l'équitation avec ma mère. Ce n'est pas moi, ce n'est pas mon nom. Je disparais et la princesse vole la place du pion. Rain, tu m'as promis de venir me chercher, qu'est-ce que tu attends ?

Elle a arrêté d'écrire sur son blog en 2014, au moment où elle refait son apparition dans la famille royale. L'histoire qu'elle raconte, ce n'est pas la sienne. C'est impossible que ce soit la sienne puisque je crois connaître la personne dont elle raconte les souvenirs. Elle écrit les dates avec le mois avant le jour, April et la famille royale écrivent le jour avant le mois.
Je pénètre dans le système de sécurité de la famille royale, plus précisément les comptes personnels du roi et de la reine à partir de 2011. La reine a dépensé des milliers de dollars pour des IRM fonctionnelles, quatre psychiatres et un détective privé. J'épluche les comptes mais ne trouve nulle part l'un des psychiatres engagés, le cabinet a fermé en 2014 et il ne présente plus aucun signe de vie depuis. Je vais devoir demander l'aide de Lane pour retrouver ce type.
En attendant, j'ai soif et j'ai besoin que l'on panse mes blessures. Dans les bras d'April, elle prend soin de moi, sa peau contre la mienne, son humour, je suis amoureux d'elle. Je l'ai su dès que je l'ai vu mais c'était plus simple de faire fi de la situation. Je masse sa cheville alors qu'elle retire la poussière de ma plus grosse plaie. Je dois faire diversion pour pouvoir m'éloigner d'elle.
Je vais vomir aux toilettes, ça tombe bien, j'ai du mal à digérer mon steak, je vide mon estomac et me plie en deux quand elle prend de son temps pour s'occuper de moi. Elle soigne mes blessures, en me conseillant d'aller à l'hôpital ce qui est intolérable.
— Je vais rester avec toi, parce que tu vomis et parce que Nate va me tuer pour l'état de sa salle de bain.
Elle ne le vois pas, mon cœur se déchire.
Pars !
April, pars!
— Il s'en fiche, on a gagné suffisamment pour faire un nouvel étage à la maison donc refaire la salle de bain n'est pas un problème. Va te coucher, je ne veux pas que tu me vois vomir.
Ma voix a l'air si sérieuse alors que je suis en miettes. Mes organes pèsent une tonne. La crainte, la peine et la colère traversent mon visage.
— Je te tournerai le dos s'il faut, est-ce que je peux te poser des questions ?
Ne me tends pas le bâton pour te faire battre, je ne veux pas te démolir, elle est bien plus forte que moi, elle parle, sa voix me berce et me blesse. Quand elle mentionne sa cousine, je comprends que Nate m'a aidé à achever cette nouvelle mission. Je ne peux pas répondre à ses questions sans pleurer. Elle part en claquant la porte et son cri est l'arme qui me tue. Mon organe cardiaque est si lourd, je tombe dans le noir.
Le vide, le noir, il n'y a plus rien.
— Kane... réveille-toi.
— Va te faire foutre, Nate.
— Tu as une hémorragie interne, on doit aller à l'hôpital. C'est pour ça que tu as perdu connaissance.
— Ou peut-être parce que tu m'as forcé à faire quelque chose que je ne voulais pas, je l'avais pour moi mais tu me l'as enlevé. Tu m'as retiré ma fin heureuse, j'allais être heureux mais puisque tu ne l'es pas, je n'ai pas le droit de l'être.
— Tu as picolé. Tu n'aurais jamais eu ta fin heureuse, dans un mois, elle ne sera qu'un cadavre de plus sur la liste de Black.
— On a suffisamment d'argent pour rembourser Black, elle aurait pu rester.
— Non. Allez abruti debout, Vale t'amène à l'hôpital.
Je me mets debout et m'effondre dans la voiture. Vale conduit, je perds connaissance une fois en route et vais aux urgences. Je gagne plusieurs niveaux de Candy Crush en attendant qu'un médecin me prenne en charge. On me fait passer une IRM, on me goinfre de médicaments avant de me sédater pour m'opérer puisqu'il faut me couper une partie de la rate.
À mon réveil, ce n'est pas Vale à mes côtés mais Calliopé, que fait-elle ici. C'est la dernière personne que je voulais voir en ouvrant les yeux. April aurait dû être à sa place ou Nate ou Soléne. Rien ne va depuis que Black a kidnappé une princesse. Calli porte un pantalon droit noir avec une blouse décolletée bordeaux qui fait ressortir ses yeux glacés.
— Pourquoi es-tu là ?
— Nate m'a demandé de venir te surveiller, avec la fête de Noël, il a pensé que c'était une bonne chose. Il s'est passé quoi ? Tu n'as pas l'air bien.
— Avec tout le respect que je te dois, si tu restes, tu enlèves tes vêtements, sinon tu t'en vas.
Elle tire le rideau entre mon lit et celui de mon colocataire puis ôte un à un ses vêtements avant de monter sur mon lit. Elle se glisse sous le drap, guide ma bite en elle et reste droite en remuant ses hanches.
— Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ? À Noël, tu as dit que ça ne se reproduirait pas.
— Ferme-la et baise-moi.
Elle fait exactement ce que je lui demande et se love contre moi après. J'ai besoin d'air, il me faut une pause, j'en ai marre. Cette vie me bloque, c'est du poison rapide, je dois partir d'ici, juste le temps de l'oublier.
— Calli, tu veux aller à l'autre bout du royaume, il paraît que le château Blanc est sympa à visiter en été avec les marguerites et les coquelicots du jardin. On pourrait louer une petite auberge. Tu ne serais plus obligée de dealer, on pourrait vivre heureux. Ton frère serait rassuré et tu pourrais être libéré de l'influence du diable.
— Kane, qui est P'tit coeur ? Tu m'as appelé comme ça.
— Tu n'aimes pas ? Que penses-tu de sucre d'orge ? Ça te va bien, Sucré d'orge ?
— Qu'est-ce que tu cherches à fuir ? La police ? Une femme ?
— Ce n'est pas la question, viens avec moi. J'ai fait des économies en six ans, tu pourras faire des études et j'achèterai une ferme avec des lapins et des moutons.
— Tu veux devenir fermier ? Je te voyais plus pompier ou barman mais pas fermier.
— Ma carrure te fait fantasmer ? Tu m'imagines en train de poser pour ton calendrier.
— J'imagine beaucoup de choses mais si tu dois poser sur un calendrier, tu le fais nu. J'ai déjà vu sans rien, je ne peux pas m'en passer.
Le rideau s'ouvre sur un médecin qui demande à Madame Seven de descendre du lit, Calliopé obéit, je garde sa main dans la mienne.
— Je dois vérifier vos agrafes et on m'a demandé de vous donner ça. Dit-elle en me confiant un téléphone en plein appel. Parlez !
— Allô.
— Kane, il paraît que tu as touché à ce qui m'appartient.
Black, fait chier.
— Bonjour Black, ravi de t'avoir au téléphone, comment vas-tu aujourd'hui ? Je questionne avec une once d'ironie
— Tu as eu le privilège de prendre ma princesse.
— Si ça te rassure, ce n'est arrivé qu'une seule fois et ça ne se reproduira pas.
— Tu te mens à toi-même, « ça ne se reproduira pas », c'est un villain mensonge. Elle te perturbe, ses amants m'ont dit qu'elle s'immisce dans leurs têtes jusqu'à combler tous les vides de leurs esprits. Ta chambre d'hôpital est confortable? m'interroge-t-e soudainement froid. Agatha n'est pas une vraie infirmière mais elle va arracher tes agrafes.
Mes yeux trouvent ceux de la seune femme qui reture chirurgicalemen mes agrafes. Aucune émotion ne transparaît de son visage, elle est détendue, même endormie.
— Si tu fais un geste brusque, elle a pour mission de droguer ton amie. Elle a une seringue d'adrénaline, assez pour arrêter les battements de son petit cœur. Elle est folie, un peu jeune pour toi, j'aime quand elle décale ses cheveux comme ça .
Calliopé cale une mèche de cheveux derrière son oreille, une pression intense s'accumule sur mon flanc, mon sang s'échappe de mes plaies. Les agrafes disparaissent, je mords ma langue pour ne pas alarmer les autres.
— Je ne toucherai pas à April, dis à cette femme d'arrêter.
Un sifflement de l'extérieur fait faire demi-tour à Agathe qui perd connaissance juste en sortant de la pièce.
— Sais-tu que ma princesse vaut bien plus cher sur le marché que vos Sept têtes réunis, même si on les vendait quatre ou cinq fois. Ne touche plus à un seul de ses cheveux, je pourrais encore récupérer tes organes pour les vendre.
Il raccroche, j'appelle un médecin alors que Calliopé remarque le sang.
— Merde, elle ne devait pas te soigner inutialement.
— On fait mon pansement, je signe les papiers et on part d'ici.

Ni cœur, Ni âme (1)Where stories live. Discover now