Troisième Eclat

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-Dis Hyung, tu ne trouves pas que je suis bien ? Je veux dire... Mon corps et tout ça ?

Seokjin baissa son journal en soupirant, puis, d'un regard froid, se mit à détailler le corps de son partenaire. Son regard méprisant, critique, faisait mal à l'âme de celui qui se retrouvait fixé : parce qu'il savait parfaitement qu'aucun mot agréable ne passerait jamais la barrière de ses lèvres.

- T'a un peu un gros cul sous cet angle mais ça passe.

Namjoon baissa les yeux, au bord des larmes. Il était bien trop gros, bien trop grand. Son corps disproportionné et disloqué, ce corps qu'il aurait voulu s'arracher, oui, rendre parfait, poignée de chair par poignée de chair, pour en faire une silhouette fine et raffinée, aux courbes délicates. Il faisait un mètre quatre-vingts un et soixante-sept kilos il y a deux mois, cinquante-six kilogrammes aujourd'hui. Mais il était loin, si loin encore de la perfection, de la finesse, de l'approbation de Jin. Si loin de lui-même.

Il s'avança lentement dans le couloir, puis s'écroula sur leur lit. Ce même lit qui semblait divisé par un mur de glace. Demain, il arrêtera les féculents et se contentera uniquement de légumes. Puis il sautera quelques repas aussi, ça n'allait tuer personne.

Parce que Namjoon aurait fait n'importe quoi pour se faire aimer par Jin. Parce que l'amour qu'il lui avait porté un jour s'était transformé en adoration, en adulation d'un être de glace, idolâtré autant pour son apparence que par sa pure folie amoureuse. Celui-ci apparut à ce moment-là à l'embrasure de la porte, frappant le bois de ses doigts fins.

- Nam, j'me fais grave chier, on baise ?

Quelques minutes plus tard, Namjoon était enfermé à double tour dans la salle de bain, recroquevillé, la tête entre les mains et l'horreur au corps. Il avait senti l'homme qu'il aimait frissonner de dégout au contact de sa peau fine, il avait senti l'homme qui le détruisait se retourner froidement, éteindre la lumière et s'endormir en le laissant seul, nu et glacé. Son corps fin et pâle noyé dans les grands draps blancs, et le corps brulant de son amant si loin, à l'autre bout du lit. Le regard du solitaire dériva sur le rasoir, posé innocemment sur le rebord du lavabo.

Il repensa à toutes ces histoires de mutilation, de gens soulagés. Il pensa aussi lors d'un instant aux horreurs, au bras mutilés, aux regards souriants empreints de folie, mais... Il avait si mal.
Il prit l'instrument, inspira un grand coup avant de le poser délicatement sur sa peau.

Il ne réussit qu'à se raser partiellement le bras ; il jeta violemment l'objet par terre, et le pauvre rasoir se brisa en deux. Une petite lame argentée rebondit sur le sol, atterrissant au pieds de Namjoon.

La main tendue d'un démon qui voulait l'enchaîner aux enfers.

En la ramassant il se coupa. Soupira. Il avait peur, vraiment peur, de devenir complètement fou, sans vraiment se rendre compte que la folie le guettait et l'enlaçait déjà. Puis le regard glacé de Seokjin lui revint en mémoire : il prit la lame et la déposa délicatement sur son bras, ciselant la chair, jusqu'à ce qu'une goutte carmin perle. Et ça lui fit un bien fou, il avait l'impression d'extérioriser le mal qu'il gardait pour lui depuis des mois, il avait l'impression... d'être libéré.

Et tandis qui reposait la lame sur sa peau, son âme se perdit dans les tréfonds d'un désir malsain, torturant son corps sans y voir le mal, sur les lèvres un fragile sourire pâle, amorçant en gestes assurés son autodestruction.

Les ravages qu'il faisait sur son corps ; les dommages irréversibles, la destruction vers laquelle il allait si assurément et sans vraiment s'en rendre compte ; le meurtre parfaitement organisé de son propre esprit, d'un coup de couteau fatal en plein dans son coeur gangréné et noirci d'une haine qu'il retournait contre lui-même.

Une vingtaine de minuscules coupures similaires plus tard, il reposa l'instrument "libérateur" sur le rebord du lavabo.

Il observa quelque temps son bras ensanglanté avant de réaliser, trop tard. Il passa son bras sous l'eau, désinfecta les plaies. Il pleura, se damna. Il comprit qu'il sombrait dans la plus terrible des maladies : la folie.

Kim Namjoon était fou amoureux.

Il tenta de masquer ses plaies et d'oublier.

Mais le mal était fait désormais, il le savait, il n'arriverait plus à se passer des griffures assassines. Parce qu'il suffisait d'une fois, parce qu'il suffisait de quelques pensées négatives et parce qu'on savait, qu'après quelques traits, on se sentirait vidé de cette peine. Et parce qu'on savait que malgré l'absurdité et l'atrocité du geste, on allait recommencer, jusqu'à en avoir mal aux doigts, jusqu'à ne plus pouvoir que trembler.

Si seulement quelqu'un avait pu le prendre dans ses bras...




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En aucun cas je n'encourage la mutilation ; j'ai justement fait de mon mieux pour qu'on voie que même si Namjoon se sent "libéré", il ne pense pas pour autant que c'est une bonne chose.
Ne faites pas la même erreur que lui, retenez vous avant qu'il ne soit trop tard. Si vous en avez envie, choisissez plutôt de parler, allez voir un proche ou appelez un des numéros prévus à cet effet (S.O.S Amitié, ...).

Prenez soin de vous, c'est important.

Fake LovesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant