Insaisissable

Chapitre 8

Félix tournait en rond dans sa chambre en proie à l'insomnie. Son entretien avec le commissaire en charge de l'enquête sur Eve c'était bien passé mais ce n'était pas ce qui le tracassait. Il ne savait pas s'il devait appeler Eve pour lui en parler. Il ne savait pas non plus si la jeune fille allait bien. Il redoutait d'appeler, craignant troubler son amie.

Il se remémora une énième fois ce qui s'était passé, espérant trouver une faille dans le jeu de son adversaire. C'était quand il était sorti du bureau du commissaire. Il s'était retrouvé devant un policier d'une trentaine d'année, brun, avec une petite barbiche. Un homme ordinaire, en somme.

‒ Je vais être clair avec toi, mon garçon. Je t'ai reconnu. Tu vas m'aider à la retrouver.

Félix sut à qui il parlait. C'était la taupe qui avait menacé Eve.

‒ Je ne vois pas de quoi vous parlez, monsieur.

‒ Bien sûr que si. Tu étais avec elle, quand elle a cassé la fenêtre, vous êtes complices. Nous te laisserons tranquille si tu nous dis tout ce que tu sais.

‒ Vous devez vous tromper de personne.

L'homme le lâcha avec une mine sombre. Il était clair qu'il ne s'arrêterait pas là. Dès son retour, il avait appelé Amina pour apprendre que celle-ci n'avait pas été interrogé. Ce fut un soulagement pour Félix, qui craignait encore qu'elle révèle à la police pour le téléphone.

Les heures tournaient et comme Félix ne trouvait toujours pas le sommeil, il décida de se lever. Après un bref petit déjeuner, il partit de chez lui, son sac sur le dos. Il était encore tôt, donc il décida d'aller à la rencontre d'Amina, plutôt que d'aller directement au lycée.

Il fit tout le trajet à pied et il arriva devant l'immeuble de l'algérienne alors qu'elle en sortait.

‒ Félix ? Qu'est-ce que tu fais là ?

‒ Je me suis réveillé tôt ce matin, comme j'étais pas mal en avance, j'ai décidé de venir à ta rencontre.

La jeune fille se contenta d'hocher la tête. Elle était aussi belle que d'habitude, mais ses yeux rouges trahissaient son manque de sommeil. Elle aussi était inquiète. Ils prirent le bus en silence pour se rendre au lycée. Au changement de bus, le garçon surprit son amie à regarder la rue, dans l'espoir de voir Eve se montrer.

Félix ne pouvait pas lui dire le danger qu'encourait cette dernière. Il ne voulait pas la rendre plus inquiète encore, ni la mettre elle-même en danger. Mais la voir ainsi dans l'ignorance le rendait coupable. Il se contenta de lui passer un bras rassurant autour des épaules.

‒ J'espère qu'elle va revenir vite... Dit-elle sans détourner les yeux de la rue.

‒ Ne t'inquiètes pas. Fais-lui confiance.

‒ ... Elle m'a dit la même chose au téléphone, mais je ne peux pas m'empêcher d'imaginer le pire...

‒ Elle est forte, elle s'en sortira, je ne le dis pas seulement pour toi, c'est ce que je veux croire.

Le bus arriva enfin et, un quart d'heure plus tard, les déposait au lycée. Quelques journalistes étaient là et les deux amis se faufilèrent dans la foule, heureusement sans se faire remarquer. Dans l'enceinte de l'établissement cependant, l'ambiance n'était pas meilleure. Les élèves les dévisageaient, chuchotaient. Ils se sentaient plus seuls que jamais.

Ils allèrent au plus vite dans la salle de classe. Les quelques élèves déjà arrivés se tournèrent vers eux. Une fille s'approcha d'eux.

‒ Dites, vous... Vous êtes au courant pour... tout ce qui s'est passé avec Eve ?

Amina hocha la tête. Félix soupira, il s'était douté que le retour en cours ne serait pas facile mais c'était vraiment pesant.

‒ Qu'est-ce qu'il se passe en réalité ?

Amina s'apprêtait à répondre mais Félix la coupa.

‒ Il se passe qu'Eve a été entraîné dans un attentat terroriste. Maintenant, si vous voulez en savoir plus, vous n'aurez qu'à lui demander.

‒ ... Désolée, je ne voulais pas vous vexer...

‒ Excusez-moi de vous couper, mais je peux parler à Félix, deux minutes ?

Félix se tourna vers la détentrice de cette voix qu'il ne connaissait que trop bien. Odile le fixait, brossant ses cheveux à l'aide de ses mains.