Chapitre 10

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DEUXIÈME PARTIE : HOODOO RATTLE

Something wicked this way comes


Chapitre 10

Well we're all half-crazy, and half clear as a bell ;
half believer, half goin' to hell



Le samedi de la finale à Ferriday s'annonçait comme une journée magnifique.

Le ciel était déjà d'un bleu limpide le matin lorsque Kay rejoignit la famille Prideaux devant leur maison. Les deux hommes étaient prêts et occupés à charger des glacières dans le pick-up de Jesse, le chien leur tournant autour avec agitation. Arthur était là aussi, assis sur les marches ; il jouait tout seul avec une balle de baseball, une casquette un peu grande pour lui enfoncée sur le crâne.


— La météo a dit qu'il ferait ce temps toute la journée, commenta Jesse après un échange de salutations. Espérons qu'ils se plantent pas.


Le thermomètre avait accusé une chute bienvenue la veille, rendant le soleil bien plus agréable pour tout le monde. Prudente cette fois-ci, Kay avait remis la main sur une casquette blanche dont elle se servait au tennis ou lorsqu'elle allait faire de la voile avec Sebastian. Elle se félicita d'avoir pensé à l'emmener.


— On est parés. Firefly ! cria le garagiste en direction de la maison. Dépêche-toi, on attend plus que toi !


L'interpellée ne se manifesta pas dans les cinq minutes qui suivirent ; son mari commença à faire les cent pas en grommelant et en vérifiant régulièrement sa montre. Kay s'était assise sur les marches du porche à côté du petit garçon, qui jetait sa balle en l'air avant de la rattraper, et ainsi de suite. La jeune femme se fit la réflexion que c'était l'enfant de cinq ans le plus calme et le plus solitaire qu'elle ait vu jusqu'ici.


— Ça va, Arthur ?

— Oui, répondit-il tranquillement.

— C'est ta balle, tu joues au baseball ?

— C'est celle de papa. Il va m'apprendre.

— Et le football, ça te plaît ? Tu es content d'aller voir le match ?

— Oui, oui.


En étant si proche de lui, Kay remarqua pour la première fois une cicatrice qui lui barrait le sourcil droit presque à la verticale. Le bleu éclatant de ses grands yeux la frappa une nouvelle fois. C'était vraiment la copie conforme de ceux de son père biologique. Sauf pour leur forme en amande qui, avec sa fossette au menton, portait très clairement la marque des Prideaux. Il ne pouvait renier aucun des deux côtés.


Alors qu'ils attendaient en silence, la jeune femme pensa une énième fois à ce qu'elle avait fini par classer comme un cauchemar vaguement hors du commun. Il lui avait paru si réel et elle s'en rappelait si bien qu'il était difficile de le chasser complètement de ses préoccupations. Cela dit, ça faisait deux jours et elle n'avait pas réitéré l'expérience ; du moins pas qu'elle s'en souvienne. Il était peut-être temps de classer le dossier.

Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de songer aux paroles de Louis à propos de cette maison. Y avait-il réellement d'autres gens comme elles, et qu'avaient-ils vu au juste ?

Les Échos du bayouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant