Chapitre 29

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« Tu es simplement le meilleur côté d'unmauvais truc. » Rock Bottom, Hailee Steinfeld

Evangeline

Je sautai de l'échelle avant de suivre les autres en courant vers la voiture. Claire se trouvait déjà derrière le volant et elle n'attendit même pas que Roy et Seb aient refermé le coffre pour démarrer.

« Qu'est-ce qui s'est passé !? Elle vous a vu ?! »

Je me retournai et posai les yeux sur les deux garçons dans le coffre. Nous explosâmes immédiatement de rire, les autres ne prirent que quelques secondes à nous rejoindre. Ça faisait du bien de rire aussi facilement, en si bonne compagnie après avoir vécu une aventure, même anodine. Nous ne reprîmes notre sérieux qu'une fois sortis du quartier résidentiel, en route pour The Boat House.

« Alors ? reprit Tammy. Racontez !

- Elle est rentrée alors qu'on était dans la salle de bain ! Je suis allé dans la baignoire et Roy et Eva dans un placard.

- Un placard ? répéta Tammy en posant les yeux sur moi. »

Je me trouvai sur le siège passager tandis que Damien et Tammy alternaient les regards entre le coffre et l'avant sur la banquette arrière.

« Premier réflexe, dit simplement Roy.

- Mouai mouai mouai...

- Et vous ? Elle n'a pas vu l'échelle ?

- Ah ! Enfin ! s'exclama Damien en se redressant, se mettant de profil à tout le monde. J'étais en haut ! J'allais rentrer ! Et là je vois de la lumière dans le couloir ! J'ai même pas eu le temps de descendre ! J'ai sauté en gardant l'échelle en main et je me suis ramassée sur le sol ! Et la seule chose qu'elle trouve à faire elle, crit-il en montrant Tammy, c'est mettre sa main sur ma bouche pour que je la ferme !

- Ça aurait été con de se faire cramer comme ça ! se défendit-elle.

- J'ai failli crever !

- Tu surjoues tout ! Vous l'avez ?

- De quoi ?

- Le parfum ! »

Je baissai les yeux sur le petit flacon rose pâle, le détaillai quelques secondes, avant de retirer le bouchon et d'en vaporiser un coup dans la voiture. Une odeur fraiche, faisant fortement penser à de la rose, emplie alors mes narines.

« Juste, qui a vu ma mère ce soir ? demanda Roy. »

J'avais presque oublié qu'elle s'était pointé en tenue légère et suggestive dans la salle de bain. Ça aurait pu faire une bonne intrigue de film d'horreur si nous avions été des tueurs. Damien hocha négativement la tête alors que Tammy me prenait le parfum des mains.

« Non. Mais c'est qui William ? demanda malicieusement Seb.

- William ? répéta Tammy. Comme William Jemlins ? Votre prof' principal ?

- Ne parle pas de malheur ! s'écria Roy.

- Pourquoi ? interrogea Damien.

- Parce que sa mère a crié son nom à travers la maison ! rit Sébastien, ce qui lui valut une tape de Roy. »

Quelques minutes plus tard, Claire gara le SUV devant The Boat House. Alors que tout le monde portait son choix sur des beignets de crabes ou des hamburger accompagnés de frites, nous les filles, nous étions éloignées vers une petite échoppe sur les quais après avoir laissé de quoi payer nos repas aux garçons. Tammy avait alors fait la manche aux côtés de Claire auprès des passants afin de collecter les trois dollars nous manquant pour acheter un large chapeau noir en feutre, elles convainquaient les promeneurs en vendant leur prêt comme un investissement, ce qui les faisait rire. Nous y avions chacune mise de nos fonds, ce qui nous restait. Après que Tammy ait demandé si personne n'avait de poux, le chapeau s'était mis à passer de tête en tête. Il était impossible de le garder plus d'une minute, nous le voulions tous, garçons comme filles. Nous nous étions mis à nous balader sur les quais, croisant quelques promeneurs tardifs, tout en mangeant nos barquettes de fast-food et en nous disputant le chapeau. J'avançais, riais avec eux, Polaroïd au poignet, tout en mangeant une à une les frites de ma portion. Lorsque Damien prit le chapeau avant de se rapprocher de Clair pour l'embrasser, cachés par l'accessoire de feutre noir, j'avais dégainé mon appareil photo, nous fournissant alors de nouveaux souvenirs mémorables et des petits cris indignés et amusés de la part de Claire. Nous nous amusions, nous profitions d'être ensemble, nous vivions de fabuleuses aventures, sans même faire quoi que ce soit de chevaleresque ou de notable dans un best-seller. C'était comme découvrir la vie, jouer un rôle auquel on se prenait agréablement, finissant par accepter qu'il puisse être réel. Je n'avais aucune réserve à prendre le chapeau des têtes des autres, ou à voler quelques frites. C'était comme un banquet que nous partagions. Nous longions les pontons auxquels étaient accrochés des bateaux, seulement éclairés par les lampadaires proches des échoppes.

L'Équilibre d'EvangelineWhere stories live. Discover now