Chapitre 4

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Samedi soir, Marion et Sophie nous rejoignent à la maison, tandis que je suis en train de mater Breaking Bad, sur mon ordi dans ma chambre.

— Tonio, t'es prêt ? hurle Paulo du rez-de-chaussée.

— Ouais ! J'enfile mes Converse et j'arrive.

Après avoir descendu les escaliers, je me dirige vers les deux sœurs en marmonnant un bref "salut". Marion tente de s'approcher pour me tendre la joue, mais je l'ignore. Elles se sont apprêtées pour la soirée. Marion porte sous son manteau ouvert, une robe noire et fluide qui épouse parfaitement ses formes. Elle a souligné au crayon noir, ses yeux bleus pétillants. Sophie a choisi une jupe courte et moulante. Elle a même sorti les talons pour la grande occasion. Son maquillage est plus prononcé. Ses lèvres rouge sang sont prêtes à dévorer mon frère. Elle lui fait le grand jeu, et lui, il mord à l'hameçon.

Nous nous dirigeons vers la voiture pourrie de mon père. Elle a dû vivre une guerre pour être dans cet état. La carrosserie rouge est totalement enfoncée du côté droit et ça ne date pas d'aujourd'hui. Le pare-chocs avant tient avec un fil de fer quant à l'intérieur, ce n'est guère mieux. Le siège du conducteur est complètement usé et la mousse orange s'effrite. Sans oublier que c'est tout juste si on ne voit pas la route à travers le plancher. Pourtant, mon père adore sa vieille 205, qu'il qualifie d'increvable. Il n'en changerait pour rien au monde. Nous avons bien une seconde voiture, toute neuve, dans le garage. Mais celle-ci, personne n'a le courage de s'en approcher.

Sophie s'installe à côté de Paulo à l'avant, tandis que Max, Marion et moi embarquons à l'arrière.

Max vient de passer une heure dans la salle de bains. Son parfum embaume la voiture. Ses cheveux ne risquent pas de bouger malgré le vent qui souffle. Il a probablement vidé toute la laque. Sa chemise bleue est parfaitement repassée et ça me fait penser que j'aurais dû aller lui piquer un polo pour sortir, moi qui n'ai pas changé de T-shirt en trois jours.

Il paraît que nous nous ressemblons, tous les trois... Surtout depuis que j'ai démarré ma croissance à vitesse grand V. En même temps, nous sommes tous bruns aux yeux noirs et bridés, héritage de mon grand-père maternel chinois. Sans vraiment y faire attention, nous avons la même coupe, les cheveux mi-longs légèrement axés sur un côté. C'est notre côté surfeur qui s'exprime, toute notre bande de potes est coiffée ainsi.

— Tu te fais pas remarquer, morveux ! me prévient Paulo.

Il m'affronte du regard dans le rétroviseur et je lui réponds avec un doigt d'honneur. Je reçois aussitôt un coup de genou de la part de Marion et une ultime claque derrière la tête de la part de Max, ce qui a le don de me faire sourire.

Paulo n'a que dix-sept ans et n'a donc pas le droit de conduire. Mais dans notre minuscule village isolé, la probabilité de croiser les flics est vraiment minime. Depuis notre plus jeune âge, nous manœuvrons les engins à moteurs. Nous avons commencé avec le tracteur tondeuse, puis le quad pour passer rapidement à la voiture. De plus, mon père n'a plus de permis depuis qu'il lui a été retiré pour conduite en état d'ivresse. Il n'est donc pas en mesure de nous accompagner.

En arrivant au ciné, je prends l'initiative de payer le billet de Marion.

— Vas-y, je te dois bien ça ! je lui dis en la poussant du guichet. Deux places, s'il vous plaît, et un paquet de Tagada.

Lorsque la caissière se tourne pour attraper les bonbons, j'arrive d'un rapide tour de main à lui piquer deux Chupa Chups. Je me prends aussitôt un tacle sur la tête par Max qui m'a vu faire. C'est alors que la caissière se retourne, nous laissant Max et moi anticiper une attitude normale.

SPEED (Terminé) Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant