Ni cœur, Ni âme (1)

Chapitre 5 : Kane, le prof

Alors que je me prépare un smoothie, la princesse April vêtue uniquement d'une serviette écarte la porte de la salle de bain. Après quatre jours sans bouger de son lit, elle a décidé de bouger pour prendre une douche. Les pieds humides, elle laisse des traces derrière elle jusqu'à sa chambre. Elle grommelle puis passe sa tête par l'embrasure, ses lèvres pincées et ses yeux qui cherchent désespérément la fuite me font dire qu'elle souhaite communiquer avec moi.
— Qu'est-ce qu'il y a, P'tit coeur?
Je tourne le bouton du mixeur quand elle ouvre la bouche. C'est la première fois qu'elle s'adresse directement à moi donc autant la narguer un peu. Je souris alors qu'elle se mord l'intérieur des joues.
— Pardon, on va chasser. Il est nécessaire de prendre des forces.
— Je...
Je fais tourner une dernière fois les hélices dans le mixeur et le secoue pour trancher les derniers morceaux d'avocats. Elle frappe d'impatience dans le mur pendant que je verse mon smoothie dans un gobelet.
— P'tit cœur, qu'est-ce que tu veux?
Son mutisme m'irrite, elle le sait très bien, je goûte à ma boisson puis préviens Vale que la salle de bain est libre. J'aiguise mon couteau en fixant les aiguilles de l'horloge bouger. Trois minutes, cinq minutes, dix minutes sans le moindre bruit émanant de la chambre. Je cède et frappe plusieurs fois avant de m'engager dans la pièce.
Mon Dieu je suis un être faible, je prône la communication et elle ne dit rien.
Elle est assise sur le lit, ses cheveux dégoulinent sur le drap alors qu'elle les coiffe. Ses jambes croisées et tendues empêchent tous regards indiscrets. Elle a un petit tatouage de pomme rouge sur son épaule, petit détail qui lui rappelle l'histoire de sa famille. Le petit sept inscrit à l'intérieur se fond dans le décor, je l'ai constaté en début de semaine en la changeant.
— Tu détrempes les draps, va falloir les faire sécher.
Comme si sa bouche était cousue, elle bouge les lèvres mais aucun mot ne les franchit. Je bois le liquide épais vert, elle tresse ses cheveux et les attache. Elle joue, retire les mèches de sa brosse, en fait une boulé qu'elle jette dans la poubelle. Elle ferme le tiroir du bureau puis s'appuie dessus. Sa serviette coulisse sur sa poitrine mais elle la maintient. Le tatouage de rose sur le galbe de son sein est de la même couleur que la pomme.
— Je t'apporte des vêtements, peut-être que ça te fera parler.
Je me dirige dans ma chambre, attrape une brassière noir puis vais chercher un jogging dans l'armoire de Lane. Je lui confie, elle hoche la tête en remerciement et part se couvrir dans la salle de bain. Elle se vêtit en une minute à peine, la tenue moule ses formes et ses abdominaux brillent sous l'effet de la lumière. Elle a un corps plus sculpté que Dave alors qu'il va deux fois par semaine faire du sport.
— Du coup, que voulais-tu P'tit coeur ?
— Des vêtements, y'a une boutique de sous-vêtements sur votre route ? J'ai besoin de culotte et de brassière à ma taille.
Primo, je ne connais pas sa taille.
Deuzio, il n'y a pas de boutique dans la forêt.
Tertio, pourquoi irais-je acheter des dessous à notre prisonnière ?
Elle a réussi à obtenir ce qu'elle voulait sans même marmonner quelque chose. Elle est douée, elle doit avoir beaucoup de choses à m'apprendre. Un peu plus tard, quand je trie les armes pour la chasse, Tate dans sa non-amitié avec April lui montre sa barre de traction et les poids dont il se sert pour se muscler. Il n'a pas très bien compris les règles de Nate.
La princesse s'accroche à la barre dans le passage de la porte, une main d'un sens et une main dans l'autre sens, elle se hisse facilement en haut du barreau. Elle prend tout son temps à descendre, Tate doit avoir une vue imprenable sur ses épaules et son dos. Il passe à côté d'elle et fantasme en l'observant. De la bave au coin de la bouche, le voilà de retour à l'adolescence.
— Tate !
— Quoi ?
— Faut faire sortir le chien. J'informe pour qu'il aille se dégourdir les yeux ailleurs. Maintenant !
April continue, Tate pivote vers moi.
— C'est ton chien.
Il pose de nouveau ses yeux sur elle. Oliver, sous mes ordres, aboie sur le soldat. Les bras d'April se mettent à trembler, elle sèche sa main moite sur le jogging avant de faire une nouvelle traction. Son visage rougit, elle grimace et poursuit.
— Tu fais chier, je n'ai pas envie de bouger.
— Tu passeras chez Harper pour te détendre.
— Il faut quelqu'un pour la surveiller, non ?
— Lane est là.
Il préfère mater la princesse du royaume plutôt que d'aller baiser son plan cul régulier. Compréhensible mais curieux. Je lui met une pichenette sur le nez et le met à la porte avec mon chien. April, quant à elle, lâche la barre puis me vole mon smoothie.
— KANE, ÇA FAIT UNE HEURE QUE JE T'ATTENDS! Rugit Nate en tirant la porte d'entrée. C'est ton smoothie ?
Elle sirote ma boisson mousseuse, la paille entre ses dents. Je n'ai pas le temps de lui fournir une réponse qu'il est déjà dehors à taper du pied.
— LANE, réveille-toi. Tu dois surveiller April.
— Oh mon dieu, non ! Gronde-t-il de son lit. Pourquoi ?
Je donne un coup de pied dans la porte, lui enlève sa couette que je balance dans le lit vide de son colocataire. Il beugle à l'instar d'un animal de ferme que l'on amène à l'abattoir.
— Parce que les autres ont fuis avant toi. Bouge ton cul, je dois y aller.
— Bah casses-toi et laisse-moi dormir.
— C'est ton devoir de veiller sur elle pendant qu'on vague tous à nos occupations.
— Je suis occupé à dormir, Vale a passé sa nuit à gémir. Je n'ai pas réussi à dormir avant le lever du soleil.
— Ce n'est pas mon problème, y'a du café sur l'îlot central.
— Tu mérites de mourir, je ne veux pas du café froid.
— Il est corsé à la vodka. Annonce April, une bouteille de vodka à la main.
Je lui arrache la bouteille des mains et la vide dans l'évier.
— Pas d'alcool.
— Le tant qu'il y a du café.
Je passe sa tasse à Lane, toujours en boxer, il a une tête de cadavre, il a bien besoin de ce remontant pour affronter April jusqu'au déjeuner. J'embarque mes armes et rejoins l'impatient derrière la porte.