Chapitre 11

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Mark Cassel regardait la vidéo de surveillance de la gare de métro avec intérêt. Ils avaient retrouvé sa trace mais elle leur avait encore filé entre les doigts. Elle était vraiment intelligente, cette gamine. Le commissaire se frotta les yeux. Les images pixellisées des caméras ne lui étaient pas d'un grand secours. Enfin, il avait quand même réussi à voir la jeune fille, encapuchonnée, passer sa carte. Et c'est là que les choses devenaient étranges. Elle s'était dirigée vers les toilettes mais une fois la porte passée, plus rien. Elle n'en était jamais ressortie. Les toilettes avaient été fouillée, sans trace de la jeune fille. Pourtant, il n'y avait aucune autre issue et tous les conduits étaient soit trop étroit, soit trop haut. Cela paraissait de plus en plus évident à Mark Cassel qu'ils étaient là où elle voulait qu'ils soient. Elle avait berné la police avec une facilité étonnante. Elle était désormais le clou de tous le médias et cet évènement ne donnait pas bonne presse à la police.

Il invita Amina à entrer. La jeune fille semblait plus fragile que son compagnon. Ses yeux étaient rouges et trahissait une profonde inquiétude. Ce qui n'altérait cependant pas à sa beauté habituelle.

‒ Mademoiselle. Asseyez-vous, je vous en prie. Voulez-vous un thé ? Un café ?

Elle hésita un instant avant de refuser d'un signe de tête poli.

‒ La disparition de votre amie à l'air de profondément vous affecter. Avez-vous des infos, un endroit où elle irait en particulier ?

Le commissaire nota la brève hésitation chez Amina.

‒ Non, je ne sais rien... Malheureusement.

‒ Elle était bonne à l'école, non ?

‒ ... C'est le cas de le dire. Elle ne s'en vantait pas mais en science c'était un petit génie.

‒ Et sinon, au niveau du caractère, comment était-elle ?

Amina se tendit, elle n'aimait pas vraiment entendre parler de son amie au passé.

‒ Elle est calme, et elle a un sang-froid pas possible. Par contre qu'est-ce qu'elle peut être têtue... Une fois qu'elle a une idée derrière la tête, y a aucun moyen de lui faire lâcher prise. D'ailleurs, c'est probablement parce qu'elle a une idée derrière la tête qu'elle ne veut pas qu'on la retrouve.

‒ Quelle genre d'idée ?

‒... Si seulement je pouvais le savoir...

‒ Et après l'accident de sa mère ? Quelles étaient ses réactions ?

Amina rit d'un rire nerveux. Cette époque avait probablement été la plus dure de leur amitié.

‒ Elle était en colère. Elle en voulait au monde entier. D'une certaine manière je comprends. Elle a vu sa mère mourir, sous ses yeux. Je pense qu'on ne peut pas prendre conscience du mal que ça fait, pas vrai ?

Mark Cassel était gêné, d'une certaine manière, par sa question. Il voyait, à toute la gentillesse et la douceur dans ses yeux, qu'elle adorait son amie. Il répondit vaguement.

‒ Je suppose. Vous pouvez continuer ?

‒ ... Elle était tellement seule qu'elle faisait peine à voir. Elle déversait toute sa haine, mais au fond, elle était dévastée par la tristesse et la solitude. C'était vraiment difficile pour elle. Son père aussi était effondré. Je crois qu'il buvait et fumait, il a fait une grosse dépression. Mais du coup, Eve était seule. Elle était en autonomie totale et ne se reposait sur personne. Mais ils ont réussi à passer tout ça et ils étaient heureux, tous les deux. C'était un soutien mutuel...

‒ Je vois... Est-ce que quelque chose l'a aidé à remonter la pente ? Un art ou un sport par exemple.

‒ Oui... L'escalade.

Mark Cassel hocha la tête.

‒ Monsieur... Est-ce que je peux rentrer chez moi ? Mon cours de dance commence dans une heure et j'aimerais pouvoir me préparer tranquillement.

‒ Bien sûr. Au revoir mademoiselle.

Il la raccompagna jusqu'à la porte. Puis retourna s'asseoir, pensif. Tout comme Félix, la jeune fille lui cachait des choses, il en était certain. Mais contrairement au garçon, elle semblait moins confiante et il serait sans doute plus simple de la faire parler. Le commissaire soupira. Ce que lui avait dit Amina était intéressant à bien des égards mais tout cela ne l'avançait pas trop.

Il s'affaissa dans son siège. Quel genre d'idée avait bien pu avoir la jeune fille pour en venir à des situations pareilles ? Il repensa à ce que lui avait dit Félix. Il avait insinué qu'Eve avait été victime de la police. Il y avait eu des coups de feu ce jour-là, le policier avait tiré mais il avait assuré que c'était par pure défense. Mark Cassel devait avouer que les évènements ne jouaient pas en faveur de la recherchée. Après tout, rien assurait que le policier disait la vérité. Il secoua la tête, fatigué, s'il commençait à accuser ses coéquipiers, il ne s'en sortirait jamais. Pourtant, l'idée se frayait lentement un chemin dans un coin de sa tête.

Ce soir-là, Mark Cassel, rentra tôt, sa femme et sa fille l'attendaient à la maison. Il habitait dans un joli petit quartier résidentiel de Paris. Il se faisait une joie de pouvoir rentrer, décompresser tranquillement dans son fauteuil en regardant la télé. En espérant que sa fille ne regarde pas encore des âneries. En effet, Mark Cassel avait des opinions bien arrêtées sur la télé-réalité et toutes émissions de ce genre et il ne comprenait pas l'insupportable désir de sa fille de vouloir regarder les reines du shopping ou autres idioties.

Heureusement pour lui, elle s'était enfermée dans sa chambre sans qu'il en sache la raison. Il embrassa donc sa femme avant de se poser tranquillement dans son fauteuil préféré. Les infos ‒sur l'affaire d'Eve, bien évidemment‒ commençaient tout juste quand des pas déboulèrent de l'escalier jusqu'au salon. Elle salua son père et se jucha sur l'accoudoir, à côté de lui, pour regarder la télé avec lui. Pour la première fois, elle semblait intéressée.

‒ C'est bizarre ce qu'ils disent, je n'aurais jamais cru ça d'elle...

Mark Cassel se retourna vers sa fille.

‒ Pourquoi tu dis ça ?

‒ Eh bien... On ne peut pas dire qu'on s'entendait bien, mais elle avait les deux pieds sur terre et elle était... Comment dire... Humaine. Enfin c'était pas le monstre qu'ils décrivent à la télé.

Elle brossait ses cheveux bruns avec ses mains, comme à son habitude lorsqu'elle était concentrée sur quelque chose.

‒ Ouais... Vraiment c'est bizarre. Conclut-elle en s'éloignant.

Elle n'était pas la seule à penser ça. Tous ceux qui avaient connu Eve n'arrêtaient pas de lui dire la même chose : la jeune fille n'était pas telle que les médias la présentaient. Mme. Cassel appela à table. En soupirant, son mari éteignit la télé et rejoignit sa femme. Au bout de dix minutes, Mme Cassel, qui n'était pas de nature patiente, hurla au travers de la maison :

‒ ODILE !!! A TABLE !!

InsaisissableTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon