Atralean II - L'enfant Des Marais Perdus

XXII. Bombe à retardement.

La salle du trône. Encore et toujours. Ignea avait l'impression d'y passer le plus clair de son temps. Même de nuit. Tout semblait vouloir se jouer dans cette immense pièce à chaque fois. Une ironie peu appréciée par la Dame qui avançait lentement entre les colonnades, observant les gravures qui ornaient les bas reliefs. Des spirales. Partout. Diable, qu'Ignea haïssait ces satanées spirales. Elles lui rappelaient constamment celle qui ornait son dos.

Un symbole détonna cependant parmi ces centaines de spirales qui volaient dans tous les sens. Des traits, comme des marques de griffures. Alaster ! La sublime femme s'agenouilla et effleura du bout des doigts les sillons, perdue dans ses pensés. Elle n'avait jamais prêté la moindre attention aux macabres décorations de la salle du trône. Aujourd'hui, elle se rendait compte que le palais dans lequel elle vivait depuis plus de huit siècles recelait encore de bien nombreux secrets.

Un bruit de pas vint soudain troublé le chemin de ses pensés et elle se releva vivement avant de se tourner pour s'apercevoir que l'informateur à la peau noire comme la nuit venait de pénétrer dans la pièce, traînant derrière lui une silhouette informe. La fée s'approcha, avançant en pleine lumière.

« Ma dame.

Raegan s'inclina avant de jeter au sol un homme enchaîné. Celui-ci possédait un visage bien singulier. Si sa silhouette restait humaine, il était tout entier drapé dans un vêtement sombre et son faciès entièrement blanc n'était percé que par deux yeux bleus très clairs. L'informateur secoua ses bottes sur les dalles de marbres tandis qu'Ignea, intriguait, tournait autour du captif.

- Qui m'as-tu amené là Raegan ?

- Le propriétaire du domaine des Sans-noms. Un complot s'y formante contre vous.

Elle fronça des sourcils.

- Que dis-tu ?

- Ils étaient une bonne dizaine à s'y être retrouvés. Tous masqués. Sauf celui-là.

- Tu l'as enlevé de sa propre demeure ?

- Jusque là, il était inconscient, il vient tout juste de se réveiller.

Ignea s'apprêtait à répondre quelque chose quand un petit bruit attira son attention. Alouan venait d'entre à son tour dans la salle du trône par une porte dérobée. Surpris d'y trouver la dame et l'informateur, il se fit discret et s'assit sur les marches. Il remarqua l'expression répugnée de la fée quand elle pencha la tête sur le côté et interpella directement le Sans-nom.

- Avec qui complotiez-vous ?

- Si vous pensez que je vais vous le révéler vous vous trompez ! cracha-t-il.

- C'est étonnant. Il me semble pourtant vous avoir vu à la fête de l'Acqua et Sanguis. Vous m'aviez prêtée allégeance. Et je suis sûre que c'est aussi le cas de vos petits compagnons. Alors, dîtes-moi, pourquoi donc renier vos serments ?

L'homme parvint à se redresser un peu plus et cracha en sa direction sans parvenir à l'atteindre. Ignea leva les yeux au ciel avant de pencher la tête sur le côté.

- Mais allez-y voyons ! Libérez donc vos paroles, déliez votre langue ! J'écoute. Qu'avez-vous donc contre moi ?

La digue céda.

- Vous n'êtes qu'une garce, une parvenue ! Une sorcière qui aurait mieux fait de mourir que de parvenir ici. Vous ne méritez pas ce trône et vous nous mènerez tous à notre destruction. Vous causerez un chaos sans nom ! Chienne !

Il poursuivait ses imprécations sans plus s'arrêter mais l'ancienne dame du Marécage n'écoutait plus. Elle reconnaissait là, les paroles de Haymond Faes. La mâchoire contractée, elle grimaça et se laissa tomber sur son trône. L'atmosphère dans la pièce devint glaciale ce qui coupa le captif dans ses insultes.