Alouan : La dame d'Atralean.

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Lorsque l'immense barrière sombre qui lui bloquait le passage explosa en mille morceaux, Alouan cru que son cœur cesserait de battre. Il venait d'apercevoir le corps inanimé d'Ignea, allongée sur la terre meuble et humide, tandis que l'eau du marais serpentait jusqu'aux doigts ornés de bagues, comme si l'ondée maudite cherchait sa maîtresse légitime.

Une maîtresse légitime qui paraissait avoir quitter le monde des vivants.

Le petit garçon se précipita vers Ignea. Étendue au sol, ses cheveux noirs éparpillés en corolle autour de sa tête, elle semblait sereine, ses traits n'étant plus marqués par aucun sentiment négatif. Sa blessure avait cessé de saigner cependant elle était pâle, si pâle... Il toucha sa joue du bout des doigts. Glacée. Comme la mort.

Il frissonna. Non, non, non, cela ne pouvait être possible. La brume se fit plus dense comme pour cacher les faits terribles de cette nuit obscure mais peine perdu. Une larme roula le long de la joue de l'enfant. La douleur qui le traversait était d'une violence inouïe. Jamais il n'avait ressenti une telle souffrance, pas même lorsqu'il avait cru mourir la première fois qu'il avait mis les pieds à Atralean, pas même lorsqu'il avait été blessé au cours de ses six siècles d'errance dans les marais perdus, pas même lorsqu'il avait été attaqué par la fée.

Le souffle court, il ne put rien faire d'autre qu'observer la dame d'Atralean. Avait-il causé tout ceci ? Avait-il tué sa seule amie ? Cette fée qui était pourtant plus humaine que ce qu'elle ne se plaisait à montrer ? La réponse lui semblait évidente. Mais il n'aurait rien pu faire d'autre. Non ?

Après tout, il l'avait vu sombrer dans la folie, devenir cette créature sanguinaire... Mais qu'avait il fait ? Alouan s'était plié aux règles d'Atralean et le marécage avait de nouveau gagné. Il gagnait toujours. Il aurait dû le savoir.

Que se passera-t-il à présent ? Qu'adviendra-t-il ? Atralean s'amusera-t-il à imposer de nouveau ses lois comme il le faisait à chaque fois ?

Toujours...

Oui toujours. L'enfant déglutit et se releva, chancelant. Il pressa les paupières avant de reporter une nouvelle fois son regard sur Ignea. La Dame d'Atralean semblait si paisible. La mort n'enlevait rien à sa beauté et sa grâce. Cette vision était douloureuse. Trop. Il ne pouvait pas rester ici. Son cœur se déchirait un peu plus à chaque instant sous l'assaut d'une culpabilité sans faille.
Cependant, alors qu'il s'apprêtait à partir, le vent se leva autour de lui, soulevant les cheveux de la dame autour de son visage dont les traits, toujours aussi pâles, semblaient s'être durci. Ce vent n'était pas naturel, le petit garçon le savait. Hésitant il s'approcha. Soudain, un frémissement attira son attention, le faisant tomber à genoux.

Venait-il de rêver ?

Il n'eut pas le temps de se poser plus la question. Brusquement, Ignea leva les paupières et Alouan sursauta. Ses iris étaient de nouveau d'un vert émeraude, plus pur que la plus belle des pierres précieuses. Elle semblait chercher sa respiration, le souffle court, presque en proie à une panique. Le cœur du petit garçon rata un battement et il resta figé, ne sachant que faire, à genoux à côté de la dame dont il aurait juré qu'une larme venait de dévaler la joue.
Mais Ignea ne pleurait jamais... N'est-ce pas ?

Les yeux écarquillés perdu sur le ciel sombre au dessus d'elle, elle se crispa. C'était comme si elle pouvait enfin respirer après avoir été coincée sous l'eau ou après avoir été étouffée par une main de fer invisible. Tout le semblait plus vif et l'oxygène lui brûlait les poumons. Pourtant, rien ne l'a fascinait plus que le fait d'être en vie et d'avoir vu Alaster, d'avoir pu le toucher, le gifler, l'embrasser... Elle était en vie !
Son regard croisa celui de l'enfant. Alors, l'impensable se produisit.

La Dame d'Atralean sourit. Sincèrement.
Victorieusement.

Elle était en vie.

Atralean II - L'enfant Des Marais Perdus Unde poveștirile trăiesc. Descoperă acum