I. La Dame et l'enfant.

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Le sang, un sang aussi écarlate que la lune rouge, coulait au sol, slalomait entre les herbes de la petite langue de terre brune pour venir s'échouer aux pieds d'un enfant. Ses courts cheveux blonds détonaient dans ce paysage sinistre, tout comme son apparence si innocente. Il avait l'apparence d'un ange perdu en enfer.
Le sang gouttait dans l'eau du marécage, donnant une teinte rosée à la vase. Alors, l'enfant leva ses yeux incroyablement blanc sur l'origine de tout ce sang.
Un mort au sol.

Et debout, à ses côtés, un long sabre tâché d'écarlate en main, se tenait la responsable de ce crime. Ses longs et épais cheveux noirs étaient remontés en un stricte chignon, sa peau de porcelaine était marquée par la haine et dans ses yeux verts, scintillait une lueur folle.

La Dame d'Atralean, anciennement Dame du Marécage, semblait prête à en découdre.

Son visage n'exprimait pas la moindre pitié pour le cadavre à ses pieds. À peine semblait-elle avoir conscience que ses bas trempaient dans le sang. Elle affichait une expression neutre et effrayante. Et ce physique guerrier n'était que plus renforcé par la robe sombre au lassage épais et long qui parcourait tout son dos et aux deux longues fentes taillées dans le tissu au niveau de ses jambes. Elle était magnifique. Magnifiquement terrible. Le vent glacial qui balayait le marécage maudit conférait à Ignea une aura plus dangereuse encore que d'ordinaire. Quiconque aurait pu croire apercevoir une enchanteresse ou une déesse vengeresse tant elle était subjugante.

L'enfant aux yeux blancs la fixa quelques instants avant de s'avancer vers elle. Il était si petit par rapport à la sublime Dame... Elle était si imposante, elle qui avait su défaire tant de malédictions.

« Tu n'étais pas obligée de le... massacrer Ignea !

La Dame haussa des épaules tandis que les brumes se mirent à entourer son sabre. Celui ci disparut dans le brouillard, sous le joug des pouvoirs qu'Ignea avait développé. Sa voix glaciale prit un ton amusé quand elle lança au petit en levant les yeux au ciel :

- Ne me remercie pas surtout, petit ingrat. Ce n'est pas comme si je venais de tuer ton futur assassin. Sans moi tu serais mort Al'. Mort et enterré. Ou dévoré... Les possibilités qui se présentaient à lui étaient diverses et variées. Tu ne te sentais donc pas suivit ? Je vais finir par penser que tu as un instinct de conservation proche de zéro.

Le petit garçon secoua la tête, amusé pour les railleries de la Dame et un sourire enfantin naquit sur ses lèvres.

Il se retint cependant d'aller enlacer Ignea. Elle le renverrai sûrement bouler en se moquant. Il l'entendait déjà rire en affichant cette moue narquoise qu'elle semblait tant affectionner.

Voyons Alouan, tu as plus de six cents ans maintenant alors cesse tes gamineries !

C'est ce qu'elle s'amuserai à lui répondre si il quémendait un peu d'attention. Ce n'était pas la terrible Dame d'Atralean qui lui en prodiguerai. Cependant, ils étaient tous deux liés et complices.
Alouan et Ignea faisaient partis des plus jeunes membres du peuple d'Atralean. Tout juste six cents ans pour l'un et huit cents ans pour l'autre. Seulement la jeune femme avait su s'imposer de par sa puissance. Quant au petit garçon, il était la seule personne dans ce marais que ne haïssait pas Ignea. On pouvait même dire qu'elle tenait à lui. D'une certaine façon...

En soit, la Dame et l'enfant avaient conservé certaines des caractéristiques de l'âge auquel ils étaient arrivés à Atralean. Mais le petit garçon avait acquérit aussi un grand don : celui de voir les choses et de les savoirs. Comme s'en doutait un peu la Dame, ce don était lié à ses yeux. Leur voile blanc lui donnait accès à tout un tas d'information. Il savait les choses qu'un autre avant lui avait appris. Comme si ce savoir se transmettait. Peut être était-ce ça, sa propre malédiction...

Puisque tout être dans ce marais était maudit. Seulement, avec la mort du seigneur d'Atralean, La terrifiante Dame s'était en partie libérée de la sienne. Et Alouan ne cesserait probablement jamais d'envier Ignea.

D'ailleurs celle ci continua sa tirade, argumentant son acte :

- Et puis, je dois faire un exemple. Montrer ce qu'il en coûte de défier mes ordres. J'avais ordonné qu'on n'ose pas s'en prendre à toi.

Les habitants du marais s'entretuaient les uns les autres. En quête de plus en plus de pouvoir, ils brigaient constamment celui des autres. Et l'enfant jouissait d'une inestimable faveur : l'absolue confiance de l'impitoyable reine du marais. Le tuer, c'était laisser le champs libre à un autre intrigant.

- Que comptes-tu faire de... lui ?

- Ne l'ai-je pas déjà dit ? En faire un exemple.

- Tu refuses d'être plus claire ?

- Je pensais que tu voyais et savais tout, Alouan.

L'enfant haussa des épaules, sans trop se soucier du ton narquois de la magnifique femme, et répondit de sa voix aux intonations innocentes :

- Pas les misérables petits détails de ce genre.

- Tu es nul comme voyant personnel, gamin.

- Et toi, tu es nulle comme amie.

Il croisa les bras tandis qu'Ignea éclata de rire. Le petit grimaça. Le rire de la dame était loin d'être harmonieux. Sec et mauvais, il ressemblait plutôt à celui d'une sorcière. Celui de la sorcière qu'elle paraissait être. Mais Ignea ne riait pratiquement jamais. C'était le cas durant tout le temps où elle avait régné aux côtés d'Alaster et c'était encore d'actualité, surtout après les événements survenus il y a quelque lunes. L'entendre rire, même si ce n'était pas la chose la plus agréable à entendre, relevait du miracle. Un miracle qui réjouissait Alouan bien qu'il sache que la dame se moquait de lui. Lorsqu'elle cessa de rire, elle expliqua d'un ton moqueur mais fier :

- Oh que oui, la plus mauvaise des amies. Le grand méchant loup des contes d'enfant. La tueuse sanguinaire, pire que les Miüls du marais. La reine sans sentiments et sans cœur d'Atralean. Tout simplement... la Dame du Marécage.

- Plus maintenant.

Un nouveau sourire carnassier étira les lèvres d'Ignea et ses traits autrefois d'une laideur incontestée se retrouvèrent figés dans une beauté froide, terrifiante. N'importe qui aurait pu être glacé face à son aspect. Elle ressemblait à une fée maléfique venue d'un royaume de démons, une créature tentatrice qui pourrait vous tuer d'un coup d'oeil après vous avoir charmé. La Dame acquiesca :

- En effet, plus maintenant.

La terrible femme attrapa la cheville du mort et le traina derrière elle en direction du palais, tout en lançant à l'enfant qui se mit à sa suite :

- Maintenant, je suis la Dame d'Atralean. »

Atralean II - L'enfant Des Marais Perdus Où les histoires vivent. Découvrez maintenant