chapitre 2 : Les yeux captifs

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Je me réveille tous les matins à 5h30. Vous devez vous dire que c'est tôt, mais je dois me laver, préparer le petit déjeuner avant d'aller réveiller mon cousin et ma cousine, les faire manger, les habiller et les emmener à l'école qui se trouve tout en bas de la favela.


Une fois que j'ai déposé Maya et Matéo, je vais au travail.

Je travaille en tant que runner dans un restaurant du centre de Mexico. C'est le genre de restaurant où vous payez 150€ pour une assiette de pâtes carbonara. Habituellement, les personnes venant des favelas ne peuvent pas travailler dans des endroits prisés comme celui-ci, mais étant française, j'ai réussi à décrocher un poste. Les journées sont dures et je n'ai pas souvent de repos, mais au moins je gagne de l'argent. Le salaire n'est pas médiocre, mais je ne suis pas payée des millions, juste assez pour vivre décemment et économiser un peu pour partir.


Aujourd'hui, il y a beaucoup de monde et je vais en cuisine pour donner un coup de main.

Luis : Hey, comment vas-tu ma belle ?

Moi : Bien, et toi ?

Luis : Bien. Tu peux me passer le sel qui est derrière toi et préparer des pâtes à la carbonara.

Moi : Oui.

Je commence à cuisiner lorsque Lina, la chef de rang, m'appelle pour retourner à mon poste. Les assiettes et les boissons ne vont pas jusqu'aux tables toutes seules.

Lorsque je sors des cuisines, je vois un homme grand, à la carrure imposante, entouré de quatre hommes tout aussi imposants. Mais lui est différent, quelque chose émane de lui qui impose le respect, mais la peur que je ressens se fait sentir dans tout mon corps, et cela sans connaître cet homme. La peur des gens qui m'entourent ne me rassure pas le moins du monde. Tout le monde s'est arrêté pour le regarder, un silence pesant s'est installé dans la pièce. On peut lire dans leurs regards la peur, peut-être même l'effroi qu'ils ressentent à la vue de cet homme. Comment un seul homme peut-il faire trembler tout ce beau monde ? Pourtant, d'habitude, cette pièce est remplie de rires, mais là, rien. Rien d'autre que le silence comme fond sonore.


Je fixe l'homme qui attire tous les regards et les chuchotements discrets. Je peux vous dire que personne n'ose parler plus fort que l'autre.

Il a les yeux d'un bleu clair, presque transparent, des cheveux mi-longs bruns (je vous mets une photo en bas parce que je n'arrive pas à décrire la coupe), et des tatouages sur le cou ainsi que sur les mains. Son regard si clair est pourtant si sombre ne présage rien de bon. Ces beaux yeux ne révèlent que des horreurs. Son regard, lorsqu'il se pose sur moi, n'annonce que des malheurs, du moins c'est ce que je crois. Et puis, après que la peur a quitté mon corps et que l'adrénaline l'a remplacée, j'ai vu aussi, peut-être, bien caché, une pointe d'une lueur que je connaissait mais qui ne m'était pas destinait, du moins pas maintenant. Il me fixât, moi, la seule personne qui n'avait pas baisser les yeux et qui était droite devant lui. Jusqu'alors, il avait continué à marcher mais il s'est arrêté pour mieux m'analyser. 


Je mentirais si je disais que je n'avais pas peur de cet homme, mais quelque chose me fit penser que rien ne m'arriverait. Pas parce qu'il me protégerait, mais parce que j'étais insignifiante, pas assez importante pour avoir des problèmes. Une figurante, pour ainsi dire. Son regard en disait long. Il ne m'avait vu et regardé que parce que je détonnais des autres, rien de bien particulier. Pourtant, aucun de nous deux ne détourna le regard. Je ne suis pas quelqu'un qui baisse les yeux, et je devrais peut-être parfois, mais si il y a quelque chose que je sais, c'est que l'aplomb en dissuade beaucoup. Détourner le regard ne leur donne qu'un sentiment de supériorité que je n'aime pas leur donner.

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