47 - Abandon

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Je voyais mal comment je pouvais détester cette femme alors qu'on parlait du meurtre de ma mère. Avait-elle quelque chose à voir là-dedans ? Elle se pencha vers nous, les yeux brillants :

- Tu sais, ta mère n'a pas toujours été comme ça. Quand elle était jeune, elle était une enfant merveilleuse. Gentille, douce, marrante... tout le monde l'adorait, moi la première. Son père, mon mari, était un homme formidable. Ils étaient très proche et il est mort du cancer quand elle avait une quinzaine d'années. Ce fut très dur à vivre pour elle comme pour moi, mais nous restions soudées

Je frissonnai, me rendant compte que je ne connaissais absolument rien du passé de ma mère, et j'allais maintenant découvrir tous ses secrets. Je m'enfonçais dans le canapé, sous le regard inquiet de Tyron, qui attrapa ma main et la serra. Je le remerciai d'un regard, tandis que ma grand-mère continuait :

- Un jour alors qu'elle avait à peu près ton âge elle... Elle a subi un évènement traumatisant. Elle rentrait tard du lycée et... elle s'est fait accoster par trois hommes. Des adultes qui furent attirés par la chair fraiche. Ils l'ont... ils l'ont beaucoup violentée, puis l'ont violée, frappée, humiliée, avant de la laisser ainsi sur le trottoir.

J'écarquillai les yeux et, cette fois-ci, se fut moi qui serrait la main de Tyron. Ma mère avait subi... tout ça ? Je n'en revenais pas. C'était loin de tout pardonner mais... ça expliquait une partie de son comportement.

- Elle a réussi à rentrer immédiatement après. Et depuis... rien n'a plus jamais été pareil. Elle était traumatisée. Elle s'est complètement renfermée sur elle-même. Elle a quitté la maison, et s'est installée avec ton père peu après. J'essayais d'aller la voir, mais elle refusait souvent ma visite. J'ai... j'ai fais des recherches la concernant. Je crois qu'elle est malade. Psychologiquement malade.

Je jetais un regard interrogatif à Tyron. J'avais de nombreuses fois dit et pensé que ma mère était folle. Mais je ne pensais pas que ce soit réellement le cas, de manière médicale. Ma grand-mère se pencha vers moi, et serra mon autre main entre les siennes :

- Morgane, ta mère souffre d'un trouble de la personnalité Borderline. Ce n'est pas officiel mais d'après mes recherches, ça ne peut-être que ça.

Je fronçai les sourcils. Je n'avais pas la moindre idée de ce que cela pouvait être.

- C'est un trouble de la personnalité généralement provoqué par des maltraitances sexuelles. Ça se base sur un comportement impulsif et une instabilité émotionnelle dans ses relations avec les autres, mais également une angoisse de perdre des proches, qu'elle traduit par de la violence. Il y a neuf critères pour la diagnostiquer. Si on en a au moins cinq, c'est qu'il y a cette maladie. Je lui en ai identifié sept, dont des accès de rage sans raison, des efforts pour éviter l'abandon, une perturbation de l'identité, une méfiance importante vis-à-vis des autres... ta mère est malade, Morgane.

Je me figeai, essayant de reprendre ma respiration. Ça expliquait tellement de choses ! Ma mère avait bien des sérieux soucis. Je vis Tyron froncer les sourcils :

- Pourquoi n'en avoir jamais parlé ?

- Au début, je n'étais pas certaine. En grandissant, les choses se sont arrangées. Avec son mari, elle avait encore des crises de violences, mais elles s'étaient amoindries. J'en ai parlé à ton père, qui pensait naïvement que tout s'arrangerait. Il l'aimait vraiment.

- Mon père est au courant... ?

- Bien sûr. Mais il s'est convaincu que je délirais. Et puis, tu es arrivée Morgane. Et moi... j'ai décidé de prendre un peu de distance. Plutôt que de rester pour toi, j'ai préféré m'éloigner. Je me suis dit que je maternisais un peu trop ta mère. Je ne pensais pas que... que ça empirerait les choses.

Mémoire en CavaleWhere stories live. Discover now