Chapitre 1

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I, I wish you could swim
Like the dolphins
Like dolphins can swim.

Heroes, David Bowie.

La même sonnerie de réveil depuis des années. Je l'éteins et soupire. C'était une des chansons préférées de maman. Elle avait pour habitude de dire que David Bowie était un grand homme et un artiste mémorable. Et, cette chanson, comme une dizaine d'autres faisait partie de ses incontournables.
Souvent, le samedi matin, elle se levait tôt, partait à la boulangerie au coin de notre ancienne rue et revenait une dizaine de minutes plus tard, de bonne humeur, déposant avec soin le sachet rempli de viennoiseries et de pain frais sur la table. Puis, elle saisissait le vinyl Heroes et, délicatement, l'enclenchait à l'aide du tourne disque qu'elle avait depuis son adolescence.
La musique parvenait alors à nos oreilles et nous émergeait petit à petit du sommeil. Enfin, nous descendions au salon pour la rejoindre, elle, déjà souriante, préparant la table et exécutant de petits pas de danse au rythme du refrain de Heroes.

Un claquement de porte. Le bruit assourdissant des clés déposées violemment sur le comptoir à l'entrée. Un bougonnement et un verre qui se casse. Des pas lourds dans l'escalier. Une autre porte qui claque. Un lit qui couine.
Mon père est rentré. Et quand il rentre dans
cet état, cela signifie que je suis libre pour une bonne partie de la journée.

Alors je me lève, ouvre mes volets et apprécie le temps de quelques instants la chaleur déjà présente du soleil de cette fin de mois d'août. Un sentiment de nostalgie m'envahit. L'été était la saison préférée de maman.
Elle portait tout le temps de belles robes à fleurs et ses longs cheveux bruns sentaient la noix de coco. Quand elle partait en ville, le tissu fluide de sa robe bougeant au rythme de ses pas, elle attirait tous les regards, même celui des autres femmes, envieuses. Elle était très belle maman. Rayonnante.

Je soupire et ferme mes fenêtres avant de sortir de ma chambre et descendre discrètement les escaliers, tentant de ne pas faire trop de bruit.
J'aperçois le verre brisé, par terre, que mon père a surement du renverser en rentrant il y a quelques minutes. Je saisis le balai et ramasse les morceaux afin de les jeter.
Je jette ensuite un coup d'œil général à l'ensemble de la pièce.
C'est le désordre le plus total. Le même depuis 3 ans. Les affaires de mon père sont éparpillées partout, ses habits sont étalés sur le canapé du salon, ses chaussures posées en vrac à l'entrée, des piles de livres sont empilées ici et là, des cartons de pizza vides trainent sur la petite table en face de la télé...
Je soupire et me décide à ranger un minimum, du moins les restes de nourriture ainsi que les habits que je porte dans la salle de bain afin de les laver.
Une fois terminé, le salon est toujours en désordre mais pour ce que cela vaut, c'est propre.
Je me dirige ensuite dans la cuisine, me sers un jus d'orange et, n'ayant pas faim, je descends directement au sous sol.

L'atelier.

Le seul endroit dans cette maison ou je me sens vraiment bien.
Je dépose le verre dans un coin et me positionne face à la toile sur laquelle je travaille depuis le début du mois d'août.
Je crois que je suis douée. Du moins, c'est ce que me répétaient mes professeurs d'art durant mes deux premières années de lycée. Ils parlaient tous de mon habilité à transmettre de purs émotions à l'aide d'un simple coup de crayon, ou pinceau.
Je ne sais pas si ils ont raison, je ne suis pas assez objective pour donner mon opinion mais, j'aime l'art.
J'aime m'enfermer dans cet atelier, durant les weekends, des heures durant, dessinant et peignant sur mes toiles tous les mots et les émotions que je souhaite exprimer. C'est mon refuge, ma bulle à moi. Même mon père ne vient jamais ici. Il sait que c'est mon endroit. Et, malgré tous nos différents et cette situation, il le respecte. C'est une des seules choses pour lesquelles je lui suis reconnaissante. Peut être même la seule.
C'est lui qui m'a transmis cette passion pour l'art.

Heal me • Finn WolfhardWhere stories live. Discover now