BROKEN - Tome 3

N E U F

Alexie

Depuis déjà une heure, Evan et moi nous fixons, les yeux perdus dans ceux de l'autre, à discuter de trucs qui semblent à la fois nous intéresser, et nous ennuyer. Ce que nous disons n'a, la moitié du temps, aucun sens, et nous en rions tous les deux. Je le sais, il le sait... aucun de nous deux n'a envie de rester si loin à se regarder parler, mais à quelque part au fond de moi, et de lui, c'est seulement plus excitant. Ne pas pouvoir le toucher... Pas que je ne puisse pas. Je ne veux pas, pas tout de suite. Il me respecte, mais je sais que son corps bouille autant que le mien. Nous sommes deux aimants qui tremblent, impatients de se rencontrer...

— Je me suis assis sur les genoux du père-noël pour la première fois à l'âge de huit ans... C'est aussi à ce moment-là que j'ai su qu'il n'existait pas, en tirant sur la fausse barbe blanche de mon oncle.

J'éclate de rire. J'aime tellement ça, lorsqu'il me raconte des histoires de son enfance! Ça me rappelle qu'il a déjà été un petit gamin vulnérable, et probablement insupportable! D'après ce que j'ai entendu, Evan était très loin d'être un enfant sage et obéissant.

— Tu as dû ruiner le rêve de beaucoup d'enfants, cette journée-là...

— Tyler, à ce qu'on m'a dit, à éclater en sanglot et ne m'a plus parler durant des semaines.

Je me tiens les côtes, morte de rire, en imaginant la bouille pleine de sagesse de Tyler, qui réalise que le gros bonhomme rouge n'est pas réel. Lui, ça a dû lui couper l'envie de partager ses biscuits!

— Parlant de Tyler, lance-t-il, en se laissant retomber sur son siège. J'ai cru comprendre que vous vous étiez réconcilié, tous les deux?

Je hoche légèrement la tête en prenant une gorgée de la limonade que je me suis commandé, dans un petit stand où deux petites filles souriantes, accompagnées de leurs parents, nous ont gentiment accosté pour les aider à financer leur voyage scolaire.

— On peut dire ça, dis-je. Il traite bien Élie, et il a vraiment l'air sincère, avec elle... Du moment qu'il ne lui fait pas de mal, je n'ai plus rien contre lui.

Evan sourit, du coin des lèvres. Un sourcil arqué, il m'observe derrière ma paire de lunette de soleil, qu'il a nonchalamment prise dans mon sac.

— Tu ne les trouve pas sangsue, tous les deux?

Je fronce les sourcils, à la fois amusée et étonnée.

— Élie et Tyler? Non, pourquoi?

— Oh, comme ça... Elle est très souvent à la maison, si tu veux mon avis.

Son regard n'augure rien de bon. Je peux facilement lire la satisfaction dans ses yeux bleus, et si je ne me trompe pas, le sourire sur ses lèvres me prouve qu'il s'apprête à me lancer une bombe.

Je lève le menton dans sa direction, curieuse. Il serait bien trop content de m'entendre lui demander où il veut en venir.

— Tu sais... la maison a été conçue de manière très isolante... Il n'est pas rare que, certaines paroles se... propagent entre les murs.

Je fronce les sourcils, à moitié assise sur la chaise. Ça m'inquiète.

— Et alors...? M'impatientais-je, ce qui lui décroche un sourire.

— Disons seulement que, ton amie n'est pas très discrète, en ce qui concerne ses histoires croustillantes... continue-t-il, et avant que je puisse dire quoi que ce soit, il me lance un regard qui veut tout dire. À ton sujet, plus particulièrement.