8 - Peur [Corrigé]

721 74 72
                                    

J'ai presque crié. Seulement, ma vessie semble sur le point d'exploser. Déjà qu'ils m'ont à peine nourrie et abreuvée, ils ne peuvent pas m'ignorer encore bien longtemps. Tous les deux se tournent vers moi, surpris par mon ton. Tyron me lance un regard dédaigneux et hausse les épaules :

« Tant pis pour toi. »

Il se retourne vers son frère avec désinvolture, ne voyant aucun soucis à appliquer la politique de l'autruche. Je ne lui en laisse pas l'opportunité. À trop vouloir rentrer la tête dans le sol, on finit par se prendre un coup de pied au cul.

« Vous voulez vraiment que je fasses ça ici ? » je reprends en grimaçant.

Tyron lance un regard excédé à James, comme s'il espère que ce dernier ne saute soudainement sur ses jambes, plein d'énergie et ne s'exclame « Ne bouge pas, je m'en occupe ! ». J'aurais également aimé, James me paraissant une menace moins importante que son frère. Pourtant, il lui répond seulement par un sourire sardonique qui, lui, exprime clairement « Tu l'as emmenée ici, maintenant tu te débrouilles ».

Je vois les sourcils de Tyron se froncer mais il ne proteste pas et se lève pour approcher de moi. Mon sang se glace, mes mains se mettent à trembler et ma vessie se contracte. Chacun de mes muscles se tends un peu plus à chaque nouveau pas que Tyron fais vers moi. Il se place dans mon dos, détache la corde de ses doigts agiles puis me saisit par le bras pour me faire relever. Une fois debout, je titube et sa poigne brûlante semble me consumer. J'ai envie d'éclater en sanglots. Je ne supporte pas sa main sur mon corps.

« Avance. Et pas de conneries.

- O...Oui. »

Il est sûr que, si un oxymètre pouvait mesurer les battements de mon cœur à cet instant, il en ferait une surchauffe. Moi-même, j'ai du mal à suivre ce qui se passe dans ma tête. Dès que James et son frère sont loin de moi, la peur diminue un peu et je suis même capable de leur répondre sans trembler. Pourtant, il suffit que Tyron s'approche pour que mon cœur s'emballe et que la peur tiraille chacun de mes os. Je perds alors ma langue et, avec elle, toute capacité de réflexion. C'est un meurtrier, merde !

Tyron déverrouille la porte et glisse la clé dans une de ses poches. Sa main sur mon épaule, il sort en m'entrainant derrière lui. Tout mon corps pousse un cri de soulagement quand je débarque dehors. Ça fait du bien de se dégourdir les jambes et de changer d'air ! Seulement, le vent glacial me rappelle vite à la réalité de ce mois de décembre et le peu du soleil matinal passant à travers les arbres n'arrive pas à me réchauffer. Ma veste en cuir m'a été enlevée et le gilet au-dessus de mon tee-shirt ne suffit pas à me réchauffer. Tyron ne me laisse pas le temps de trop refroidir et me tire à sa suite. Il contourne la cabane et je découvre, derrière, un petit cabanon à l'écart.

Quand il en ouvre la porte, je découvre à l'intérieur des toilettes sèches dans un coin, devant une armoire remplie de papier toilette et, de l'autre côté, une douche improvisée, qui semble chauffer à l'énergie solaire. Pas mal, pour une cabane paumée comme ça. Tyron a la gentillesse de sortir de la pièce, refermant la porte derrière lui. Je me dépêche de faire ce que j'ai à faire puis prends le temps de fouiller entièrement la pièce, cherchant la moindre issue ou, à défaut, une arme. Mais je ne trouve rien, pas même une planche qui se déboite ou un vieux clou rouillé.

Le bandit finit par débarquer à l'intérieur et roule des yeux en me voyant au milieu de la pièce, les bras ballants. Il me saisit à nouveau l'épaule et me pousse dehors sans douceur. Je grimace et regarde vivement autour de moi, cherchant... je ne sais pas, quelque chose, quoi que ce soit ! Mais je n'ai pas le temps d'analyser les environs que Tyron me ramène déjà à l'intérieur. Il referme soigneusement la porte à clé derrière lui, puis me guide jusque la chaise où je suis restée attachée toute la journée. James n'a pas bougé de son lit et tient un petit livre aux pages jaunies entre les mains. Il semble tellement serein que j'ai envie de lui rappeler qu'il est recherché par la police de tout le pays, juste au cas où il aurait oublié.

Mémoire en CavaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant