Chapitre 20 : Pade, le dormeur

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Après une soirée mouvementée à l'extérieur, je tombe de fatigue dans mon lit. Je dors comme un loir mais quand je déambule à l'extérieur, je tombe sur April qui est à moitié endormi dans le salon jusqu'à atteindre Nate.
— Je n'ai pas dit pomme.
—  Il faut croire que ce n'est pas toi qui décide.
Elle fait les cent pas dans la pièce, je passe à côté d'elle pour aller me chercher une compote dans la porte du réfrigérateur.
Une tâche épaisse d'hémoglobine se repartit sur le sol, Nate nettoie. La princesse se masse la nuque nerveuse, son visage, ses doigts sont contractés et ses yeux  sont injectés de sang. Il semblerait qu'elle ait pleuré.
— Il s'est passé quoi, ici ?
— On a fait exploser un entrepôt, tué la sœur de Vale, Tate s'est pris une balle, Kane est à l'hôpital et elle a le cœur brisé.
Finalement ma soirée n'était pas si mouvementée, celle des autres avait l'air bien plus captivante.
—  Le sang est à Tate ou à Kane ?
— Aucun des deux, ne t'inquiètes pas pour ça. Ta chérie à le cour brisé, va la consoler.
— Je croyais qu'on n'avait pas le droit de la toucher.
— J'ai dénoncé Kane, je ne te dénoncerai pas.
— Kane? Il a couché avec elle ? Pourquoi l'as-tu dénoncé?
— Va dans ma salle de bain, tu auras ta réponse.
April va câliner Tate dans le canapé, il enroule ses bras autour d'elle et pose son menton sur son front. Leur amitié me dépasse, je ne parviens pas à comprendre comment il fait pour l'aimer sans la désirer. Je n'ai jamais eu d'amis mis à part les sept qui vivent dans cette maison.
Je vais constater les dégâts dans la salle de bain, il y a de la poussière partout, la porte de Nate est détruite et le lavabo est cassé de toutes les sens. Je reconnais les vêtements sous les débris, je pensais le blond incapable d'enfreindre les règles mais il a céder à ses pulsions. Il s'est tapé April, je ferme la porte avant de m'accroupir à côté de Tate dont la douleur se lit sur son visage.
— Chérie,  tu fais mal à Tate, tu devrais aller dans ta chambre.
Il me demande de me taire et dépose un baiser sur son cuir chevelu. Elle s'excuse, prend ses distances et embrasse la joue de son ami. Elle récupère une compresse, un pansement et un flacon de médicament dans la salle de bain. Elle soigne son ami malgré les larmes qui coulent sur ses joues. Elle essuie les perles salées qui coulent des yeux du militaire qui l'accueille dans ses bras.
— Ma jolie, je crois que Pade essaie d'attirer ton attention. Tu prends une de mes bouteilles de vin si tu veux et traîne avec lui. Je dois me reposer et tu as besoin de te sociabiliser.
— Je ne suis pas un animal social, je veux rester ici.
— Et moi, je veux que Beyoncé me taille une pipe mais ça n'arrivera pas. Va, pars.
Il la pousse, elle tombe sur les fesses entre la table basse et le canapé. Mon rictus la dérange beaucoup, elle me lance un oreiller en pleine tête alors que je l'aide à se lever. Elle choisit une bouteille de vin dans la chambre de Tate alors que je l'invite à sortir à l'extérieur. Un peu de liberté ne lui fera pas de mal, l'air frais changera de l'odeur abondante de sang qui flotte dans l'air.
Nate lui fait promettre de ne pas s'enfuir et nous donne une double autorisation pour sortir. Je bande les yeux de la jolie brune pour ne pas lui montrer le chemin vers la maison, elle l'a déjà pris mais jamais dans ce sens. Je la guide dans la forêt jusqu'à mon coin préféré, je retire la cravate de ses yeux et elle admire la forêt. La nature est de toute beauté aujourd'hui, elle semble apprécier la présence d'une princesse toute fraîche sur son sol pur.
— Tu m'as emmené dans la forêt pour que personne au village n'entende mes cris quand tu vas m'égorger ?
— Le village n'est pas à côté, mais c'est le territoire des loups. Si je te tue, Crow va me réclamer les restes et il ne partage pas.
Elle adhère à mon humour, un magnifique rire de gorge se déploie, elle pose de nouveau les yeux sur moi. Son visage est ébloui par le soleil et elle est flamboyante.  Black va avoir une femme joyeuse rien que pour lui, on en profite à peine à la maison, elle est au militaire. Elle écarte les cuisses pour Vale et Kane mais c'est de Tate dont elle est le plus proche.
— Qu'est-ce qu'on fait ici ?
— Lève les yeux, je t'emmène dans ma garçonnière.
Elle regarde ma cabane et l'échelle qui mène à l'entrée de celle-ci. La corde est assez large, elle tient depuis neuf ans, elle supportera facilement le poids d'April. Elle n'est pas lourde, toutefois elle a peur du vide je crois.
— Pourquoi fais-tu cette tête ?
— Tu as une cabane dans les arbres ? J'ai toujours rêvé d'en avoir une mais ce n'était pas assez féminin pour mes parents. La peur du vide est aussi l'un de leurs arguments, j'ai beaucoup plus de phobies qu'on ne le pense.
— Comme quoi ? Le vide, l'eau, y'en a d'autres ?
— Il faudra plus qu'une bouteille de vin pour que je te divulgue mes secrets.
— J'ai de la tequila là-haut
— Là, on parle la même langue.
On monte dans la cabane en bois, je l'aide à franchir les derniers centimètres, je dépoussière mon tapis d'un geste de la main et l'invite à s'asseoir. Je débouchonne la bouteille de vin puis sors deux verres de mon meuble. Je sers les verres et goûte en même temps qu'elle. On le recrache tous les deux en même temps, j'aurais dû nettoyer les verres ou au moins leur donner un coup de chiffon.
— Goût poussière. Rit-elle, posant son verre dans le coin de la pièce. C'est nouveau.
— On n'a qu'à boire à la bouteille, je suis désolé. Je ricane en buvant une gorgée. C'est mieux, elle date de quand cette bouteille ?
— Elle a dix-sept ans, elle était dans la cachette de son bureau.
Il y a une cachette dans son bureau, on en apprend tous les jours avec elle.
— Il y a un double fond à son tiroir avec des photographies de l'orphelinat et de son frère.
Comment sait-elle que c'est son frère sur les photos ? Tate et son frère avec le même sang mais n'avait rien en commun. Son frère était blond aux yeux clairs alors que Tate était brun avec les yeux plus foncés.
— Comment est-il mort ?
— Tequila avant les questions.
Je sors les deux bouteilles et lui en passe une, on va pouvoir jouer à un jeu très intéressant.
— Si la question te gène, tu bois. Si tu ne veux pas répondre, tu bois. Si...
— J'ai compris, qui commence ?
— Honneur aux invités, c'est à toi de choisir la première question. Choisis bien.
Un seul regard me suffit pour comprendre le sujet de sa question, elle n'aura aucune pitié pour moi, elle va m'attaquer sans état-d'âme.
— Est-ce que toi aussi tu as couché avec Soléne ?
J'allais boire mais je pose ma bouteille sur le sol. Est-elle au courant pour Soléne ? Une larme roule sur ses cils, voilà pourquoi son cœur est brisé, elle a appris pour Soléne.
— Non. Pourquoi pleures-tu ?
Elle boit.
— Kane a couché avec moi parce que ma cousine et moi possédons le même physique.
Elle est cent fois plus jolie que Soléne, les blondes ne m'ont jamais plus. Kane est tombé amoureux de la cousine d'April en un regard donc je comprends que la princesse se sent trahie.
— Sais-tu ce qui est arrivé à ma cousine ?
— Non. Je mens puisque ça ne vaut pas le coup de la démolir. On devrait changer de sujet. C'est quoi cette tension entre Nate et toi ?
— Je ne l'aime pas et il ne m'aime pas.
Elle boit et sa bouche gonfle rien qu'à penser à lui.
— L'as-tu embrassé ?
Elle boit encore, ne dit rien. Je m'adosse contre la paroi de la cabane avec un sourire en coin. Elle est vraiment belle et secrète. Je me demande souvent si elle est la méchante dans l'histoire de quelqu'un.
— Vas-tu dire à Lane que tu ne le vois pas comme un frère ?
La tequila coule dans ma gorge brûlant mon œsophage et mon estomac. Lane sort avec Vale et il a l'air très heureux dans sa relation.
— C'était bien d'embrasser mon frère ?
Elle avale l'alcool, son nez se tortille, un sourire sincère déforme les traits de son visage.
— Je ne suis pas certaine de pouvoir mettre des mots sur ça, il ne m'apprécie pas du tout. Crois-tu qu'il me déteste ?
Une gorgée.
— Il n'est pas gentil et grincheux.
— Ça ne répond pas à ma question.
Parce que je ne connais pas la réponse, il est opaque.
— Pourquoi est-ce que tu as couché avec Vale ?
— Parce que j'en avais envie et lui aussi. Pourquoi aimes-tu regarder ?
Je ne bois pas une mais deux gorgées pour cette question.
— Qui te l'a dit ?
— Vale. Tu ne veux pas répondre à la question ?
— Mes frères sont plus vieux que moi, ils ont toujours une tonne de femmes qui leurs tournent autour, j'ai grandi entouré de mes frères et de leurs copines, j'ai grandi entre les blagues de cul, les bagarres et les jeux vidéos. Regardez est devenu comme un réflexe et c'est bandant de voir en vrai. Le porno n'est pas assez réel alors que les femmes qui passent dans cette maison si.
— Tu préfères regarder ou pratiquer du coup ?
Une autre gorgée.
Les effets de l'alcool se font ressentir.
— J'ai dix-neuf ans, j'ai plus regardé que pratiqué, mais l'un et l'autre sont opposés donc ils sont incomparables. Toi, tu préfères quoi ?
— Au lit, tu veux dire ?
— Ouais.
Je ris.
— J'aime les trucs à plusieurs et l'anal est beaucoup plus intéressant que le vaginal. J'aime bien être surprise ou maintenue, même si ça m'apporte des problèmes comme avec Conrad.
Elle oublie de boire, elle est rouge et câline sa bouteille comme si c'était un bébé. Mon crâne commence à me faire mal.
— Je n'ai jamais essayé.
— De quoi ? Les plans à trois, l'anal ou attacher quelqu'un ?
— L'anal, j'ai eu un plan à trois comme cadeau d'anniversaire pour mes dix-huit ans.
— Moi, j'ai eu une tiare et des livres sur les règles de tenue en société. J'aurais préféré un plan à trois ou un godemichet.
Je tousse à cause de ma salive.
— T'es bourrée, chérie.
— Toi aussi, chéri. Sauf que tu as l'air de vouloir vomir et moi, j'ai juste envie de retirer mon haut parce qu'il fait une centaine de degrés.
Elle enlève son t-shirt et je passe ma tête par la fenêtre pour vomir. Ça fait énormément de bien de vomir, la terre tourne quand j'essaie de me rassoir au même endroit que précédemment. Ses seins ont grossi, non ?
— Tes atouts sont impressionnants et palpables, puis-je toucher ?
— Quand tu n'auras plus d'alcool dans le sang, pour ne pas regretter et ne pas avoir de vomis sur le dos en pleine baise.
Du sexe, oh oui du sexe.
— Je voulais juste toucher tes seins mais je suis d'accord pour la baise. On pourra tester l'anal ?
— Nan, chéri. Je risquerai de te blesser alors que c'est bientôt ton anniversaire.
Ah c'est vrai ça, mon anniversaire est dans quelques jours, j'avais oublié, faudrait que je demande aux garçons s'ils ont prévu quelque chose. J'espère qu'ils ne vont pas encore acheté ses cônes colorés à mettre sur la tête, chaque année c'est la même histoire et je déteste ça.
— Comment pourrais-tu me blesser avec un cul aussi petit ?
— Va te faire foutre, tu sais combien il faut faire de squat par jours pour avoir un cul pareil ?
— Cent trente-cinq, je te regarde faire avant de dormir. Je ne compte pas les moutons, je compte les squats. C'est drôlement cool d'imaginer ton cul monter et descendre, c'est un peu la version de luxe des moutons. J'avais peur des moutons quand j'étais petit, j'en avais vu une fois à huit ans et il avait essayé de bouffer ma doudoune. La directrice nous a donné Biquette à manger pour le dîner.
— Je sais, la directrice est une connasse. Si je survis à Black, je ferai fermer l'orphelinat et enverrai cette catastrophique directrice dans les cachots du château.
— Tu ne la connais même pas... dis-je, parlant à l'une des deux April, celle qui bouge le moins. Tu n'as aucune idée de ce qu'elle nous a fait quand on y était. Aucun des orphelins qui met les pieds dans le manoir ne ressort sans traumatismes qui marqueront à jamais leur vie.
— Je peux te dire un secret ? Jure moi de ne le dire à personne.
Je hoche la tête, le monde autour de moi met un moment avant de reprendre sa place.
— Quand j'avais onze ans, ma sœur est morte, la princesse May, mes parents n'ont jamais été inspirés pour les prénoms mais bon, bref...ils m'ont fait sortir de leurs vies. Le deuil était trop dur avec une pré-adolescence de onze ans dans les pattes. J'utilisais mon deuil pour me créer un univers où ma sœur était toujours là, donc j'ai fait un séjour de trois mois en hôpital psychiatrique. Pas les bons comme maintenant, ils étaient vieux jeux, pour eux j'étais névrosée parce que je n'avais goût à rien et que je ne pleurais pas May. Bref, je suis sortie avec un traitement et après avoir subi des bains bouillants. Or mes parents n'étaient toujours pas prêts à ce que je rentre à la maison donc j'ai passé trois mois dans ton orphelinat. Bien entendu, mon statut m'empêchait de me mêler à vous, j'étais à l'étage du dessus avec un garde devant chaque pièce. Je passais mes nuits à entendre des hurlements. Je vous connais tous, je vous ai tous déjà rencontré et j'ai vu la mort de Biquette. Je regardais par ma fenêtre quand ils l'ont abattu, je n'ai pas mangé d'ailleurs ce jour-là. J'ai fait tuer le garde qui s'en est chargé par contre. J'aime les animaux du moment où ils n'ont pas huit pattes.
Je sais qu'elle me raconte quelque chose mais je n'enregistre que des mots ici et là. Impossible de tout entendre, j'ai compris Biquette, May et hôpital mais rien d'autre ne s'aligne dans ma tête. L'alcool met des paillettes partout dans la cabane. Je cligne des yeux et les plisse pour tenter de voir quelque chose.
— Ah, trop cool.
Je ne sais pas si c'est la bonne façon de réagir, je ne veux pas la blesser. J'espère qu'elle n'a plus le moral dans les chaussettes mais juste la tête en vrac à cause de l'alcool. Il y aura toujours l'alcool pour oublier ses problèmes.
Je rampe au sol, mes jambes ne supportent plus mon poids puis viens poser ma tête sur sa cuisse. Elle est plus douce et confortable que mon oreiller, faudrait que je le remplace par un doudou. Ted fera l'affaire, Paul est un alien qui me donne des cauchemars, il a été maudit par la sorcière qui a fait de Oliver ce qu'il est aujourd'hui, un sale chien qui me lèche les pieds quand je suis à pieds nus dans la maison.
— Tu sais, la maison n'a jamais été aussi vivante. Tu nous fais sortir de la monotonie de nos vies. J'aimerai que ça reste comme ça pour toujours. Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, je suis plus inquiet pour toi que pour Kane, je ne devrais pas. Quand Black va revenir, tu supplieras l'enfer de te tomber dessus, tu vas hurler de toutes tes forces et on ne pourra pas réagir parce que tu seras hors d'atteinte. Si tu trouves que Nate est le méchant de l'histoire alors tu n'es pas prête à rencontrer le chasseur. Il est le méchant dans toutes les histoires, la tienne, la mienne, même celle de Nate. On fait des choses odieuses pour les gens qu'on aime, on a tous une raison de faire les choses et ton pseudo-méchant n'est pas intéressé par l'argent. L'argent ne fait pas le bonheur, sauf si on se paie un élargissement du penis. Je devrais peut-être le faire, les gens partiraient moins vite après le sexe. Tu crois qu'elle est assez grosse?
Je tire sur mon pantalon, je veux un avis sincère donc autant demander à une professionnelle du sexe. April est ailleurs, elle parcourt le ciel avec les avions ou fait une fixette sur la lune ?
— De quoi on parlait déjà ?
— Je te demandais si tu trouvais ma bite assez grosse.
— Mais oui, elle est parfaite, elle ferait le plaisir de n'importe quelle femme. Ne doute pas de la puissance de ta bite, elle est juste un peu tordue mais elle est très bien. Dis, elle est comment celle de Nate.
— Comment veux-tu que je sache ?
— Que tu saches quoi ? Oh merde, la bouteille, elle roule.
Elle attrape la bouteille de tequila mais elle chute de la cabane. Je saisis la cheville de la princesse avant qu'elle tombe. Ce serait dommage qu'elle meurt à cause de l'alcool, pour partir en beauté faudrait être brûler sur un bûcher et ne pas annoncer la raison du bûcher, comme ça les gens se demanderont si la chasse aux sorcières a repris ou non.
— Fais chier, y'a un coin pour vomir ici ?
— Tu as la tête dans le vide, il suffit d'ouvrir la bouche.
— J'ai oublié comment on fait
Oh merde, comment ouvre-t-on nos bouches ? Est-ce que c'est l'alcool qui complique cette simple action? J'ai encore soif, je vais boire comment si je ne peux pas ouvrir la bouche

Ni cœur, Ni âme (1)Where stories live. Discover now