Chapitre 9 : Vale, le simplet

2 0 0
                                    

J'ai vu un tas d'hommes amoureux, fascinés, brisés, au fond du trou. Quand j'ai aperçu Kane et April, j'ai découvert une expression que je n'avais jamais rencontrée auparavant. La résiliation se lit encore sur son visage, en y réfléchissant, je suis certain d'avoir interrompu quelque chose entre eux.
Ça fait deux jours que la princesse est retenue dans sa chambre. Elle n'a accès à la salle de bain que deux heures par jour, trente minutes quatre fois par jour et pour éviter qu'elle agonise, elle a le droit à un repas par jour donné par Nate qui ne lui lance même pas un regard. Il est imbuvable depuis deux jours, même mes collègues refusent de travailler pour lui. Pika a reçu cinq appels de sa part dont un de menaces.
Je suis adossé au bar avec les filles quand Tate débarque une cigarette à la main. Il a du mal à cicatriser mais aussi du mal à pardonner, ce qu'il s'est passé entre Nate et Harper lui laisse un goût amer à la bouche. Il commande un verre que Lucie lui offre par pitié.
— Il s'est passé quoi pour que tu aies la même tête que le monstre de Frankenstein, pour que Nate vous fuit, pour que Kane refuse son coup mensuel, pour que Vale travaille seize heures par jour ?
— Longue histoire. Je réponds
— Une femme, c'est toujours une histoire de femme.
C'est souvent une histoire de pute dans ce bar mais pour une fois ça ne concerne aucune d'elles.
— Tu crois qu'il s'est passé quoi?
— Que tu as couché avec une femme en couple et que le mec a appris.
C'est presque ça, il mange des cacahuètes en se moquant de l'hypothèse de la barmaid.
— Tu y étais presque, je ne l'ai pas touché et Nate m'a cassé la gueule. Vous faites bien de ne pas lui répondre, je ne suis pas le seul qu'il a cogné.
— Nate a frappé une femme ? Se consterne Pika
Elle a juste le crâne ouvert, ce n'est pas trop grave mais ça reste un comportement inacceptable.
Mon téléphone vibre dans ma poche, je regarde mes messages en finissant mon cocktail. Lane m'a demandé de ne rien prévoir ce soir pour qu'on puisse dîner ensemble, il a réservé une table au restaurant. Sous son masque de haine se cache un jeune homme romantique, il fait des efforts en ce moment, ça me plaît.
— Pourquoi tu souris ? Demande une de mes collègues en se penchant sur mon téléphone. Oh, tu as un date avec Lane. Tu dragues monsieur Timide ?
— Oui, il est très attentionné.
— Très attentionné ou trÈs attentionné ?
Attentionné n'a rien à voir avec le comportement.
— Entre les deux.
— Tu t'es préparé pour lui ?
— J'ai un client actif dans une heure donc oui.
— Ça n'a rien à voir. Sortir avec quelqu'un et avoir un client dont deux choses différentes.
Je le sais bien, Lane n'est pas mon premier rendez-vous galant et il ne sera pas mon premier petit-copain. J'ai déjà eu des relations après l'orphelinat, au moins deux avec des hommes et une avec une femme. Du plus ou moins sérieux qui m'a conduit à être payé pour faire l'amour avec des inconnus.
— Il est gentil, il ne faut pas précipiter les choses. Si ?
— Avec Lane, tu devrais ne rien espérer. Remarque Tate
— Pourquoi ?
— Huit lettres, deux mots dont un avec une apostrophe : C'est Lane ! Comment peux-tu croire qu'il ferait un bon petit ami ? Même A. sait qu'il a un crush sur Pade.
— Il a le béguin pour Pade et sucé Dave, il me l'a dit.
— C'est qui A ?
— La fille que Nate a frappée, c'est aussi mon amie.
Tate se met en danger en affirmant ça, il s'est lié d'amitié avec notre prisonnière et il s'est déjà fait tabassé pour ça. Je le toise, les filles entourent Tate et le câline. Il passe son bras devant la poitrine de la jolie indienne aux cheveux épais et dépose un baiser sur sa tempe.
— Les filles, je reviens. Annonce Prija en traînant Tate dans une des chambres de la boîte.
Prija ne fera pas payer Tate, Nate a des dettes envers elles mais elles font régulièrement des cadeaux aux Sept.
Mon client arrive une demi-heure plus tard, il est en avance, j'apprécie ça, bien habillé, avec une montre digitale au poignet et un tatouage d'araignée sur la main, il vient d'un autre royaume. C'est la marque des soldats de l'ombre, Soléne avait le même tatouage et je vais devoir rester silencieux. Il serait regrettable de dire à un soldat que l'une de ses camarades est morte.
— Vale, on a rendez-vous.
— Super, viens. J'ai une chambre à l'étage.
On monte dans la chambre à mon nom, je me déshabille en premier, ça a tendance à rassurer les clients les plus timides et augmente l'excitation des autres. Il se tient dans un coin de la pièce et donne un coup sec dans la porte bien qu'elle soit déjà fermée.
— Tu paies à l'heure, tu sais.
— Je ne vais pas coucher avec toi, tu es très mignon mais le roi me demande d'enquêter sur la disparition de sa fille, de plus une autre princesse aurait disparu il y a trois ans. Connais-tu la princesse Soléne ?
— Non.
— Et la princesse April ?
— La salope du palais ? Uniquement de réputation. Tu m'as l'air très fort, tu es sûr de ne pas vouloir tirer un coup. Je te le fais à moitié prix. Réduction pour soldat.
— Écoute-moi bien, mon mari de deux mètres se fera un plaisir de te montrer ce que signifie se faire enculer mais moi, je vais surtout te poser des questions. Connais-tu Nate Wall ?
— Qu'est-ce que tu veux à Nate ?
— Lui poser des questions au sujet des princesses, il est l'un des principaux suspects dans leurs disparitions.
— Je croyais que la princesse était dans un pensionnat à la demande du roi.
L'avantage quand on est toujours pris pour un homme stupide et que même si je mens effrontément on pense juste que je suis débile.
— Il a quel âge ton mari ?
— C'est la seule chose à laquelle tu penses ? L'âge de mon mari ?
— Bah s'il veut jouer le professeur et m'apprendre la signification de certains mots, j'aimerai m'assurer qu'il ait l'âge d'enseigner.
— Mais tu es con ou quoi ?
— Les gens disent qu'il me manque un truc pour être intelligent mais je ne comprends pas pourquoi. J'avoue avec un calme olympien. Tu es certain de ne pas vouloir ...
— Je ne me cherche pas de gigolo mais des réponses.
Ça doit le faire bander les mots croisés.
Je me rhabille et me remplis un verre de champagne. J'aime bien boire en situation stressante, ça m'aide à calmer mes nerfs et mon érection. Il n'y a rien de plus sexy qu'un homme en colère et tatoué.
— Tu es très inutile.
— D'habitude, j'utilise ma bouche autrement. Tu sais puisque tu dois payer, tu pourrais avoir une fellation, je ne dirai rien à ton mari, je ne le connais pas.
— Non, les putes ce n'est pas mon truc.
— D'accord, cent dollars et cinquante pour mon silence.
— Je ne paierai pas.
— Je dois faire mon chiffre, tu paies ou j'appelle les flics. Ils sont plus compréhensibles avec nous qu'avec nos clients. Mon ex va être ravi, dis-je, décrochant le téléphone et composant le numéro de mon ex. Yassim, oui, salut bébé, je suis au club et y'a un enfoiré d'étranger qui ne veut pas payer pour l'heure qu'on a passé ensemble.
— J'arrive, je préviens Nate ou Kane ?
— Non, laisse-les tranquille. Dépêche-toi, s'il-te-plaît.
— Tu vois quelqu'un en ce moment ?
— Désolé mon loup, j'ai un date ce soir, je t'appelle si ça ne se passe pas bien mais j'aimerai lui donner une chance.
— Tu te souviens du truc que tu voulais faire et que j'ai toujours refusé de faire. Je te le ferai si tu m'appelles ce soir.
Je raccroche et me joue sur mon téléphone à Dragon City, Yassim ne devrait pas tarder et ça tombe bien j'avais très envie de voir un flic aujourd'hui. Quelques minutes plus tard, Yassim en uniforme avec ses armes accrochées à sa ceinture pénètre dans la pièce et mon client fait défiler des photos sur son portable.
— Monsieur, il va falloir régler la dame que vous ayez forniqué ou non.
— Je ne paierai pas.
— Tu paies, ce n'est pas une question. Il te doit combien ?
— Deux cents. Tu prendras cinquante pour le dérangement.
Le soldat crache deux cent dollars, Yassim le met dehors à coup de pied et le met sur liste noire. Il revient dans la chambre alors que je continue de jouer. Il retire sa ceinture, son gilet pare-balles et pose son arme de service sur le meuble à côté de moi.
— Je te dois combien pour vingt minutes ?
— Cinquante.
— Garde la monnaie.

Ni cœur, Ni âme (1)Where stories live. Discover now