Chapitre 7 partie 1

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Reach out and touch faith



Devlin fut réveillé par la sensation d'une main glacée qui lui étreignait le cœur.


Il resta quelques minutes sur son lit, le cœur battant, à essayer de se situer dans l'espace-temps. A travers le grillage étroit de la moustiquaire, il discernait les premières lueurs froides de l'aurore. Le reste revint lentement et ses rêves refluèrent dans les limbes. Il était certain d'y avoir croisé le marshal Keener. Ainsi que l'adolescent qui l'avait tué. Et lui-même, qui tirait en sachant qu'il était déjà trop tard, mais qui tirait quand même.

La fraîcheur nocturne vint sécher la sueur sur sa peau. Par la fenêtre ouverte, il entendait le léger bruissement des arbres et les hululements feutrés des hiboux. Rien d'autre, réalisa-t-il. Le silence. Juste le silence.


Après une heure passée à essayer de se rendormir en vain, il enfila ses vêtements de jogging et partit courir dans la forêt caressée par l'aube. Sa cheville s'assouplit encore plus vite que la veille, malgré l'humidité ambiante. L'atmosphère devint plus visqueuse à mesure qu'il s'approchait du bayou ; la végétation plus dense, les odeurs plus prenantes. A nouveau, il fut frappé par le silence qui l'entourait, meublé seulement par les pépiements optimistes des oiseaux. Tupelo n'était pas une ville immense, mais elle n'en restait pas moins une ville, où les sons et les sensations ne faisaient qu'accroître son malaise existentiel.

Il se sentait bien ici.


Pour une raison obscure, il se sentait presque chez lui.



*



Cinq jours qu'il était arrivé à Bridgeville, réalisa Devlin ce matin-là au moment de se changer. Ce fut le contenu de son sac de sport qui lui rappela cette évidence : il n'avait emporté que quelques affaires car il se croyait parti pour deux jours maximum. Il était temps de faire un peu de shopping s'il voulait encore se montrer en public.

Il avait repéré que la grande ville la plus proche était Ferriday, à une vingtaine de minutes en voiture. Retrouver la civilisation lui fit un drôle d'effet, en partie parce qu'elle ne lui avait pas manqué. Il s'acheta quelques fringues supplémentaires, se promena, déjeuna sur la terrasse d'une steakhouse en plein centre. Il faisait chaud ici aussi, même si la météo annonçait que ce prélude de canicule serait bientôt derrière eux. L'air était cependant plus sec qu'à Bridgeville où la proximité du bayou saturait régulièrement l'atmosphère d'une humidité poisseuse bonne à décoller les papiers peints.


Peu habitué à être désœuvré, Devlin se trouva rapidement à court de solutions pour occuper sa journée. Il remonta la rue principale à pied, espérant trouver une idée sur le chemin. Il ne trouva pas d'idée, mais une chapelle baptiste.


Il aimait les intérieurs d'église. Ça provenait peut-être de son éducation catholique, ou bien juste de son goût pour le calme. Mais ce n'était pas seulement le silence étouffé qui caractérisait ces lieux ; c'était le puissant sentiment de sacré qui en émanait, même pour les non-croyants. Contrairement à l'église baptiste de Tupelo, un grand édifice de briques à l'atmosphère feutrée, celle-ci était de taille modeste et presque toute sa devanture était percée de fenêtres. Au lieu de se replier dans l'obscurité, la salle baignait donc dans la lumière du jour qui allait frapper jusqu'à la croix tout au fond.

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