12 • Le suprême bordel dans ton cœur

796 90 24
                                    

Y a des jours comme ça. Des soirs où tout va mal.

Tu sais pas pourquoi. Tout te semble sombre, t'as juste envie de mourir, et rien, rien ne peux te faire sourire.

Sasuke détestait Noël.

Il y avait les cadeaux, il y avait le sapin, il y avait la bûche et le feu brûlant dans la cheminée. Mais ça faisait deux Noël que son frère ne venait plus, et ça faisait quatre Noël que son père l'avait frappé pour la première fois.

Sasuke se rappelait très bien de ce Noël-là, c'est pas le genre de chose qu'il oublie. Son père n'avait pas bu ni rien, mais il l'avait assez battu pour que les marques mettent tout le reste des vacances à s'effacer. Fugaku Uchiwa était violent par nature ; respectable et calme en société, bien sûr, mais à la maison, les gifles volaient.

En ce soir de fête, tout le monde faisait des efforts. Au premier abord, on aurait même pu croire à une famille normale, unie, heureuse, la petite famille bourgeoise parfaite. Ce n'est qu'en observant de plus près qu'on remarquait les poings serrés de Sasuke, les yeux froids et sévères de son père, les sourires forcés de Mikoto Uchiwa et de sa fille Sarada. Et alors, alors seulement, on pouvait comprendre que ce n'était absolument pas une famille heureuse.

Un peu plus tôt dans la soirée, Sarada avait fait l'erreur de dire qu'Itachi lui manquait et que Noël n'était pas pareil, sans lui ; elle s'était pris une claque. Personne n'avait rein dit. Une claque, c'était rien. Tout le monde se prenait une ou deux claque de temps en temps, que ce soit Mikoto, Sarada ou Sasuke. Alors non, personne n'avait rien dit, même si tout le monde pensait la même chose que Sarada : sans Itachi, ce n'était pas pareil.

Mais Sasuke avait d'autres raisons d'aller mal. La soirée chez Naruto, une semaine plus tôt, lui tournait et lui retournait la tête.

"On fait comme si y s'était rien passé, d'accord ?"

Oh, fuck. Sasuke devait bien l'admettre : il avait des sentiments plus qu'amicaux envers Naruto.

Et ça le terrifiait.

Sasuke n'avait pas grandi dans une famille ouverte d'esprit. Son père changeait de chaîne quand on parlait de la Gay Pride à la télé, et son visage se teintait alors d'un mépris et d'un dégoût indescriptibles. Sa mère n'était sans doute pas aussi extrême, mais elle n'aurait jamais osé contredire Fugaku. Quand à Itachi et Sarada, il ne disaient jamais rien sur ce sujet ; mieux valait ne pas prendre de risque inutiles face à leur père. Alors franchement, même si Sasuke n'était pas homophobe, il n'avait jamais été à l'aise avec tout ça. Surtout, il n'aurait jamais imaginé être attiré par un garçon un jour.

Et voilà que Naruto était arrivé, s'était mit à lui parler, et avait fini par tomber amoureux. Maintenant, le cœur de Sasuke était en sacré bordel, parce qu'il savait que c'était réciproque, mais qu'il ignorait totalement comment se démerder avec ces fichus sentiments.

-Sasuke ! Je te parle !

Sasuke sursauta. Il n'avait pas entendu son père l'appeler, perdu dans ses pensées.

-Pardon, marmonna-t-il.

-Tu veux du poulet ? demanda Fugaku avec une rage inadaptée à la question.

-Oui, marmonna Sasuke. S'il te plaît, ajouta-t-il en voyant l'expression de son père.

-Mikoto, sers le.

Mikoto servit une part généreuse de poulet aux châtaignes à son fils. La viande était excellente, d'une qualité que peu de familles auraient pu s'offrir, même à l'occasion de Noël. Pourtant, Sasuke ne sentait même pas le goût de ce qu'il mangeait. Dans sa tête, le tourbillon incessant de ses pensées continuait à l'entraîner toujours plus profond vers les abysses.

***

Un iPhone 6, des places pour un parc d'attractions, des vêtements de marque, un nouveau casque Bluetooth, des livres, encore des livres, et trois claques. Voilà ce que Sasuke avait reçu en ce soir de Noël.

Il était un peu plus de minuit. Il ne dormait pas. Pas sommeil.

Sarada avait essayé de venir dormir avec lui tout à l'heure, mais leur père les avait cramé, et après quelques baffes, il avait renvoyé sa fille dans sa chambre.

C'est pas normal, se répéta Sasuke pour la millionième fois. C'est pas normal qu'il nous frappe. C'est notre père, il devrait nous aimer, nous protéger. Il est pas normal.

Sasuke se tourna sur le côté. Une pensée venait d'exploser dans son cerveau, plus forte que toutes les autres.

Je suis pas normal.

Sasuke essaya de repousser ces quelques mots, mais ils résonnaient de plus en plus fort sous son crâne.

Je suis pas normal. S'il me frappe, c'est qu'il y a une raison... C'est un adulte, il sait ce qu'il fait, non ? Il frappe aussi Sarada, et maman, et Itachi quand il vivait avec nous, mais moins... C'est juste moi qui me fait battre à ce point. Il doit bien y avoir une raison...

Une nouvelle pensée apparut sous son crâne, lui tordant le ventre d'angoisse.

Et si il savait ? S'il avait comprit ? Peut-être qu'il sait depuis toujours que je suis pas normal, que j'ai un problème ?

Sasuke ne s'était jamais senti normal. Il ne se mêlait pas vraiment aux enfants de son âge, ni à personne d'ailleurs. Il préférait rester seul à écouter de la musique, et lire, lire des milliers de livres, dévorer mangas, séries, BDs et romans. La solitude et les personnages de fiction avaient toujours été ses meilleurs amis. La seule compagnie qui ne le dérangeait pas, c'était celle de Sarada, et d'Itachi quand il était encore humain (c'est à dire avant qu'il ne commence ses études de droit de merde qui l'avaient transformé en zombie du travail).

Et bien sûr, Sasuke adorait aussi la compagnie de Naruto.

Celui-là, c'était vraiment une sérieuse complication dans la vie de Sasuke, qui avait déjà une existence assez compliquée de base. À la marginalité et à la famille de merde, s'était ajouté Naruto, et très franchement, ça faisait bien chier Sasuke. Mais voilà, le petit blond devait avoir un super-pouvoir ou quelque chose du genre, parce qu'il avait réussi à entrer dans le cœur de Sasuke à grands coups de sourires, d'animes et de conneries.

Bref. Sasuke était amoureux et malheureux.

Putain, il détestait tellement Noël...

Saint Madara, priez pour nous~ NARUSASUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant