Chapitre 60

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À force de sortir toutes les nuits pour déconner dans le camping, mes frères commencent à être vraiment crevés. Ce soir, j'ai du mal à les motiver pour se bouger le cul et rejoindre notre petit groupe. De plus, Paulo vient de plaquer sa deuxième meuf et il n'a pas envie de la croiser car elle a du mal à le lâcher.

— Allez les gars, juste un tour !

J'insiste alors que mes deux frères n'ont pas bougé d'un millimètre depuis ma dernière supplication une demi-heure plus tôt. Max se languit d'Agathe, il est vraiment accroc malgré la distance. C'est amusant de l'entendre lui souffler des mots d'amour à longueur de journée. Quant à Paulo, il veut laisser passer la soirée pour repartir chasser demain. Mais je ne compte pas dormir si tôt et je persévère dans mon idée. Je pourrais sortir tout seul, cependant je dois avouer que j'apprécie quand on est tous les trois. Nos escapades nocturnes génèrent entre nous de plus en plus de connivence.

— Minuit trente, on y go ?

— Non, elle va me casser les couilles ! refuse catégoriquement Paulo en s'allumant une clope et en mettant ses oreillettes pour lancer une série sur sa tablette.

Paulo me désespère avec ses copines. Il embrasse la fille le premier soir, il la baise le deuxième et il la jette le troisième... Il m'énerve de toujours arriver à ses fins avec tant de facilité.

— T'avais qu'à pas la pécho ! je lui reproche en lui jetant ma paire de chaussettes sales dans la tronche.

— Fais pas chier, petit con ! Je te la laisse, va la pécho !

Il reste concentré sur sa série et me rebalance les chaussettes avec beaucoup de puissance. Je les réceptionne aussitôt en ripostant :

— Je prends pas tes restes, trou du'c !

— Tu disais pas ça l'an dernier avec Véra, intervient Max qui est allongé sur le dos.

Il vient de clôturer sa communication avec sa tendre amoureuse et il ouvre sa toile de chambre pour admirer notre début d'engueulade.

— Ta gueule, Max ! je réplique en lui balançant mes chaussettes. Àl'époque, j'étais puceau !

— Arrête, mytho ! me coupe Max en me retournant les chaussettes. Tu l'es encore !

Au moment où Paulo jette sa clope à l'extérieur de la tente, j'aperçois deux ombres qui se rapprochent de nous. La nuit est plutôt calme, aucun bruit de voisinage ne se fait entendre, mis à part le chuchotement de mon nom.

— Tonio ?

Intrigué, j'échange un regard avec mes frères, puis je me redresse et je passe la tête en dehors de la toile pour découvrir Eva et Claire, toutes les deux intimidées. Je siffle assez fort pour les interpeller. Aussitôt, elles s'avancent vers moi. Je remarque qu'elles se sont habillées, ça me change de les voir en maillot de bain tous les matins. Eva a mis une petite robe colorée, nouée sur sa nuque. Je suppose qu'elle a le dos nu et je la trouve vraiment très belle. Elle s'est maquillée, pas trop, mais suffisamment pour que je remarque ses yeux dans la pénombre.

— Ouais ? je réponds en me questionnant sur leur présence.

— C'est qui ? me demande aussitôt Paulo qui a repéré Eva.

Évidemment, préparée comme elle l'est, elle fait plus vieux que son âge, et c'est tout à fait au goût de mon frère.

— Ça te regarde pas, trou du'c !

Je le calme direct par un lever de majeur dans mon dos.

— Tonio, je peux te parler ? me sollicite Claire à qui je n'ai encore accordé aucun regard.

— J'arrive !

J'enfile mes New Balancepour rejoindre au plus vite les deux filles avant que mes deux frères ne se décident à taper l'incruste.

Nous longeons tous les trois en silence le chemin goudronné, pour nous éloigner de l'emplacement du mobil-home de ma tante qui reste éteint. Je ne sais pas trop ce qu'elles me veulent, mais je suis tellement curieux que je ne peux pas attendre plus longtemps pour m'enquérir de la suite.

— Alors ? Il se passe quoi ?

— Oh, pas grand-chose, se défend aussitôt Claire. Eva voulait te voir !

— Ah !

Je suis un peu surpris, surtout après le râteau qu'elle m'a mis dans la piscine et que j'ai encore du mal à digérer. Je me tourne vers l'adolescente qui semble gênée. Elle détourne son regard et joue avec une mèche de cheveux. Puis elle tente de se justifier pour interrompre les futures révélations de son amie. Elle se met à balbutier un charabia incompréhensible quand Claire s'agrippe à moi pour m'entraîner sur un banc de l'allée. Nous nous retrouvons tous les deux isolés.

— Ok ! Tonio, je peux te parler tout seul ?

— Euh, oui ? j'approuve en m'asseyant à côté d'elle.

Eva continue sa route seule sur le petit chemin lugubre ; je l'observe s'éloigner lentement de nous, ses bras le long du corps, avec une démarche quelque peu embarrassée.

— En fait, Eva te kiffe depuis le début !

— On dirait pas ! Elle m'a friendzoné en beauté, et même plus que ça !

Alors qu'Eva a disparu de mon champ de vision, je me retrouve en tête à tête avec sa pote qui tente de m'expliquer qu'en vérité, Eva est morte de trouille car elle n'a jamais embrassé de mec.

— Ce matin à la piscine, elle a paniqué... me dit-elle.

— Ah !

Je suis médusé par la confidence. Je m'attendais à tout sauf ça. Bah oui, on y revient : Eva est une 2003, une de ces filles à qui il faut tout enseigner, alors que moi, je ne cherche que des meufs expérimentées qui pourraient m'apprendre...

— Mais en vrai, elle a vraiment envie de sortir avec toi !

— Ok !

J'approuve bêtement sans vraiment savoir ce qu'elles attendent de moi. Enfin si, je suis en train de comprendre qu'elles sont venues me chercher pour que j'offre à Eva son premier baiser. Bordel, c'est bien ma veine de tomber sur une 2003...

— Donc tu vas sortir avec elle ?

Sortir avec elle ? Non, mais comment lui expliquer que moi, Tonio, je ne sors jamais avec personne... Que je cherche juste une meuf pour finir de me dépuceler !

— Oui ! Elle est où ?

Dans quelle galère, je vais encore me foutre ? Moi, le grand romantique, comment je vais bien pouvoir embrasser Eva sans la traumatiser à vie ?

— Sur le muret, juste là, m'indique Claire.

— Ok, je vais la voir ! 

SPEED (Terminé) Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant