Chapitre 6

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Le trajet du retour est assez silencieux, Marion est collée à sa portière, aussi loin que possible de moi et regarde par la fenêtre. Je n'ose pas broncher.

— Je te ramène à la maison, m'annonce Paulo en se retournant rapidement.

— Et toi ?

— Je dors chez Sophie !

— Moi aussi, je lâche en regardant Marion.

— Je crois pas, non, dit-elle simplement.

— Tu ne dors pas avec Marion, papa a été clair là-dessus !

Je ne veux pas rentrer chez moi, nous sommes samedi soir, il est vingt-trois heures passées, mon père a dû se mettre la tête à l'envers. Max n'est pas là, Paulo dort chez Sophie, je ne veux pas entendre mon père pleurer toute la nuit, merde ! Je n'aime pas le voir dans cet état. Il me fait peur et je commence à angoisser à l'idée de me retrouver seul avec lui.

— Je rentre pas !

— Tonio, me fais pas chier ! J'ai été sympa, je t'ai emmené au ciné ! me répond Paulo qui commence à être à bout.

Je me penche vers mon frère pour le supplier :

— Papa va encore être bourré ! S'te plaît, Paulo, me ramène pas !

Marion, lève la tête et souffle. Sophie reste silencieuse et je sens mon frère réfléchir en me jetant des petits coups d'œil dans le rétroviseur. Je n'exagère rien et Paulo le sait.

— Je vous ramène ! annonce-t-il enfin à Sophie sans la regarder.

Je me renfonce dans mon siège, soulagé, mais Marion qui est toujours contrariée finit par m'accuser :

— Salaud, tu te sers de ton père pour gagner le pari ! chuchote-t-elle.

— Quel pari ? je la questionne.

— J'avais dit ce soir pour Sophie et Paulo !

— Je te jure que ce n'est pas pour ça !

Paulo dépose Sophie et Marion devant chez elles sans s'attarder, ce qui est assez surprenant, puis il se gare chez nous.

La lumière est allumée dans notre maison située en plein centre du village. En descendant de la voiture, je traîne un peu, repoussant au maximum le moment d'affronter l'image de mon père paumé. Sous le ciel étoilé, nous fumons une clope silencieusement. Appuyés contre le capot, Paulo passe son bras autour de mon cou pour m'aider à avancer dans le noir. Bien que je n'aime pas qu'il me câline comme si j'étais un petit garçon, je me laisse faire.

Bob Marley nous indique que c'est reggae night ce soir. Mon père est pieds nus dans le jardin. Ses cheveux longs de surfeur des années 80 lui tombent sur les épaules. Il tient tant bien que mal un verre de punch à la main et se trémousse au son de la musique avec le voisin, Gary, le poivrot du village.

Paulo me pousse à l'intérieur de la maison et mon père ne nous remarque même pas. Alors que je l'attends dans l'escalier, mon frère passe par le bureau pour baisser un peu la musique qui sort des enceintes.

— Monte, m'ordonne-t-il.

— Tu fais quoi ?

— Je vais ranger les bouteilles pleines, sinon on est bons jusqu'à huit heures du mat' ! Va dormir.

En entrant dans ma chambre en bazar, je retire mon T-shirt et mon jean, puis je me couche dans mon lit. Je commence à surfer sur mon ordinateur en pensant à Agathe et à Marion, quand mon père débute ses jérémiades sous ma fenêtre. Mon volet est fermé et il est là, ivre, à hurler le prénom de ma mère.

SPEED (Terminé) Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant