Renaissance

Partie 31

                   

- Ai-je l'air de rire, me répond-t-il d'un ton extrêmement sérieux.

  Non, bien sûr que non. Ce garçon a décidément un grain.

- Mais il est enraciné.

- C'est le principe d'un arbre.

  Ma main me supplie d'atterrir sur sa face, cependant je la retiens.

- Comme tu voudras.

- C'est l'étape finale. Si tu y arrives, demain seras un jeu d'enfant pour toi.

  C'est parti. Je ferme les yeux afin de me concentrer pleinement. Je l'ai fait un millier de fois ces dernières semaines, pourquoi cette fois-ci ne marcherait pas.

  Peut être parce que c'est un arbre ?

  Non Ambre, tu ne dois pas baisser les bras avant même d'avoir essayé.

  Je plante fermement, mes pieds dans le sol, serre les poings et les paupières. Je dois avoir l'air ridicule ainsi mais c'est la seule façon de faire appel à toute ma force psychique. Je ne prétends pas être une sorcière, j'utilise mes pouvoirs dans le seul but d'éliminer Eurynomos. Après cette histoire je compte bien les reléguer au plus profond de ma mémoire et les oublier à tout jamais. Mais pour le moment je vais utiliser toutes mes forces pour être la plus efficace possible.

  Une chaleur familière prend racine au plus profond de mon corps avant de se rependre. La lumière de la pierre me parvient à travers mes paupières closes. Je cherche l'énergie vitale de l'arbre et ne tarde pas à la trouver. Il dégage une puissance phénoménale. Je tente de le soulever, le vent se lève mais l'arbre ne bouge pas d'un pouce. Des gouttes perlent sur mon front et sur ma nuque mais je ne lâche rien. Je suis sur le point d'abandonner quand soudain je sens l'arbre céder. Un horrible bruit retentit dans toute la forêt, j'espère que personne ne viendra voir ce qu'il se passe.  Je n'ouvre pas les yeux mais j'entends les racines s'arracher du sol. Une forte odeur de terre fraiche envahit mes narines, l'odeur de la victoire.

  Enfin... j'ai parlé trop vite. L'arbre échappe à mes pouvoirs et commence tout doucement à retomber.

  Non. Il est temps de passer à l'étape finale.

  Je visualise l'arbre diminuer jusqu'à devenir aussi grand qu'un grain de sable. J'entends le doux bruit des branches qui craquent. J'ouvre les yeux. J'ai réussi ! L'arbre n'est quasiment plus visible à l'œil nu, il est ensuite très facile de l'enfermer dans mon collier.

- Bravo ! Je suis fier de toi !

  C'est la dernière phrase qui me parvient avant d'être engloutie dans les ténèbres.

  Un mal de crâne affreux m'attaque lorsque j'ouvre les yeux.

- Aie.

- Tu te réveilles enfin ?

  La voix me fait sursauter. Je découvre Ash allongé à côté de moi, sur mon lit, un livre à la main. C'est l'un des romans à l'eau de rose pour jeunes adultes dont je raffole. Je deviens rouge pivoine.

- Tu as de super lectures. Je suis désolé j'ai été un peu indiscret, j'essayais de passer le temps jusqu'à ce que tu daigne enfin ouvrir les yeux.

  Mince que s'est-il passé hier ? Je ne me souviens de rien après l'action avec l'arbre.

- Comment est-ce qu'on est arrivé ici ?

- Je t'ai porté. Tu t'es évanouie après un trop gros effort. Tu t'es littéralement vidée de tes forces. Est-ce que ça va ?

  M'asseoir m'arrache une grimace. Je ne pourrai jamais être opérationnelle ce soir dans cet état là.

- J'ai affreusement mal à la tête.

- Repose-toi aujourd'hui ça devrait aller. Je pense que nous devrons remettre notre petite fête à demain soir.

  Dieu merci.

- Il va bientôt faire jour, je vais être obligé de te laisser. Je reviendrai ce soir pour t'expliquer comment tout va se dérouler. En attendant, au lit. 

  Il dépose un baiser sur mon front et file par la fenêtre.

~

- Ma chérie ?

  La voix de ma mère me sort du sommeil profond dans lequel j'étais.

- Hum... ?

- Désolée de te réveiller mais il est plus de 18h.

  18h ?! Mon Dieu je n'avais effectivement plus aucune ressource.

Puis elle ajoute d'une voix conspiratrice :

- Et un beau garçon t'attend en bas.

  Un beau garçon ? Cette information me fait bondir du lit. Ca ne peut pas être Ash.

- Quel beau garçon ? A quoi ressemble-t-il ?

  Elle s'appuie contre le chambranle de la porte et gratte sa chevelure châtaine faisant mine de réfléchir.

- Grand, blond, gueule d'ange... Dis Ambre, tu n'aurais pas quelque chose à me dire ? C'est à cause de lui qu'on ne te voit plus dans le coin ?

  Ce n'est pas un reproche, bien au contraire, ma mère rêve de rencontrer son futur gendre. Elle risque d'être déçue.