BROKEN - Tome 3

D I X - S E P T

Alexie

Deux semaines plus tard

Élie me fixe longuement. Je n'ai pas reçu de réponse aux trente messages que j'aie envoyé à Shawn, et bien que je ne croie plus avoir de nouvelles de lui, je continue de fixer mon téléphone toutes les deux minutes. Je ne sais même pas s'il les a lus, ou s'il les a même reçus. Si ça se trouve, il n'a plus son portable.

— Alexie, je t'adore, tu sais, mais je vais vraiment commencer à croire que tu deviens paranoïaque.

Je referme l'écran de mon téléphone en soupirant bruyamment. Je n'ai pas dit à Élie ce qui s'est passé. Elle sait que, une fois de plus, je me suis disputée avec Evan, et que c'est sérieux, mais je ne suis pas arrivée à briser l'image qu'elle peut avoir de Shawn. Je ne veux pas qu'elle éprouve le même dégout, le même frisson dégueulasse qui traverse mon corps dès que je pense à tous mes souvenirs avec lui.

Je me souviens encore du froid mordant que j'aie ressenti, pourtant enveloppée dans les épaisses couvertures de mon lit, quand j'ai appris que, non seulement il était le neveu de l'homme que Sam a tué, mais qu'en plus, il m'avait menti sur toute la ligne. De son passé plus que douteux à sa foutue orientation sexuelle. Il m'a laissé croire qu'il était gay, alors que j'apprends qu'il y a encore moins de deux ans, il sortait avec une femme magnifique, qu'il n'a toujours pas oublié.

J'ai cru que j'en voulais à Evan, quand il est grimpé à ma fenêtre, la semaine dernière, dans l'espoir de m'expliquer ce qu'il m'avait encore caché jusque-là. Je m'étais trompée. Je lui en veux, mais ce n'est rien à comparer du mépris déstabilisant et poignant que j'aie pour mon ancien meilleur ami.

— Tu sais quoi? On va sortir, ce soir. Juste toutes les deux, sans garçons.

Je soupire et me laisse retomber sur mes couvertures, mais elle me tire le bras pour me forcer à me relever.

— Aller, s'il te plait! Gémit-elle. Ça va être cool, et ça fait des semaines que Tyler me prend la tête pour que je reste avec lui. J'ai besoin de sortir, un peu!

Je la regarde un long moment, perplexe. Je ne suis pas sûre que de me donner rendez-vous avec de l'alcool soit la meilleure des idées. La dernière fois que je me suis retrouvée légèrement alcoolisée alors que j'étais en froid avec Evan, ça s'est mal terminé. Ça se termine toujours mal, en fait.

— Élie, je ne crois pas que...

— C'est décidé! Moi, je sors, et il est hors de question que je te laisse te morfondre une fois de plus dans ce lit, qui commence à puer la dépression.

Elle m'arrache un petit sourire. C'est vrai que mon lit m'a beaucoup servi d'éponge émotionnel, ces derniers jours. J'étais plutôt sur les nerfs, et ça va en empirant. Cette semaine, j'ai hurlé sur Kiki, le hamster que ma mère doit garder pendant trois semaines, parce qu'il faisait trop de bruit avec sa petite roue de course, j'ai crié sur Élie parce qu'elle n'arrêtait pas de zapper mes chansons préférées à la radio, et je me suis disputée avec ma mère parce qu'elle n'avait pas pensé à acheter le pot de crème glacée que je lui avais demandé. Elle a immédiatement compris que quelque chose n'allait pas, et plutôt que de me harceler de questions, elle a allumé le feu de cheminé, est allée acheter une montagne de glace, de bonbons et de chocolat, nous a préparer à chacune un chocolat chaud et m'a consacré sa soirée à écouter la série complète des Pirates de Caraïbe, en prétextant que Johnny Depp était le meilleur remède à une bassesse de moral.

— Très bien, acceptais-je, finalement, ce qui arrache un cri de joie à Élie. Mais seulement jusqu'à une heure, et je choisi la hauteur des talons que je porte.