54 - Gagner du temps

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Le temps passa sans que je ne le voie défiler, à l'abri de toute trace du temps, enfermée dans la cave autrefois témoin de tant de choses. Mon ventre gargouillant régulièrement me rappelait à la réalité. Je n'avais pas mangé, et Ryder semblait bien décidé à me laisser mourir de faim au fond de sa cave. Je dormais à moitié, mon cerveau vagabondant entre un semblant de réalité, des rêves, des souvenirs, et un sommeil lourd. J'avais peur. J'étais même effrayée.

Ce type avait réussi ce qu'il voulait depuis le début. Il s'était inscrit à jamais dans mon crâne, dans ma peau, et n'était pas prêt à en sortir. Je ne voyais rien dans ce noir profond, et mes liens étaient impossibles à détacher. J'essayai d'imaginer où était Tyron, à ce moment précis. J'essayais de croire qu'il avait abandonné, comme je le lui avais demandé. Qu'il était parti rejoindre son frère. Mais je n'arrivais pas à y croire. Il était bien trop borné pour ça.

Soudain, je sursautais en entendant des bruits de pas s'approcher. Peu de temps après, la clé tourna dans la serrure, la porte s'ouvris et la lumière s'alluma. Tout mon corps se figea en voyant Ryder pénétrer dans la pièce. Il tirait derrière lui un plateau roulant, sur lequel mon ventre affamé reconnut de la nourriture.

Sans un mot, mon psychopathe d'ex copain referma la porte, avança jusque moi, puis s'assit sur la chaise devant moi. Il croisa les jambes, puis me souris.

- Bonjour Lolita. Comment ça-va ?

Je ne répondis rien, me contentant de rouler des yeux rien que pour l'agacer. De toute façon, il s'agissait d'une question rhétorique. Comment pourrais-je aller bien, aux vues des circonstances ? L'homme hocha la tête.

- Très bien, tu veux te la jouer muette. Pas de soucis.

Je fronçai les sourcils quand il se releva, et passa derrière moi. Je me crispai, mais il se contenta de défaire tranquillement mes liens, avant de m'attraper l'épaule.

- Debout.

J'obéis, les lèvres hermétiquement clauses. J'essayais de masquer ma peur mais, vu son sourire sardonique, c'était peine perdue. Depuis le temps qu'il me connaissait, il savait identifier la moindre de mes expressions, la moindre de mes réactions. Et, dernièrement, il connaissait tout particulièrement l'expression de ma peur. Même avant notre rupture brutale, il avait pu la voir de nombreuses fois.

Il me tira par l'épaule jusque la sortie, d'une poigne de fer que je savais impossible à décrocher. Je réussis à rester silencieuse jusque-là porte, mais ça ne dura pas plus longtemps. Je soufflai et m'arrêtais net, le souffle court. J'entendis le grognement de Ryder en échos au mien.

- Quoi ? râla-t-il.

- Je dois te dire quelque chose.

Je tournai le visage vers lui, et le vis froncer les sourcils, soudain intrigué. Je vis ce qui ressemblait à une lueur d'espoir au fond de ses yeux, avant que je ne prononce ces quelques mots :

- T'es qu'un connard, Ryder.

Ce n'était certes pas le plus intelligent. Mais qu'est-ce que ça faisait du bien ! La lueur d'humanité dans ses yeux s'éteignit, noyée dans une avalanche de haine, de froideur et d'insensibilité. Il resserra sa poigne sur mon épaule et se pencha à mon oreille.

- Et toi, susurra-t-il, tu n'es qu'une petite pute. Une petite pute qui offre ses services au premier venu, et gratuitement en plus. Tu ne mérite pas plus que ce qui t'arrive actuellement. Tu mérite même beaucoup moins. Tu veux savoir ce que tu mérites ? De souffrir. Puis de voir tout ceux que tu aimes souffrir, et mourir. Mais toi, tu ne mérites pas de mourir. Non, tu mérite de vivre avec une culpabilité qui te lâchera jamais. La simple culpabilité d'être née. D'être celle que tu es.

Mémoire en CavaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant