Bonus 7 : Dernier au revoir

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Roses par Jean Michel Blais

« Les couchers de soleil sont la preuve que les fins peuvent être belles elles aussi. » -Anonyme

C'était l'un de ces jours sans nuage, mais venteux. De ces jours où l'on n'avait besoin d'un épais manteau lorsque l'on allait se balader sur la côte. De ces jours où l'on appréciait d'être deux sur cette même côte pour pouvoir se réchauffer l'un l'autre.

Pourtant, cet homme était seul.

Il avait attendu que tous les autres soient partis. Il avait quitté le lieu de cérémonie. Il avait fixé l'horizon. Ses pieds le guidaient à présent dans le sens inverse sur le chemin côtier. Ses yeux ne semblaient pouvoir quitter l'océan. Le vent plaquait les pans de son pardessus noir contre lui. Ses proches lui avaient demandé s'il avait besoin qu'on lui tienne compagnie, mais il avait assuré qu'il avait juste besoin d'être un peu seul.

Aujourd'hui était un jour particulier. Ce n'était pas qu'il l'avait attendu. Il avait toujours redouté ce jour, espéré qu'il n'arrive jamais. Pourtant, nous étions aujourd'hui. Et aujourd'hui, il devait accomplir un rituel, une promesse tacite de longue date. Le genre de promesse que personne ne souhaite tenir.

Ses pas le ramenèrent sur le lieu de la cérémonie. Il passa l'imposant portail rouillé et marqua un arrêt. Il dût prendre une grande inspiration avant de remonter la grande allée. Les jambes raides, la fatigue n'était pas la seule raison pour laquelle il ralentissait. Il était déjà venu, quelques heures plus tôt, mais son cœur s'emballait au fur et à mesure qu'il avançait. Une fois devant la bonne allée, il marqua une nouvelle pause. Il parcourut des yeux les petits édifices uns à uns avant de s'arrêter sur le plus récent d'entre eux. Son cœur se serra. Sa gorge se compressa. Ses yeux le brûlèrent. De sa main libre, il lissa sa cravate.

Il remonta la seconde allée, à petits pas, puis s'arrêta. Ses mains restaient enfoncées au fond de ses poches. Il sourit doucement, approcha d'un pas.

- Bonjour, ma vieille amie.

Une première larme dévala sa joue.

- Evangeline...

Son prénom se perdit dans son souffle. S'il n'avait pas eu besoin d'une canne pour marcher, il serait sûrement tombé à genoux. Il tenta un nouveau sourire.

- Heureusement que tu ne m'avais pas empêché de pleurer dans tes directives. Sinon, je n'aurai pas pu les suivre à la lettre. Je n'ai pas de bouquet, comme promis.

« Quand je mourrai, ne viens pas à mon enterrement avec un simple bouquet de fleurs... »

Son regard s'attarda sur les innombrables fleurs et les quelques monuments en granite.

- Mais tu en as déjà bien assez.

Il repassa sa main sur sa cravate.

- De la même couleur que mes yeux, déclara-t-il sur un ton voulu rassurant.

Il l'avait fait, comme il l'avait promis. Lorsqu'on lui avait annoncé son décès, il était allé acheter une cravate dans les tons bleu vert éclatants. Comme la mer.

- Je n'ai rien dit à la cérémonie. J'ai été comme cette société que tu critiquais tant. Mais maintenant je viens pour te dire au revoir.

Il marqua une pause. Plus il parlait, plus sa gorge se serrait. Il tremblait. Mais ce n'était pas dû à la vieillesse.

- Je sais que tu avais peur d'être abandonnée, mais tu aurais pu ne pas me laisser derrière. Petit diable égoïste, va.

L'Équilibre d'EvangelineDonde viven las historias. Descúbrelo ahora