Atralean II - L'enfant Des Marais Perdus

XII. Sommeil trouble

« Avez-vous besoin de quelque-chose, Ma Dame ?

Ignea pencha la tête sur le côté en entendant la voix rauque mais morne de Raegan. L'informateur, tapis dans l'ombre, attendait la réponse. Elle soutint un instant son regard avant de soupirer.

- Non. Tu peux t'en aller. »

Le bal était finit et tous avaient quitté le château. Ignea n'en pouvait plus. Elle avait horreur de ces festivités.

Pourtant, il fallait avouer que cette soirée avait été productive. Elle s'était débarrassée du fils de cette garce de Loena qui avait tenté de la tuer peu de temps auparavant et elle avait affirmé son pouvoir devant tous les habitants du marais. Ils avaient tous ployé genoux.
Que pouvait-elle demander de plus ?

Affalée sur son trône, elle observait la salle vide. La brume dansait autour d'elle et flottait dans la pièce accentuant le côté surnaturel du lieu.

Elle ne pouvait s'empêcher de penser à sa première fête de l'Acqua et sanguis. Ce bal devrait être interdit. Peu importe l'époque, il finissait toujours d'une manière indésirée.
Célébrer l'eau et le sang n'était finalement pas la meilleur chose qu'il soit au monde... Ni même une bonne idée. Surtout à Atralean.

C'était bien la dernière fois qu'Ignea respecterait les traditions. Son règne commençait, à elle d'en créer de nouvelles.
Alaster n'était plus là après tout...

Cette constatation fut comme un coup de couteau dans le cœur d'Ignea qui se crispa sur son siège. Pourquoi avait-elle pensé cela... Une fureur sans nom s'empara d'elle et elle entendit le bois de l'accoudoir craquer sous la pression que sa poigne exerçait. Ce bruit la ramena à la réalité.

Devant elle, se tenaient ses deux chiens, les deux animaux qu'elle avait emporté avec elle lorsqu'elle s'était perdue à Atralean dans sa course furieuse. Aussi hideux qu'ils puissent être, ils étaient fidèle à la Dame qui tenait à eux. Ils faisaient parti de son quotidien et Ignea ne s'imaginait pas Atralean sans les deux bêtes.

La Dame tapota la tête du premier chien tandis que le deuxième posa son museau sur ses genoux, en quête de caresse. Il était étrange de voir ces deux immenses molosses aux crocs dégoulinant de bave, aux yeux rouges sanguinaires et à la fourrure hirsute quémander ainsi de l'attention à la femme la plus cruelle du marais.

Lorsque la sublime femme se leva, ils l'accompagnèrent jusqu'à la porte en bois massif de sa chambre et s'assirent bien sagement.

Ignea plongea les mains dans les plis de sa robe et en tira un os qu'elle lança à ses fidèles bêtes. Soudain, ils se sautèrent l'un sur l'autre pour pouvoir s'emparer de la précieuse récompense et la garder pour lui seul. Le partage n'existait pas chez ses animaux. La "Belle de nuit" écouta un instant la mélodie des aboiements furieux et des japements menaçants.
Puis elle pénétra dans sa chambre et referma d'un geste brusque la porte, s'y adossant pour souffler.

Enfin au calme. Enfin seule.

Ignea ôta sa tenue de bal si imposante et étouffante, que le sang tachait, et enfila rapidement une robe de chambre blanche, dont la pureté contrastait énormément avec celle que venait d'enlever la Dame.

Puis elle se laissa alors tomber dans son lit et ferma les yeux. Qu'il était bon de retrouver la fraîcheur et le calme de sa chambre ainsi que tous les souvenirs qui la peuplaient et lui donnaient cet aspect de cocon. Elle roula sur le côté et laissa enfin son esprit s'en aller pour prendre un repos qu'elle jugeait bien mérité.

Ses paupières étaient closes. Pourtant Ignea ne dormait pas. Ou pas totalement. Elle n'était pas vraiment consciente et avait l'impression de flotter dans les ténèbres.