Chapitre 42

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Mon frère s'est fait une belle frayeur... Il aurait pu perdre un morceau de doigt, mais au final, le médecin du service des urgences a pu lui regreffer son ongle. Hormis le fait qu'il ne peut pas se baigner durant deux à trois semaines, et donc pas surfer, il s'en sort plutôt bien. J'imagine que cet abruti va facilement se contenter de passer son mois de juillet dans les bras d'Agathe... ce qui me fait bien rager. Et vu sa manière de se comporter avec elle, cet enfoiré n'est plus puceau !

Voyons les choses du bon côté, ça me permet de ne pas l'avoir sur le dos et ce n'est pas négligeable ! A moi la liberté ! A commencer par ma soirée qui a dû être reportée à cause de lui. Jimmy me fait visiter l'immense salle que son père et le conseil municipal de notre commune nous ont allouée. A partir d'aujourd'hui, nous avons notre trousseau de clefs et nous pouvons en disposer jour et nuit à notre guise.

Nous sommes vraiment heureux de ce prêt et une multitude de projets fourmillent dans ma tête pour l'occuper, alors que Jimmy est déjà en train de remplir le frigo de divers sodas et boissons alcoolisées.

— Tu m'avais pas dit que ton vieux fournissait le bar ! je lui fais remarquer.

— T'es con ! C'est Ashton qui est passé porter tout ça !

— Cool !

Je continue de faire le tour du propriétaire pendant que mes potes commencent à arriver. La salle est toute tapissée de lambris en bois, on se croirait dans un chalet immense qui peut facilement contenir une centaine de personnes.

Il y a un très grand comptoir qui sert de bar et une minuscule salle adjacente qui ferme à clé et dans laquelle se trouvent un vieux canapé et des fauteuils.

— C'est la salle pour la fume, m'indique Jimmy en me désignant toute sa collection de narguilés et pipes.

— Fais quand même gaffe avec la fumette, tout est en bois ici ! Un mégot et tout flambe !

— C'est pas toi qui va me faire la morale sur les conneries, s'esclaffe-t-il quand Dakota franchit la porte d'entrée.

Jimmy s'arrête aussitôt de rire en l'observant s'approcher de moi. Il me fusille du coin de l'œil, mais se garde de dire quoi que ce soit en nous voyant nous faire deux bises.

— Vous venez m'aider ? nous demande-t-elle, j'ai toute la bouffe pour ce soir dans la voiture de papa...

Nous nous retrouvons rapidement une bonne quinzaine de lycéens à bouffer et picoler tous ensemble. La soirée est largement alcoolisée, et mes frères étant absents, je n'ai aucune limite. Dans le pire des cas, je squatterai le canapé jusqu'à demain matin si je ne suis pas en état de rentrer. L'ivresse me va plutôt bien et j'ai l'alcool gai. J'aime me sentir euphorique et je ris tout le temps.

Nous sommes tous ensemble et j'oublie toutes mes envies perverses concernant Dakota. Je souhaite juste déconner et le monument aux morts éclairé par les spots municipaux me nargue depuis tout à l'heure. Le drapeau sur le mât voisin me lance de nombreux appels au gré des coups de vent. La bannière tricolore s'agite vers la droite, et de loin, le rouge et le bleu ont quasiment disparu. Seul le blanc rendu fluorescent par la lumière artificielle vole dans la nuit. Il faut absolument que j'aille voir ça de plus près...

— Tu vas où ? me demande Dakota en me voyant franchir la porte pour me diriger sur la place publique.

— Pisser, tu veux venir tenir Popol ?

— Non, merci ! refuse-t-elle rapidement en vérifiant que son frère n'a pas entendu ma proposition indécente. Je préfère t'attendre.

Il fait encore chaud et la pleine lune brille au milieu du ciel étoilé. Après m'être soulagé contre l'église, j'affronte ce putain d'étendard patriotique. La Marianne du monument aux morts m'expose sa poitrine et ce manque de délicatesse me donne l'idée du siècle.

Je descends le fanion français de son mât et le roule en boule pour le coincer sous mon bras. Puis j'escalade difficilement la statue qui trône au milieu du massif fleuri. N'ayant aucune prise pour grimper, j'ai beaucoup de mal à atteindre Marianne et son sein à l'air. Délicatement, je la prends dans mes bras. Elle est belle et fait quasiment ma taille. Je lui colle un bisou sur la bouche et lui murmure en l'habillant ma tirade préférée de Molière (Le Tartuffe) :

Couvrez ce sein, que je ne saurais voir.

Par de pareils objets, les âmes sont blessées,

Et cela fait venir de coupables pensées...

Après l'avoir recouverte de sa robe tricolore, je lâche ma Marianne pour sauter au milieu du parterre de géraniums et je rejoins mes amis qui ne se sont rendu compte de rien.

La soirée se passe sans événement majeur. Je garde mes distances avec Dakota, il ne faudrait pas qu'elle s'imagine que je la kiffe. Je sais que quoi qu'il arrive, elle va craquer et venir vers moi. Il suffit juste d'être patient et moi, j'adore jouer à ça.

Couché vers six heures ce matin, dans un état plus que lamentable, je suis réveillé en plein rêve érotique par la voix de mon père qui gueule mon nom dans l'escalier. Bordel de merde, il peut pas me foutre la paix...

— Tonio, si tu ramènes pas tes fesses de suite, tu vas en chier jusqu' à la fin des vacances ! menace-t-il.

Ok, pas le temps de calmer Popol, ni d'enfiler un T-shirt, je descends en boxer, tout en m'accrochant à la rampe de l'escalier pour ne pas trop tituber.

— Allo !

Je salue mon père et Max qui se marre derrière lui.

— Tas foutu quoi hier soir ? m'attaque-t-il direct.

J'essaie de remettre dans l'ordre les moments de la soirée : l'alcool, la fume, l'alcool, la fume, l'alcool, Dakota, la fume, l'alcool... Une soirée tranquille, plus que normale...

— Rien ! j'avoue sans certitude.

— Menteur ! se fout de ma gueule Max en jetant un coup d'œil par la fenêtre.

Je suis lentement la direction de ses yeux pour traverser le carreau de la vitre et découvrir le Maire et son premier adjoint grimpé sur une échelle pour décrocher le drapeau national.

— Ah, ça ? je réfléchis à voix haute, un peu inquiet.

— Ouais, ça ! approuve mon père furieux. Comme tu dis !

— Je vais tout t'expliquer...

— Tu as tout ton temps pour le faire ! me prévient-t-il. Pas de surf ni aujourd'hui ni demain ! Dégage dans ta chambre !

SPEED (Terminé) Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant