Chapitre 6

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There's a storm a'comin, it's riding down on me ;
there's a change a'yonder, can't ya see


Devlin était debout depuis l'aurore ; il avait fini par sortir de sa chambre, et il avait été courir dans l'aube encore brumeuse, au milieu de la forêt qui bruissait des sons du matin. Sa cheville avait d'abord été raide, comme souvent à son réveil, mais elle était vite revenue à la vie. Plus rapidement que d'habitude, lui avait-il même semblé. A son retour au motel, il aperçut Charlie qui fumait, accoudé à la balustrade du deuxième étage. Le jeune homme lui adressa un salut de la main lorsqu'il arriva dans la cour.

Le marshal monta les marches d'un pas tranquille mais allégé par son footing matinal. En s'approchant de son ex-passager, il nota que ce dernier semblait plus calme que la veille.

- Vous étiez vraiment drogué, hier ? lui demanda-t-il en s'essuyant le visage avec l'épaule de son t-shirt.

- Bonjour à vous aussi, marshal.

- Vous ne vous rendez pas service.

- Je n'aime pas quand les choses sont trop faciles, rétorqua Charlie avec un rictus amer.

- Qui c'est, ce type, Jesse ? Et c'est quoi cette histoire de passage à tabac ? Ça a un rapport avec ce cocard que vous trimballez depuis hier ?

- Tant de questions, marshal ! Ça ne devrait pas m'étonner, vous en avez un stock inépuisable.

- Comment vous sauriez ça ?

- Je le sais, c'est tout.

- Vous êtes agaçant, Charlie. Vous ne vous êtes jamais dit que si vous faisiez des efforts pour maîtriser ça, vous auriez sensiblement moins d'ennuis avec les gens ?

- Merci, vous avez illuminé ma vie de nouvelles possibilités ! Arrêter de me faire détester, comment n'y ai-je pas pensé plus tôt. Vingt-neuf ans à chercher la réponse...

- Oh, ne prétendez pas que vous essayez. La seule fois où je vous ai vu faire un effort, c'était avec ce type, Louis Prideaux.

- Mon instinct de survie est très présent, contrairement à ce que certains pensent, marshal. Je sais très bien qui craindre ici. Enfin, je le savais... J'avoue que Jesse, là, ça m'a un peu tiré le tapis de sous les pieds. Merde, je ne suis quand même pas parti depuis si longtemps, pourtant. Son frère était une putain de terreur, mais lui... Franchement, c'était un brave type. Et c'était mon pote, quoi.

Il baissa la tête et regarda longuement sa cigarette qui se consumait toute seule, laissant échapper des volutes grises dans l'air frais du matin.

- Plus maintenant, apparemment, compléta Devlin.

- Ah, vous avez remarqué aussi ?

- Rangez l'ironie défensive une minute et essayez de considérer la situation. A quel point ce Jesse peut être dangereux ?

- Je ne vous ai pas attendu pour faire un point. S'il a vraiment remplacé son frère, c'est plutôt merdique pour moi, voilà la situation.

- Merdique comment ?

- Merdique comme, c'est le chef de tous les types bêtes et méchants du coin - et ils sont majoritaires. Tout le monde a probablement peur de lui, et s'il fait passer le mot que je suis persona non grata dans les parages, il sera pris au sérieux.

- Comment vous allez trouver un boulot ?

- C'est toute la question.

- Vous pensez que Jesse peut vraiment empêcher qui que ce soit de vous embaucher ?

Les Échos du bayouWhere stories live. Discover now