XXVII. Ce que la mort n'a su prendre à l'amour.

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Lorsqu'Ignea reprit conscience de ce qui l'entourait, tout était calme. Il n'y avait plus un bruit, le marais était aussi silencieux que ses profondeurs. La folie qui l'agitait quelques instants plus tôt à peine venait de disparaître. Tout comme la douleur de sa lame, cette dernière elle même qui avait volé en éclat et trônait au sol, et aussi... Alouan. L'enfant ne se trouvait plus devant elle. En réalité, elle ne saurait dire ce qui se trouvait devant elle. Était-elle toujours dans les marais perdus ? Était-elle morte ? Soudain, une voix s'éleva, tranchant le silence :

« Bonjour ma belle.

La jeune femme leva brusquement la tête dans un geste qui aurait pu faire craquer sa nuque et même la briser. Ses yeux toujours d'un noir profond s'écarquillèrent sous le coup d'une violente surprise. Car devant elle, se tenait un homme dont les boucles ambre tombaient élégamment sur ses épaules, en parfaite harmonie avec ses iris scintillantes qui ressortaient sur son visage aux traits sublimes et masculins, presque sombres. Une carrure athlétique et un corps fort vêtu de vêtements simples accaparait tout l'espace face à elle. Alaster.

L'ancien seigneur d'Atralean couvait la sublime dame d'un regard presque doux et admiratif quoique baigné d'une certaine mélancolie. Il y avait aussi un air réprobateur. Comme s'il lui reprochait son geste et ce qui était advenu. De s'être tuée quand lui s'était sacrifié pour qu'elle vive... À cette idée Ignea, bascula en arrière, tombant sur ses fesses, essayant d'échapper au fantôme de son ex-amant.

Sans se soucier de la crainte de son ancienne dame, Alaster s'approcha d'elle et l'aida à se relever. À cet instant, la dame s'aperçut qu'elle ne saignait plus mais ses mains étaient ensanglantées, recouvertes du liquide noir poisseux. Pourtant elle ne parvenait pas à s'attarder sur ce détail. La surprise lui coupait le souffle et paralysait tant son esprit qu'elle frôla la joue d'Alaster d'un geste hésitant, laissant une marque de sang noire, et murmura :

- Tu n'es pas réel...

L'homme tendit alors à son tour sa main vers elle, effleurant son bras tout en murmurant :

- Un mirage ne peut frôler...

Ignea releva sur lui une expression effarée, presque terrifiée et eut un mouvement de recul. Mais il lui empêcha toute retraite, lui saisissant brusquement le poignet et le lui tordant avec une violence qui fit glapir la dame de douleur. Elle palissait à vue d'œil tandis qu'il lâcha à présent d'un ton égal :

- ... Une illusion ne peut blesser...

Cette fois-ci, la fée ne bougea pas. Il était là, devant elle. Il l'avait frôlée, l'avait blessée et...
Alaster avança encore d'un pas, plus rien ne les séparait hormis quelques centimètres. Il se pencha sur le visage aux traits divins levés vers lui et chuchota, avec une infinie tendresse :

- Et un mensonge ne peut embrasser.

Sans qu'elle ne puisse réagir, il l'enlaça avec douceur, encerclant sa taille de son bras et déposa ses lèvres sur les siennes. Immédiatement, Ignea saisit en coupe le visage de l'ancien seigneur d'Atralean, voulant profiter le plus longtemps possible de ce contacte qui lui avait tant manqué et qui la tuait. Car elle mourrait d'embrasser celui qu'elle aimait de tout son coeur. Là, maintenant qu'il était enfin présent, contre elle, qu'il la serrait contre son corps humain et dénué de toute bestialité, elle ne voulait décemment plus le lâcher. Ses doigts s'enfoncèrent dans les joues d'Alaster qui poussa un grondement de satisfaction avant de mordre la lèvre inférieure de la sublime "Belle de nuit". Cette dernière avait l'impression que l'organe qui battait comme un demeuré dans sa poitrine allait céder à tout instant, la laissant s'écrouler morte. Mais n'était-ce pas déjà ce qu'elle était ?

Atralean II - L'enfant Des Marais Perdus Where stories live. Discover now