Chapitre 19

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*Je vous conseille de relire les 2-3 chapitres précédents pour vous remettre un peu dans l'histoire et ne pas être perdu(e)!*

« Appelles moi dès que tu seras rentrée chez toi, s'il te plaît. »

J'hoche de la tête et tends mon petit doigt à Finn, comme pour lui en faire la promesse.
Il me lance un regard amusé qui ne parvient pas à lui retirer cet air inquiet du visage. Puis il me tend son petit doigt à son tour et nous nous regardons quelques instants avant que je lui adresse un dernier sourire et lui tourne le dos, commençant à marcher en direction de ma maison.
Mon père est sûrement de retour. Je n'ai aucune envie de rentrer mais pourtant, il le faut. Je ne peux pas rester indéfiniment chez Finn et sa famille. Je ne suis restée qu'une nuit mais, pourtant, j'avais ce sentiment indescriptible d'être chez moi. Comme si je vivais dans cette maison depuis des années.

Depuis l'accident il y a trois ans, j'ai eu énormément de mal à me sentir bien dans la maison familiale. Sûrement parce que la présence de ma mère manquait et que cela me donnait le sentiment de ne plus vraiment y appartenir, que ma place n'était plus là bas. Chez Finn, je me suis sentie bien, dans la chaleur réconfortante d'un vrai foyer.

Je secoue ma tête et tire sur ma cigarette. Ce n'était qu'une nuit et, déjà, je dois rentrer. Retourner dans cette maison.
On pourrait presque croire qu'elle est hantée, sauf qu'en l'occurrence, j'ai l'impression d'être le fantôme qui la hante. Je me traine là bas, vidée, ayant le sentiment que plus rien ne me rattache à cette maison, hormis le souvenir de ma mère. Je me rappelle que peu après son accident, mon père voulait déménager. Il voulait partir loin, il parlait même d'aller jusqu'aux Etats Unis, alors qu'il n'avait jamais quitté Vancouver. Et puis, il s'est résigné. Nous sommes deux fantômes. Deux fantômes hantés par le souvenir de ma mère. Un souvenir qui fait mal, qui ne nous quitte pas.

Lorsque j'arrive au croisement de ma rue, j'aperçois la demeure de loin, qui se dresse dans l'obscurité naissante de la soirée. Elle me ferait presque pitié. Je crois que je ne m'étais jamais rendue compte de ce sentiment, de cette impression de ne plus appartenir à la maison familiale. Il aura fallu que je passe une nuit dans un vrai foyer pour réaliser.
Réaliser à quel point notre maison est vide.

J'inspire un bon coup, jette ma cigarette par terre et l'écrase d'un pied, avant de me diriger vers le porche. Les lumières sont allumées. Je sais ce qu'il m'attend une fois que j'entrerais. Mais je n'ai pas le choix. Je baisse la poignée de la porte et pénètre à l'intérieur.

Mon père n'est pas dans le salon. Intérieurement, une once de soulagement se fait ressentir. Je monte rapidement les escaliers pour me précipiter dans ma chambre afin de me sentir, ne serait-ce qu'un minimum, à l'abri. Mais lorsque j'arrive devant celle-ci, je me rends compte que la porte est ouverte. Je comprends, et pourtant, je m'y dirige tout de même.

Il est là.
Assis sur mon lit, un verre à la main. L'ambiance est lourde, si lourde que je pourrais presque la toucher. Il me lance un regard. Il est vitreux. Cela me rappelle immédiatement les pensées que j'ai eu il y a quelques minutes.
Un fantôme. Nous ne sommes que des fantômes dans cette maisons aux souvenirs bien trop pesants. Pour nous deux. Nous sommes bien trop vulnérables face à ceux-ci, et nous ne tiendrons certainement pas sur la longueur. Nous avons tenu trois ans ici après la mort de ma mère mais, je ne sais pas si nous tiendrons encore des années. En tout cas, je ne tiendrais pas.

"Roger m'a communiqué les cordonnées que tu as donné à l'officier hier soir," murmure t'il d'un ton sec.

Je ferme les yeux et déglutis. Roger est l'officier Reynolds, son ami de toujours, celui qui le couvre à chaque fois. Je m'apprête à prendre la parole, à lui dire quelque chose, à tenter de le convaincre d'un mensonge que j'aurais maladroitement inventé. Mais il porte son verre à ses lèvres et boit une gorgée de l'alcool contenu dedans. Puis il le repose sur ma table de nuit et lève à nouveaux ses yeux vitreux sur moi.

Heal me • Finn WolfhardWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu