Singulière

Partie 7

Point de vue de Matt

Quelqu'un sonne à la porte. Cela me sort Louis de mes pensées. Je me lève pour aller ouvrir alors que je suis bien en la présence de Mady. J'ouvre la porte. Jess. Qu'est ce qu'elle fout ici ?

— Matt...

— Quoi ? fais-je, agressif, en refermant la porte sur nous.

— Tu m'en veux ?

— De quoi ?

— De ne pas empêcher ce mariage.

— Ils ne sont pas encore mariés que je sache. Tu veux quoi ?

— Matt, j'ai couché avec quelqu'un.

— D'accord, content pour tant. Et pourquoi viens-tu m'en parler, suis-je concerné ?

— Non... Mais crois-tu que mon enfant aura le gène ?

— Le gène ?

— Crois-tu qu'il pourra se transformer ?

Je soupire, agacé.

— Non, il n'y a toujours pas de chiots. Voilà j'ai répondu à ta question au revoir.

— Matt, arrête de faire cette tête-là et d'être comme ça...

- Si tu ne m'aimes pas, c'est pas mon problème, si je te dérange tu n'as qu'à partir, je ne te retiendrai pas.

— Je ne veux pas foutre tout en l'air avec Hugo. Du coup j'ai couché avec lui en me faisant passer pour Mady...

— Quoi ?! Mais t'es complètement folle, ma parole ! Tu sais tu ne te serais pas déguisée, il aurait quand même bien voulu coucher avec toi.

- Non, j'ai déjà essayé, il n'a pas voulu. Matt, je crois qu'Hugo aime réellement Mady. Il m'a dit des choses que... Il l'aime.

Je me tais. Qu'est-ce que je peux dire ? Je serre les dents pour me retenir de frapper quelque chose. Ou quelqu'un.

— Matt, dis quelque chose..

— Je n'ai rien à dire.

— Je te connais un peu. Évacue, dis-moi ce que tu ressens.

— Non.

— Ce n'est pas viril de me dire ce que tu ressens, c'est ça ? fait-elle d'une voix haut perché.

— Tais-toi.

— Non je ne me tairai pas. Maintenant écoute-moi : peu importe ce que te dit la bête, contrôle-toi, Alpha.

Je la regarde droit dans les yeux. Je ne suis pas un Alpha et elle le sait. Sinon j'aurais volontiers empêché ce mariage entre Alphas. Ça m'énerve !

— Matt ?

— Quoi ? grondé-je.

— Tes yeux... Contrôle-toi, bon sang !

— J'y arrive pas ! Éloigne-toi !

— Non.

Elle fait un pas vers moi.

— Ne t'approche pas !

— Si, soumets-moi alors !

— Je ne peux pas !

— Si tu peux, tu es un Alpha, j'en suis sûre.

— Non.

Je baisse la tête d'un air menaçant. Qu'elle ne s'approche pas plus.. Encore un pas. Je grogne d'instinct.
On s'affronte du regard pendant un interminable moment et elle finit par faire un troisième pas. Je redresse la tête. Un quatrième. Elle se fout de moi ? Elle se tient devant moi, bien droite. Elle se hisse sur la pointe des pieds et vient déposer ses lèvres sur les miennes. Son baiser se fait plus prononcer. Elle attrape ma nuque. Je ne réagis pas pendant un moment. Je suis déconcerté. Je regarde autour de moi. Mady, Mady nous a vus. Je décolle mes lèvres et pousse violemment Jess. J'entre dans la maison. Mady est par terre. Je me précipite vers elle, ma veste est en boule dans un des coins de la pièce. Je caresse sa joue.

— Mady, réveille-toi...

Elle ne fait pas de mouvement. Je n'aurais jamais dû me laisser me faire embrasser par Jess.

— Mady, je t'en prie...

Je la prends dans mes bras et la porte jusque dans sa chambre. Je m'en veux d'être la cause de tous ses maux. Pourvu qu'elle ne se soit pas blessée en tombant. Pas de sang, pas d'entailles, tout va bien, enfin je crois. Je la dépose doucement sur son lit et la recouvre d'une couverture. Je m'assois à côté d'elle.

Point de vue de Mady ( le retour )

J'ouvre les yeux. Encore un malaise je ne fais que ça en ce moment. Je sens une source de chaleur dans mon dos. Je me tourne légèrement et vois Matt, allongé contre moi. Je m'empourpre. Sa présence si proche apaise mes souffrances. Je ne bouge plus. Je l'entends soudain pousser de petits bruits. Pourquoi est-il avec moi alors qu'il a embrassé Jess ? Il ne m'aime pas... Je remue les lèvres tristement.

— Mady, t'es réveillée ?

— Oui.

— Ça va mieux ?

— Oui.

— Mady, ce qui s'est passé avec Jess...

— Tu n'as pas à t'excuser, tu n'as pas besoin de ma permission pour embrasser une fille. Tu fais ce que tu veux, je ne suis pas ta maman.

— Je sais mais je voulais.. Non, rien, laisse tomber.

Justement, je veux savoir. Explique-moi. Je ne vais pas pleurer, pas cette fois, je suis forte. Je prends une grande inspiration.

— Mady, est-ce que tu m'en veux ?

— Non.

— C'est vrai ? me demande-t-il, surpris.

— Non.

— Tu m'en veux alors ?

Je mets plusieurs secondes avant de répondre.

— Oui. Oui, je t'en veux. Et je t'en voudrais même si c'est Jess qui t'a embrassé...

— Mady... Tu... Je.. "

Je ferme les yeux. Que va-t-il me dire ? J'ai peur de ce qu'il va dire. Je me sens ridicule et rouvre les yeux. Ses joues sont rouges, il est encore plus mignon. Il agrandit la "distance de sécurité". Il finit par se lever et me laisse seule. J'ai dû dire ou faire quelque chose de travers. Qu'est-ce qui m'a pris de lui dire la vérité ? Une larme coule le long de ma joue. Je l'essuie rapidement. Ressaisis-toi ! J'en ai marre que tu pleures tout le temps ! Je sursaute. Cette voix-là je ne l'ai entendue qu'une seule fois dans toute mon existence : quand j'ai perdu ma grand-mère, l'être stable de ma vie. Cette voix est emplie de désespoir. Je frissonne et me lève d'un coup.

J'ouvre la porte et sursaute lorsque je sens deux bras puissants me retenir par la taille.

— Tu crois vraiment que j'allais te laisser comme ça.

Je l'ai peut-être mal jugé finalement mais ça ne l'excuse pas pour autant, il a embrassé Jess. Ses bras me soutiennent et me serrent contre son torse. Sa chaleur me fait frissonner. Comment peut-il incroyablement me décevoir et me rendre aussi heureuse en un rien de temps ? Je vois Hugo débouler dans le couloir... Puis trébucher et s'étaler. Je déteins sur lui. J'étouffe un rire. Le regard noir qu'il me lance me fait pouffer. Je sens le souffle saccadé de Matt sur mon cou, il est à deux doigts de partir dans un rire effréné.

— C'est bon, riez. Je vois que vous en mourez d'envie.

Je ne me retiens pas et me mets à rire franchement, Matt fait la même chose.

Au bout d'un moment, on finit par se calmer et, après de longs regards noirs de Hugo, nous rejoignons Sandrine qui voulait nous dire quelque chose, d'après Hugo. Je glousse en le revoyant par terre dans ma tête.

— Mady, cette discussion n'est pas finie, m'assure Matt en emboîtant le pas d'Hugo.