Chapitre 12

16K 1.3K 432
                                    

En arrivant au lycée, j'aperçois les gendarmes sortir du bureau du CPE. J'imagine immédiatement les emmerdements à venir. Comme si de rien n'était, je me rends dans ma classe. Tous les regards se tournent vers moi. Mon problème de cleptomanie n'est un secret pour personne. Mais ce qui les perturbe, c'est que je fais toujours mes sales coups tout seul. D'ailleurs, je n'ai même pas réfléchi à ce que je vais bien pouvoir foutre de ce téléphone. Ce qui est sûr, c'est que je ne peux pas le garder ni m'en servir. Si je l'utilise ça confirmera les soupçons.

Les gendarmes s'introduisent dans la classe pour nous faire un petit discours sur la faute avouée, faute à moitié pardonnée. Mais ce n'est pas valable pour moi, non, je ne craque jamais !

— Nous allons vous recevoir à tour de rôle dans le bureau du CPE. Veuillez nous rejoindre par ordre alphabétique !

Marion me jette un regard paniqué, et je lui fais un clin d'œil. Mais cela ne suffit pas à la calmer...

En me dirigeant vers le bureau du CPE, escorté par un gendarme, je croise Marion qui en sort. Le regard que j'échange avec elle et son haussement de sourcils me font comprendre qu'elle n'a rien dit. Mon amie ne me trahit jamais, et elle a mis sa rancune de côté pour protéger le petit con que je suis.

Je rentre donc sereinement dans la pièce. Le CPE est assis derrière son bureau. Ses lunettes enfoncées sur ses yeux. Il me dévisage en tapotant nerveusement son stylo sur le bureau noir. Je suis impressionné par les moyens qu'il met en œuvre pour retrouver son téléphone. Je déglutis et enfonce mes mains dans mes poches pour ne pas lui montrer que je suis impressionné. Le soleil tape sur la vitre du bureau et m'aveugle, m'obligeant à plisser les yeux pour y voir clair. Les rayons plongent directement sur moi et me je sens à nu.

Monsieur Moreau est à contre-jour et m'observe, encadré de deux autres gendarmes. Le premier immobile, droit comme un piquet, me fusille du regard alors que le second se balade un peu partout dans la pièce, détaillant notamment les photos personnelles du proviseur sur la grande étagère.

— Asseyez-vous, Tonio, dit-il en m'indiquant un fauteuil bleu nuit dans lequel je m'affale.

Je choisis de prendre cet entretien comme un jeu. Ça va m'éviter de monter en pression et me permettre de rester détendu. Je vais la jouer comme au "quitte ou double" ou "ça passe ou ça casse".

— Tiens-toi bien, jeune homme, m'ordonne un des gendarmes en me tapotant le dos.

Il marche comme un cow-boy et ressemble à Lucky Luke. Je me redresse dans le fauteuil sans quitter le regard du CPE qui est installé de l'autre côté du pupitre. Nous sommes face à face, au centre de la pièce envahie d'étagères pleines de dossiers.

— Tu vas nous raconter ton intercours d'hier quand tu es allé au laboratoire, s'il te plaît, me demande Lucky Luke sévèrement.

— Je suis sorti de la classe, j'ai traversé le couloir et j'ai rejoint le laboratoire, je lui relate en prenant soin de ne pas m'étaler sur les détails.

— Ok, tu étais le dernier à sortir de la classe ? m'interroge un gendarme qui se prend pour un chef.

Il parle sèchement et avec autorité mais il a un tic qui me fait sourire : il se caresse la moustache du bout des doigts.

— Ouais !

— Oui, monsieur ! me reprend-il en se plaçant derrière moi pour poser sa main sur mon épaule, comme un méchant shérif.

— Oui, monsieur ! je répète en articulant exagérément.

Pour l'instant, tout va plutôt bien pour moi, je contrôle parfaitement le jeu. Mais à quatre contre un, la partie est loin d'être gagnée. Je ne suis pas inquiet. Je m'imagine au Far West, entouré de cow-boys qui veulent m'arracher la langue, si je n'avoue rien. Je suis plus têtu qu'une mule. J'ai fait mon coup tout seul, comme un grand, et même sous la torture, jamais je n'avouerai...

SPEED (Terminé) Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant